Édition du 18 juin 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Laviolette et Dubuc pressentent la conclusion d’une alliance entre le NPD et Québec solidaire

Le danger principal vient de la gauche !

La lettre de Pierre Dubuc et Marc Laviolette [1] vise à prévenir le camp souverainiste d’un grave danger pour les souverainistes d’allégeance péquiste.

Résumons leurs thèses. "Ne croyez surtout pas que les Québécois vont réaliser leur erreur de ne pas avoir voté pour le Bloc et que le vote pour le PQ est assuré. Ne vous laissez pas non plus tromper par une nouvelle vague qui viendrait de la droite portée par le parti de François Legault. Ne répétons pas l’erreur du Bloc d’avoir ciblé Harper et de ne pas avoir vu venir le NPD.

Car le danger va plutôt venir d’une alliance NPD-QS. QS a une aile fédéraliste. Des militants de QS se sont présentés comme candidat-e-s du NPD. Les dirigeants de QS ont appelé à voter pour battre Harper et non à voter pour le Bloc. Non seulement cette alliance est possible mais elle est dangereuse car le NPD pourrait offrir dans 59 comtés une infrastructure organisationnelle à QS pour la prochaine campagne électorale au Québec. Le tandem Khadir-Mulcair pourrait être redoutable et cette alliance pourrait bénéficier d’appuis importants au sein du mouvement syndical. Le renforcement de QS pourrait déboucher sur la reprise du pouvoir par Charest. Le gouvernement fédéral pourrait donner un coup de main à cette dynamique. Et ils invitent à une confrontation idéologique avec QS. Voilà l’essentiel des thèses de Dubuc et Laviolette".

Pas plus dans Québec solidaire que dans la société québécoise, il faut interpréter le vote pour le NPD comme un ralliement au fédéralisme. Laissons ces fadaises aux fédéralistes. En fait, il n’y a rien d’un tel phénomène à Québec solidaire. Ce que refusent de comprendre Laviolette et Dubuc, c’est que le vote NPD pas plus de la part de membres de Québec solidaire que d’une majeure partie de la population québécoise n’est le fait de fédéralistes ou d’un ralliement au fédéralisme. En fait, ce vote est le produit a) d’une volonté de changement visant particulièrement le gouvernement conservateur ; b) de l’usure du Bloc engoncé dans son rôle d’opposition perpétuelle donnant au Québec un statut participant loyal mais minorisé dans les institutions fédérales, c) de la volonté de se débarrasser des élites en place (et on a assez dit que les candidat-e-s du NPD ne s’inscrivaient pas dans le personnel politique reconnu) ; d) le recul du sentiment d’urgence face à la souveraineté, sentiment miné par le rejet de la perspective référendaire dans un avenir incertain ; e) de la volonté de donner une priorité au discours de gauche sur le discours nationaliste dans le cadre d’élections fédérales. Il ne faut pas oublier que cette vague a balayé non seulement le Bloc mais également les Conservateurs et les Libéraux du Québec.

L’art de construire un épouvantail

Dire que le NPD pourrait faire miroiter à la direction de Québec solidaire la possibilité de disposer dans 59 comtés d’une infrastructure organisationnelle, c’est prendre des libertés avec la réalité. La structure organisationnelle du NPD dans les comtés n’existe tout simplement pas. Tout reste à construire pour ce parti. Et, le gouvernement conservateur fait de l’abrogation du financement public des partis politiques une priorité. Et, avec sa majorité, il ne se gênera pas pour l’imposer dans le cadre du prochain budget. D’autre part, dans quelle déclaration la direction Layton s’est-elle définie comme proche politiquement de Québec solidaire indépendantiste et très clairement marqué à gauche ? Nulle part. Parler du caractère redoutable d’un tandem Khadir-Mulcair a tout de l’invention pour donner du panache à l’épouvantail qu’ils veulent construire.

Pourquoi, vouloir faire de Québec solidaire le danger principal pour la réélection du PQ ?

Pourquoi faire de cette improbable coalition, un instrument auquel le gouvernement fédéral voudra bien prêter un coup de main pour faciliter la réélection d’un gouvernement fédéraliste ? Veulent-ils délégitimer un parti indépendantiste qui offre une autre stratégie dans la lutte pour l’indépendance face à la renonciation que constitue le plan Marois de gouvernance provincialiste . Veulent-ils détourner l’attention sur les invitations à répétition de Pauline Marois en direction de François Legault de rejoindre le parti, avec toutes ses positions droitières et antipopulaires ?

Qu’un débat franc s’ouvre !

Ils proposent au PQ d’engager une confrontation idéologique avec Québec solidaire. Que le débat s’ouvre, en effet. Que le PQ explique pourquoi il remet aux calendes grecques la tenue d’un référendum sur la souveraineté. Qu’il explique pourquoi il rejette l’élection au suffrage universel d’une assemblée constituante. Qu’il explique pourquoi, il ne propose pas une redistribution importante de la richesse vers les classes ouvrières et populaires. Qu’il explique pourquoi il refuse un élargissement les droits collectifs des organisations syndicales et de l’ensemble des travailleuses et des travailleurs. Qu’il explique pourquoi il refuse de défendre des élections à la proportionnelle qui permettraient de prendre en compte chaque vote de la population du Québec. Et nous expliquerons nos positions. Car nous ne craignons pas les débats ouverts.

Mais nous refusons les procédés polémiques qui visent à obscurcir les défis politiques les plus importants qui sont devant nous et à délégitimer un parti politique indépendantiste pour le faire passer pour un instrument (même involontaire) du fédéralisme canadien.


[1Vers une alliance NPD-Québec solidaire ?, Le Devoir du 6 mai 2011

Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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