S’il est encore difficile de prévoir à quoi ressemblera exactement ce tsunami de désastres, les expert·e·s parlent d’ores et déjà de guerres de l’eau, d’émeutes alimentaires mondiales, de migrations massives de réfugié·e·s climatiques (accompagnées de réactions violentes contre ces migrant·e·s), de la chute de l’ordre social voir de l’effondrement des Etats. Si les pays du Sud semblent être sur la ligne de front, toutes les régions de la planète finiront par être affectées par de telles catastrophes.
Pénurie de ressources, ressources de guerres
Le seul épuisement – et non pas la disparition totale – des matières premières énergétiques (pétrole, gaz, etc.), de l’eau, de la terre, de la nourriture et des minerais de base (uranium, cuivre, cobalt, métaux rares. etc.) suffit au développement de troubles sociaux, de frictions géopolitiques et de guerres. Le pétrole et l’eau, ressources les plus emblématiques, montrent déjà les limites de leur disponibilité en regard de la demande actuelle ou à venir. Or, la perception du manque imminent provoque des sentiments d’anxiété, d’inimitié, d’hostilité et par suite, d’agressivité. Ce schéma comportemental est bien connu tant il a eu cours dans l’histoire de l’humanité. Les civilisations anciennes on vu de nombreuses guerres exploser en raison du manque de ressources généré par l’accroissement démographique, le faible niveau des récoltes ou des disettes persistantes. Plus récemment, on peut citer l’invasion de la Mandchourie par le Japon en 1931 ou l’invasion de la Pologne par l’Allemagne nazie en 1939. Aujourd’hui, plusieurs conflits sont déjà le résultat d’une raréfaction de ressources vitales, telle la guerre du Darfour qui a fait 300 000 morts et plus de 2 millions de déplacés depuis 2003.
Les conséquences guerrières liées à une probable pénurie de pétrole trouvent une illustration pleine et entière dans la politique extérieure américaine depuis la formulation de la doctrine Carter en 1980. Le président américain annonçait alors que tout mouvement visant à empêcher l’importation de pétrole en provenance des pays du Golfe serait considéré comme une menace contre les « intérêts vitaux » des Etats-Unis. En 1990, ce principe était à nouveau invoqué par le président George H. Bush pour justifier une intervention dans la Première Guerre du Golfe et il fut, en partie, repris par son fils pour envahir l’Irak en 2003. Aujourd’hui, ce principe est à la base des plans américains visant à user de la force s’il le faut pour empêcher le gouvernement iranien de fermer le détroit d’Ormuz, canal stratégique qui connecte le Golfe persique à l’océan Indien et où transite près de 35 % du commerce maritime mondial de pétrole. En d’autres points du globe, les tensions grimpent : entre la Chine et ses voisins du Sud-est asiatique pour les réserves de pétroles et de gaz, entre la Chine et le Japon concernant les réserves sous-marines ou encore entre la Grande-Bretagne et l’Argentine pour le pétrole des îles Malouines.
Avec le changement climatique, tout devient plus terrifiant encore
Lorsque l’on pense au changement climatique, on pense généralement, en premier lieu, aux menaces pour l’environnement. Pourtant, un nombre croissant d’expert·e·s souligne que les effets les plus puissants du changement climatique se manifesteront directement sur les hommes au travers, notamment, de la destruction de l’habitat dont nous dépendons pour nous nourrir, pour produire, bref, tout simplement pour vivre.
Les scientifiques connaissent désormais, avec une fiabilité que l’on peu qualifier de raisonnable, les effets du changement climatique : l’augmentation du niveau des eaux qui entraine la destruction de nombreuses zones côtières, de grandes villes, d’infrastructures essentielles (routes, chemins de fer, ports, aéroports, pipelines, raffineries, etc.) et des terres agricoles ? ; la diminution des pluies et de la prolongation des disettes qui transforme les terres cultivables en nuages de poussière et qui ne peuvent que provoquer l’émigration de millions de réfugié·e·s climatiques ? ; enfin, les tempêtes sévères et les vagues de chaleur qui détruisent les récoltes, provoquent des incendies de forêt et des inondations.
Compte tenu des ces changements, des explosions sociales brutales risquent de se multiplier dans le futur. Une question se pose alors : « serions-nous à l’orée d’un nouvel ordre mondial dominé par la lutte pour l’accès aux ressources disponibles ? » Le directeur du Service national de renseignements étasunien, James R. Clapper, va dans ce sens lorsqu’il considère la « compétition pour les ressources naturelles et leur rareté relative » comme une menace pour la sécurité nationale au même titre que le terrorisme global, la guerre cybernétique et la prolifération nucléaire. Cette déclaration d’un haut représentant de la première puissance militaire mondiale laisse présager ce « choc des ressources » que dessine un nouvel ordre mondial.
Michael T Klare
Résumé et adaptation : Isabelle Lucas