Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Politique québécoise

Le PQ se saborde tout seul

Stéphane Thellen

J’ai adhéré au Parti Québécois dans le cadre de la dernière course à la chefferie, principalement pour appuyer la candidature de Pierre Dubuc. C’était une première : comme militant altermondialiste, j’ai toujours été critique à l’égard des partis traditionnels.

Texte reçu le 12 mars 2006

Malgré un certain attachement au projet de souveraineté du Québec, j’avais encore de la difficulté à digérer les politiques lucides de Lucien Bouchard et le piètre travail d’André Boisclair à titre de ministre de l’Environnement dans le dossier des lagunes de Mercier, l’une des pires catastrophes écologiques étant survenue sur le territoire québécois.

Mais j’ai pensé sans vraiment d’enthousiasme et naïvement que le PQ ferait une analyse rigoureuse de toutes les causes de sa défaite des dernières élections. Peut-être même allions-nous assister à un changement de garde, à un renouvellement des idées et des façons de faire du parti.

Mes lubies furent de courte durée. Contrairement à Pierre Dubuc, j’ai pris acte de la volonté de la majorité des membres du PQ : aller encore plus à droite ; que dis-je, plus dans le marasme des faiseurs d’opinions et des stratèges patentés qui prennent les membres du parti et la population pour des cruches. Je déchire ma carte illico.

Le PQ : allié naturel des syndicats ?

Je suis enseignant au niveau collégial et donc, comme syndiqué, j’ai eu à subir à l’hiver le décret du gouvernement libéral. Avec plusieurs, je m’oppose vigoureusement aux politiques de John James Charest et de ses sbires qui continuent les politiques lucides des élites québécoises. Mais, au lendemain du décret, j’ai aussi été heurté par les déclarations du nouveau chef du PQ à la veille de Noël affirmant clairement que, si le PQ était élu, il n’ouvrirait pas les conventions collectives, la priorité du PQ étant l’accession du Québec à la souveraineté.

Boiclair contredisait ainsi la présidente du parti, Louise Harel, pour qui j’avais alors beaucoup d’estime. Alors que j’assistais à ma dernière réunion syndicale concernant ce décret, avant le congé des Fêtes, je comprenais le silence de l’opposition péquiste pendant les « négociations ». La campagne à la chefferie n’explique pas tout : le PQ avait tout à gagner avec ce décret et ce n’est pas lui qui corrigera l’injustice commise à l’égard des salariées et salariés du secteur public au Québec.

Quand je pense à ce texte de Monique Richard dans la dernière parution de L’Aut’journal où cette dernière affirme sans ambages que le PQ est l’allié naturel des syndiquées et syndiqués québécois. Jamais elle ne fait mention de la déclaration de Boisclair et de la frilosité du PQ dans le cadre de la « négociation ». Monsieur et Madame du PQ, les syndiquées et les syndiqués, malgré ce que vous pensez, ne mangeront pas éternellement dans votre main.

Dans les assemblées générales, la création de Québec solidaire commence à faire discuter. Au fait, L’Aut’journal ne mérite peut-être plus le statut de journal alternatif car il constitue une annexe d’un parti institutionnalisé. Par chance que, maintenant, nous pouvons nous informer avec À Bâbord ! et Presse-toi à gauche !

Arrogance et paternalisme

La semaine dernière, j’ai été choqué par les propos de Harel lorsque celle-ci a déclaré que la réforme du mode de scrutin ne viendrait qu’après un vote pour la souveraineté et que, si les membres de Québec solidaire s’en offusquaient, ils n’avaient qu’à joindre le PQ car ce parti constituerait à lui seul une coalition. Sur quelle planète vivent les péquistes ? Désolé, mais la coalition souverainiste se fait et se fera à l’extérieur du PQ.

Quelle farce ! Le PQ n’a pas le monopole qui lui permet d’agir de façon paternaliste comme il le fait présentement. Je suis tellement déçu et surpris par les propos de Harel que j’ai l’impression qu’elle a été téléguidée par les nouveaux apparatchiks du PQ. Quel triste sort vous réservez, vous de la gauche syndicale du PQ, à Harel, en jouant le jeu de la division des progressistes québécois !

Et la semaine dernière, la simili-chicane de famille entre Charbonneau et Boisclair sur l’opportunité de partager les comtés avec Québec Solidaire, puis cette dernière déclaration de Marc Laviolette selon qui la fusion de l’UFP et Option citoyenne n’est pas une bonne stratégie et qu’elle n’est pas appuyée par le SPQ-Libre : je ne suis plus capable !

En plus d’être arrogants et paternalistes, je crois de plus en plus que ce sont les ténors du PQ et de SPQ-Libre qui manquent de stratégie. On commence à sentir la panique à bord. A force d’écoeurer les gens, c’est tout le climat politique québécois qui va en subir les contrecoups. Et qu’on ne vienne pas nous sermonner sur le fait que les libéraux auront plus de chances d’entrer aux prochaines élections grâce à Québec solidaire.

Il m’est d’avis qu’en retardant le vote proportionnel, en élisant un leader qui ne brille pas par ses actions progressistes (malgré qu’il déclare, maintenant qu’il y a course dans Ste-Marie-St-Jacques, que le PQ est altermondialiste et écologiste !), en agissant de façon paternaliste vis-à-vis de Québec solidaire et en tournant le couteau dans la plaie des syndiquées et syndiqués de la fonction publique, le PQ est en train de se saborder tout seul.

Je m’en réjouis d’avance car un autre Québec et un autre monde sont possibles !

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