Tiré de Courrier international.
“L’enthousiasme.” C’est le premier sentiment que décèle Studio Kalangou à Agadez deux mois après l’abrogation, le 25 novembre 2023, d’une loi de 2015 qui pénalisait le trafic illicite de migrants.
Dans cette ville carrefour entre le nord et le sud du Sahara, à 900 kilomètres au nord-est de Niamey, devenue à partir des années 1990 une “plaque tournante de la migration”, la criminalisation des individus liés à cette activité avait porté un coup dur à l’économie locale.
Désormais, c’en est fini. “Les routes migratoires [sont] rouvertes au Niger”, titre le média nigérien. Une conséquence immédiate de la décision des autorités de transition, au pouvoir depuis le coup d’État du 26 juillet 2023, d’enterrer ce texte qui s’inscrivait dans l’architecture migratoire et sécuritaire de l’Union européenne, soucieuse d’externaliser ses frontières en scellant, à l’époque, un partenariat avec le Niger.
“Une semaine après l’abrogation de cette loi, le maire [d’Agadez, Abdourahamane Tourawa] rapporte que sa ville a enregistré entre 60 et 80 départs de véhicules vers le site aurifère du Djado [non loin de la frontière libyenne]. Sachant qu’une partie des passagers continueront leur route vers le Maghreb et l’Europe”, écrit Studio Kalangou.
Destination Libye
L’édile semble savourer l’effervescence ambiante dans cette commune “qui vit et respire migration”. “La migration a toujours été un quotidien de la population agadézienne”, ajoute-t-il en énumérant les emplois directs ou indirects créés (transporteurs, hébergeurs, intermédiaires, vendeurs de bidons d’eau, restaurateurs, etc.).
L’enthousiasme “se lit également sur les visages des nombreux migrants que nous croisons à la gare de la ville dans la matinée du 2 janvier 2024. Tous sont en partance pour la Libye. On y voit des pick-up de la marque Toyota de type Hilux, surchargés de dizaines de migrants”, poursuit le reporter.
Dans ce “ballet de véhicules” et ce “brouhaha constant”, le Nigérien Sanoussi, “la trentaine entamée”, doudoune grise et bonnet, raconte qu’il se rend en Libye pour la troisième fois. C’est son terminus : “Une fois que j’aurai mis de l’argent de côté, je compte retourner dans mon pays.”
Illa, un Nigérien de 19 ans, est plus anxieux. C’est sa quatrième traversée vers le Maghreb, mais la première à destination de la Libye.
“Nul ne s’éloigne de sa terre sans raison”
Dans un autre article coécrit avec le site burkinabè Studio Yafa et intitulé “Au Sahel, mille raisons de partir”, Studio Kalangou examine les facteurs qui poussent à l’exil.
“Nul ne s’éloigne de sa terre sans raison”, confie Adama Kafando, un Burkinabè de 26 ans qui a échoué dans un “ghetto” [lieu d’hébergement pour les migrants] d’Arlit, cité uranifère aux confins de l’Algérie. Deux ans qu’il rêve d’Europe. Il connaît les dangers.
Sauvé d’un naufrage par des gardes maritimes algériens lors d’une tentative de traversée de la Méditerranée, puis “largué avec d’autres migrants à quelques kilomètres de la frontière algérienne”, il refuse pourtant de renoncer. “Mon pays est menacé par les groupes armés terroristes et c’est l’instabilité”, argue-t-il.
Nouveaux afflux de migrants au Mali
À l’insécurité s’ajoutent la dégradation du milieu naturel – notamment en raison du réchauffement climatique – qui affecte l’agriculture et l’élevage dont dépendent majoritairement ces populations, et la pauvreté.
“Mille raisons de partir”, et des routes multiples qui se reconfigurent. Dans un autre reportage de ce dossier consacré aux migrations, Studio Kalangou indique que Tombouctou, dans le nord du Mali, “devient un point de départ significatif” vers l’Algérie.
Et de préciser : “Depuis l’abrogation de la loi criminalisant le trafic illicite des migrants au Niger, la Maison des migrants de Gao [ville du Nord malien à mi-chemin entre Niamey et Tombouctou] enregistre plus de 400 migrants par semaine”, qui mettent ensuite le cap vers Tamanrasset, dans le Sud algérien, voire la Tunisie.
Courrier international
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