Tiré d’Europe solidaire sans frontière.
Quelle va être la politique de Trump vis-à-vis du continent africain ? La réponse est incertaine car lui — tout comme Kamala Harris, n’a jamais évoqué cette question pendant la campagne électorale — bien trop occupé à disserter sur les choix gastronomiques supposés des immigrés haïtiens de la ville de Springfield ou sur l’importation des mauvais gènes aux États-Unis par les migrantEs.
Désintérêt
On peut se baser cependant sur quelques indices, notamment son bilan lorsqu’il était au pouvoir de 2017 à 2021. On se souvient de la délicate formule qui sied à ce personnage si raffiné, traitant les pays africains de « pays de merde » et de sa relation toute particulière à la vérité en parlant de crimes de masse contre les fermiers blancs en Afrique du Sud. Deux ans après son installation au pouvoir, son éphémère conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, déroulait la stratégie des USA vis-à-vis du continent. Elle pouvait se résumer en une idée simple : cette politique devait avant tout rapporter aux USA. Trois thèmes étaient déclinés : les échanges commerciaux favorisant les entreprises américaines ; la promotion de l’aide seulement aux pays alliés et la lutte contre le terrorisme. Dans les faits, la politique de Trump a été surtout un désengagement des États-Unis du continent et la suppression des visas pour les ressortissants des pays comme la Somalie, le Soudan, la Libye, le Ghana, le Nigeria ou le Tchad, ce qui a contribué à renforcer la marginalisation des USA en Afrique.
America first
Autre indice, la communication de la fondation conservatrice Heritage Foundation. Sur les 900 pages de son rapport « Project 2025 » décrivant dans le détail les mesures à prendre pour une politique conservatrice radicale, une page et demie est consacrée à l’Afrique. Elle est écrite par Kiron K. Skinner, fan de Reagan et ancienne de l’administration George W Bush et Trump. Elle souligne l’importance de l’Afrique pour ses richesses naturelles, notamment les minerais nécessaires aux industries de haute technologie et sa proximité des voies maritimes. Pour elle, il est urgent de disputer « l’influence maligne » de la Chine et secondairement de la Russie. En termes économiques cela se traduit par le ciblage de certains pays considérés comme prioritaires plutôt que l’essaimage des aides à travers le continent. Des aides qui devront favoriser le « marché libre » et « la croissance privée » et être supprimées aux pays hostiles ou qui votent contre les USA dans les instances internationales. La crise sécuritaire au Sahel n’est pas considérée comme une menace vitale pour les États-Unis mais comme un danger potentiel sur le flanc sud de l’Otan. Enfin, les États-Unis devront porter leur effort sur les « activités diplomatiques essentielles » plutôt qu’essayer de promouvoir les droits des personnes LGBT.
Le sabre et le goupillon
Bien que ce programme présente une certaine continuité, il ne doit pas occulter que le Trump d’aujourd’hui est bien plus radical, et que lors de son mandat précédent il devait composer avec une Chambre des représentants à majorité démocrate à partir de 2018. Au vu des résultats, cela ne serait plus le cas. Ainsi il est très probable que des aides seront détournées vers les organisations évangéliques pour promouvoir des politiques homophobes et anti-avortement en Afrique. Ceci irait de pair avec la suppression du President’s Emergency Plan for AIDS Relief consacré à la lutte contre le sida et décrié par les républicains. La recommandation de Heritage Foundation de reconnaître la région de Somaliland comme un État indépendant de la Somalie est révélatrice. Elle permettrait aux USA de dédoubler sur la côte somalilandaise leur base militaire de Djibouti qui se trouve à une dizaine de kilomètres de l’emprise chinoise pouvant accueillir plusieurs milliers de soldats. Même si le prix à payer serait une accentuation de la déstabilisation de la corne de l’Afrique.
Il est certain que l’élection de Trump est un encouragement à tous les autocrates africains.
Paul Martial
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