Édition du 17 décembre 2024

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Canada

Le Canada « de retour » ? Pas quand il s'agit d'exportations d'armes

Les Canadiens attendent beaucoup du nouveau gouvernement libéral, en particulier sur les plans des droits de la personne et de la politique étrangère. Après 10 années de politiques conservatrices rétrogrades, nombreux sont ceux qui s’attendaient à ce que les libéraux adoptent une approche éthique en matière d’affaires étrangères.

L’auteure est députée NPD de Laurier-Ste-Marie.

La réalité est cependant plus que décevante. Les libéraux ont démontré qu’ils préfèrent fermer les yeux sur les questions de droits de la personne lorsque vient le temps de vendre des armes.

Les exportations d’armes canadiennes ont presque doublé en 10 ans, et à l’échelle mondiale, l’Arabie saoudite arrive au deuxième rang des acheteurs étrangers d’équipement militaire fabriqué au Canada, après les États-Unis. Le Canada est maintenant le deuxième plus important vendeur d’armes au Moyen-Orient.

Au cours des derniers mois, nous avons été mis au fait de détails alarmants au sujet des exportations canadiennes d’armes vers l’Arabie saoudite - des exportations que le ministre des Affaires étrangères Stéphane Dion a approuvées - et vers d’autres pays affichant un triste bilan en matière de droits de la personne.

L’équipement militaire fabriqué au Canada et vendu à l’Arabie saoudite a servi au Yémen, où ont péri des milliers de civils, dont de nombreux enfants. Des armes de fabrication canadienne ont aussi contribué à la violation des droits de la personne de dissidents saoudiens. Le Canada risque donc d’être complice des crimes de guerre dont l’Arabie Saoudite est accusée.

Les Canadiens ont le droit de savoir avec qui le Canada fait des affaires, et dans quelles conditions.

Et l’Arabie saoudite n’est pas le seul destinataire des marchandises militaires canadiennes qui soit source de préoccupation. La Chine et l’Algérie - deux pays où les droits de la personne sont bafoués - comptent parmi les 10 principales destinations des exportations d’armes canadiennes. Les libéraux refusent de dire s’ils ont - oui ou non - approuvé un permis d’exportation d’armes à la Thaïlande, qui est dirigée par une junte militaire. Et l’entreprise de propriété canadienne Streit Group a vendu des armes au Soudan et à la Libye, contrevenant ainsi aux sanctions économiques et aux embargos sur les armes, ce qui lui a valu les critiques de l’ONU.

Pendant des mois, le gouvernement libéral a justifié le marché scandaleux de 15 milliards de dollars conclu avec l’Arabie saoudite en disant que « les contrôles à l’exportation mis en place par le Canada font partie des plus stricts au monde ». Cependant, le gouvernement canadien a réécrit en douce sa politique d’exportation d’armes afin de faciliter l’exportation de matériel militaire à des États qui portent atteinte aux droits de la personne. Les nouvelles lignes directrices sur l’exportation diminuent la transparence sous prétexte qu’il faut protéger les intérêts commerciaux. Cela signifie que les Canadiens auront encore moins accès qu’avant à l’information sur les exportations d’armes - et que les exportations vers les pays qui portent atteinte aux droits de la personne vont se poursuivre de plus belle.

C’est inacceptable.

Les Canadiens ont le droit de savoir avec qui le Canada fait des affaires, et dans quelles conditions. Nous méritons de savoir quelles entreprises fabriquent des armes, qui achètent ces armes et l’usage qui en est fait. Et les Canadiens devraient pouvoir se prononcer sur les exportations d’armes canadiennes vers des pays qui violent les droits de la personne.

C’est pourquoi le NPD a soumis la question cruciale des exportations d’armes canadiennes à un vote au Parlement, lors d’une motion déposée dans le cadre de la journée d’opposition. Nous voulons créer un comité multi-partisan permanent qui aura le mandat d’examiner tous les aspects des exportations d’armes du Canada, dans le présent et dans le futur.

Ce que j’ai proposé pour améliorer la surveillance des exportations d’armes n’a rien de nouveau ; le Royaume-Uni s’est doté d’un comité parlementaire multipartite qui mène en ce moment une enquête approfondie des ventes, à l’Arabie saoudite, d’armes britanniques devant servir au Yémen. Surtout, le comité examine également les ventes d’armes à d’autres pays du Golfe - ce que nous devrions aussi faire, puisque l’équipement militaire canadien sert peut-être à violer les droits de la personne ailleurs dans cette région, notamment au Bahreïn.

Que devraient faire les libéraux, alors ?

Les libéraux devraient suspendre les permis d’exportation visant l’entente de vente de blindés - que le premier ministre Trudeau qualifie de « jeep » - à l’Arabie saoudite jusqu’à ce que les allégations de mauvaise utilisation aient fait l’objet d’une enquête, comme l’exigerait le Traité sur le commerce des armes. Ils devraient refuser de signer quelque autre permis d’exportation d’armes que ce soit vers l’Arabie saoudite. Ils devraient rendre publiques toutes les évaluations pertinentes de la situation des droits de la personne. Ils devraient soumettre le Streit Group à une enquête. Enfin, ils devraient surtout accepter ma proposition de créer un comité qui permettrait au Parlement de surveiller les exportations d’armes - un comité qui aurait un accès complet à tous les détails de ces marchés.

Les droits de l’homme ne sont pas optionnels. Les Canadiens ont le droit de savoir ce que le gouvernement fait en leur nom. Tant que le gouvernement n’aura pas compris qu’il s’agit d’une question de la plus grande importance qui mérite un débat public, le statu quo n’est pas acceptable. Le Canada ne doit pas vendre d’armes là où elles peuvent servir à porter atteinte aux droits de la personne.

Il est temps de faire du Canada un véritable chef de file mondial en matière de droits de la personne. Il est temps de resserrer notre politique d’exportation d’armes.

Hélène Laverdière

Députée NPD de Laurier-Ste-Marie.

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