A ce jour, la communauté internationale s’est donnée pour objectif, bien qu’insuffisant par bien des aspects, de ne pas dépasser les 2°C de réchauffement global maximal d’ici à la fin du siècle. A cet effet, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) écrit dans son rapport annuel [1] publié fin 2012, que notre consommation, d’ici à 2050, ne devra pas représenter plus d’un tiers des réserves prouvées de combustibles fossiles. Dit autrement, l’AIE préconise de laisser dans le sol plus des deux tiers des réserves prouvées de combustibles fossiles, ceci afin de préserver 50 % de chance de ne pas dépasser les 2°C d’ici la fin du siècle [2]. Ces résultats ne sont pas nouveaux. Sur la base d’une étude du Potsdam Institute for Climate Impact Research, l’ONG Carbon Tracker [3] démontrait que 80 % des réserves d’énergies fossiles actuelles ne devaient pas être extraites et consommées. L’humanité fait donc face à un trop-plein d’énergies fossiles d’ici à 2050 et non à une pénurie. En poursuivant le raisonnement de l’AIE, il n’y aurait donc aucune raison de poursuivre les explorations et forages pour extraire du pétrole, du gaz ou du charbon toujours plus loin, toujours plus profond. Extrêmement coûteuses et dangereuses, les explorations d’hydrocarbures non conventionnels, ne sont donc pas compatibles avec les objectifs climatiques.
Une politique de transition énergétique digne de ce nom se doit donc de porter une exigence de moratoire international général sur toute nouvelle exploration d’hydrocarbures et de l’appliquer à toutes les échelles, du local au global. Un tel moratoire devrait s’accompagner d’une révision complète des politiques énergétiques actuelles. La France, l’Union européenne et les institutions internationales devraient arrêter immédiatement de financer le développement des énergies fossiles comme le font encore la Banque mondiale, la BEI ou la BERD [4], au détriment du financement des politiques d’efficacité énergétique ou de développement des énergies renouvelables. Laisser les énergies fossiles dans le sol et stopper le financement de leur développement doit être inévitablement couplé à des politiques de sobriété énergétique visant à réduire assez drastiquement les consommations énergétiques finales. Le scénario Negawatt a ainsi calculé que la consommation énergétique finale de la France devrait être réduite de 56 % pour atteindre les objectifs climatiques d’ici 2050. Les gisements sont immenses puisqu’on estime que les gaspillages énergétiques représentent 60 % de la consommation énergétique finale. Des politiques de sobriété qui renvoient à la fois à l’intelligence de l’usage et l’efficacité de la performance [5] sont donc urgentes et décisives.
Ce n’est pas la politique que prévoit de mener le gouvernement français. Ce dernier a validé des forages au large de la Guyane, n’a toujours pas abrogé tous les permis concernant les gaz et pétrole de schiste, envisage d’exploiter le gaz de houille, etc. Les objectifs de réduction d’émissions annoncées par François Hollande lors de la conférence environnementale, et repris dans les lignes directrices du débat national sur la transition énergétique [6], sont largement insuffisants. Repousser à 2030 les 40 % de réductions d’émissions qu’il faudrait atteindre en 2020 selon les rapports du GIEC marque clairement une absence de volonté politique. Un tel objectif revient également à concentrer l’essentiel des efforts de réduction d’émission pour l’après 2030. Par ailleurs, en plus de ne pas tenir compte dans leurs calculs des émissions provenant des importations [7], l’UE, la France et les autres pays européens utilisent allègrement les dispositifs de compensation carbone qui permettent de ne pas comptabiliser des émissions produites sur le sol européen. Le marché carbone européen fonctionne comme un formidable effet d’aubaine pour un secteur industriel subventionné pour continuer à polluer et comme un alibi pour des gouvernements qui ne veulent s’engager sur aucune politique ambitieuse. Pas de quoi considérer l’UE comme un modèle à suivre ni voir la France à la pointe de la lutte contre le changement climatique [8] comme le prétend Delphine Batho.