Par le comité condition féminine
La COVID-19 a bouleversé la vie des Québécoises et des Québécois au cours des six derniers mois. Des personnes ont perdu un proche, d’autres ont lutté contre la maladie et presque tous ont vu leur vie chambardée par la pandémie : peur d’être infecté, perte d’emploi, fermeture des écoles et des garderies, télétravail, surcharge, difficultés d’approvisionnement, vie sociale réduite, etc. Tous ont été affectés, mais la pandémie a eu un impact plus grand chez les femmes et a mis en lumière les inégalités dans notre société.
Le stress lié à l’exposition au virus
Les femmes occupent la majorité des postes reconnus comme essentiels pendant la pandémie. Elles ont donc été largement exposées au virus et à ses répercussions. [1]1
Dans le secteur de la santé, elles sont largement surreprésentées, les angesgardiennes ont été au premier rang de la ligne de front, encore plus dans les soins aux personnes âgées, principales victimes de la maladie au Québec. Elles ont prodigué les soins, d’abord dans un contexte de pénurie d’équipements de sécurité, aux prises avec un mode d’organisation du travail inapte, elles se sont dépensées sans relâche.
Les travailleuses de la santé, de l’éducation, les éducatrices en installation ou en milieu familial et travailleuses communautaires, etc. sont anxieuses de contracter le virus, de le ramener à la maison et d’infecter leurs proches. Les femmes sont aussi majoritaires dans les épiceries et les pharmacies, services essentiels en temps de pandémie. Elles ont souvent dû faire de longues heures de travail, ce qui a pu amener des conséquences négatives comme de l’épuisement, de la détresse psychologique, des sentiments d’impuissance, etc.
L’étude réalisée par l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) démontre que les femmes sont plus à risque que les hommes de présenter des séquelles psychologiques à la suite d’une pandémie.
Perte d’emploi
Au Québec, les femmes ont perdu leur emploi plus rapidement que les hommes, en mars et en juillet leur niveau de retour au travail était toujours plus faible que celui des hommes (Observatoire québécois des inégalités) et ceci malgré le fait que dans le secteur de la santé - où les femmes sont surreprésentées, le nombre d’emplois s’est plutôt accru à cause de la pandémie.
Parmi les explications possibles, il se peut que la reprise économique ait plus profité aux hommes ou encore que les femmes aient davantage quitté leur travail ou se soient retirées du marché de l’emploi pour s’occuper de leurs enfants, une hypothèse plausible étant donné que les responsabilités parentales et les tâches domestiques sont encore disproportionnellement à la charge des femmes. À noter, outre ce que peut indiquer le taux d’emploi, les femmes sont également plus nombreuses à travailler à temps partiel, à avoir un contrat de travail temporaire ou encore à être dans un milieu de travail non syndiqué.
Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à rester à la maison lorsqu’un des deux parents d’une famille doit faire ce choix pour s’occuper des enfants. Des femmes affirment avoir été déchirées entre laisser leurs responsabilités professionnelles, alors que les besoins au travail étaient criants et voir leurs enfants manquer d’attention pendant qu’elles et leurs conjoints tentaient de tout mener de front.
Surcharge de travail, charge mentale et stress
Toute la vie quotidienne est affectée par la pandémie, les écoles ont été fermées, des garderies aussi, des camps de vacances, les tâches de la vie quotidienne comme faire les courses sont devenues plus compliquées. Les grands-parents qui s’impliquaient dans la vie de leurs enfants ou petits-enfants n’ont pas été en mesure d’offrir leur soutien considérant la distanciation sociale imposée et la vulnérabilité due à leur âge. Il en résulte pour la plupart des femmes - qu’elles aient mis leur carrière de côté ou fait du double travail - qu’elles ont subi une surcharge, leurs tâches et leurs responsabilités étant accrues. Et même avec les mesures de déconfinement, les femmes paient encore plus lourdement le prix de cette pandémie.
Beaucoup de femmes se retrouvent à concilier travail et famille au jour le jour, résume Camille Robert. Elles doivent dans certains cas continuer à occuper un emploi, accomplir les tâches de la maison, tout en s’occupant des enfants et en essayant de maintenir tant bien que mal une éducation à travers tout ça. À la planification des tâches du foyer, s’ajoute toute la dimension qui vise à assurer le bienêtre collectif en temps de crise, souvent ce sont les femmes qui s’occupent des parents et beaux-parents âgés.
La COVID-19 amène une augmentation de la charge mentale des femmes, de nouvelles tâches s’ajoutent, il faut rester informée, désinfecter, vérifier qu’on ne manque de rien, soutenir moralement les membres de la famille, etc.
Aussi il est à noter que les familles monoparentales sont majoritairement représentées par une mère comme chef de famille, et elles sont aussi surreprésentées dans la population défavorisée. La fermeture ou la diminution des services communautaires ou d’aide a donc eu un impact majeur sur leur charge, sans compter la limitation des contacts avec leur réseau d’aide (amis, famille).
Comme le soutient l’Organisation mondiale de la santé, l’exposition accrue des femmes à des problèmes de santé mentale doit être mise en relation avec les multiples rôles et responsabilités qu’elles assument.
Augmentation de la violence faite aux femmes
Pour le moment, nous n’avons pas de statistiques pour démontrer l’augmentation de la violence pendant la pandémie. Néanmoins, au Québec, SOS Violence a souligné l’augmentation d’appels durant la période de pandémie notamment en lien avec l’interdiction de sortir par le partenaire. [2] [3]23 Le Conseil du statut de la Femme du Québec évoque une augmentation de 33 % du nombre d’appels en lien avec la violence conjugale dans la Ville de Québec ; appels provenant majoritairement des voisins, eux aussi isolés dans leur domicile. [4]4
Selon l’INSPQ, le confinement a eu notamment comme effet « d’exacerber un contexte de violence conjugale existant » et « possiblement, d’accroître le risque de violence au sein d’un couple ». [5]5 L’ isolement a aussi créé « la perte des lieux de répit et de soutien » des femmes victimes de violence conjugale, tel que le travail, l’école ou autre endroit où elles peuvent obtenir un « certain répit ». [6]6
Et puis certaines maisons de femmes victimes de violence ont manqué de places . L’augmentation de la violence faite aux femmes en temps de pandémie est fortement préoccupante.
Pistes de sorties de crise
1. Reconnaissance de l’apport des femmes qui prodiguent des soins aux personnes les plus vulnérables de notre société par un meilleur salaire et une valorisation de leur rôle dans la chaîne des soins aux malades, aux personnes âgées, aux personnes vivant avec un handicap, etc.
• Il faut en finir avec le terme bureaucratique et déshumanisant de préposée aux bénéficiaires, appellation qui ne veut rien dire, on devrait plutôt généraliser le terme d’aides-soignantes pour les personnes qui font ce métier, car elles devraient être partie prenante des équipes de soins.
• Le gouvernement a reconnu qu’il fallait mieux payer les préposé es aux bénéficiaires dans les CHSLD, c’est un premier pas, il faut appliquer les mêmes augmentations à toutes les personnes qui donnent des soins aux plus vulnérables de notre société.
• Les réformes du système de santé et des services sociaux des gouvernements libéraux précédents ont créé des mégastructures hypercentralisées avec des modes de gestion déshumanisés (méthodes Lean, Toyota, etc.) où les travailleuses et les travailleurs ne sont jamais consultés sur l’organisation de leur travail. Les personnes qui donnent des soins ne sont pas des numéros, il faut les intégrer dans les processus de prise de décisions et dans l’organisation du travail et il faut décentraliser les mégastructures.
2. Refuser l’austérité, améliorer le système de santé et mieux soutenir les soins à domicile
Nous avons ressenti l’apport nécessaire des gouvernements pour faire face à la pandémie, les tenants du retrait de l’État des services à la population se sont faits plus discrets, mais ils ne tarderont pas à se faire entendre et à préconiser toutes sortes de compressions dans les services sociaux pour rétablir l’équilibre budgétaire. Certains voudront remettre les politiques d’austérité de l’avant, politiques qui ont causé l’affaiblissement du système de santé avec les conséquences qu’on a pu constater dans les pires moments de la pandémie, particulièrement pour les femmes.
• On doit non seulement refuser toutes nouvelles politiques d’austérité et les coupes dans les programmes sociaux et dans le réseau de la santé, mais aussi faire pression pour de meilleurs services avec des meilleurs salaires et des meilleures conditions de travail pour les femmes et les hommes qui travaillent dans les services publics. La pandémie a fait la démonstration que la précarisation du travail des femmes dans le système de santé et le recours aux emplois à temps partiel, aux horaires brisés et à la multiplication des heures supplémentaires ont miné la qualité des soins offerts à la population québécoise. Il faut valoriser le travail des femmes qui rendent des soins, dans les institutions et à domicile, accroître leurs responsabilités dans la gestion, augmenter les heures des postes à temps partiel et organiser des horaires de travail supportables.
• Le gouvernement Legault a parlé de nationalisation des CHSLD privés, mais les pressions seront fortes pour minimiser cette voie et d’aucuns voudront relancer la privatisation des soins pour soidisant économiser. Nous avons vu les conséquences du transfert des responsabilités du gouvernement au secteur privé dans les soins aux personnes âgées. On ne peut plus accepter que certains fassent du profit sur le dos des personnes vulnérables.
3. Contrer la surcharge de travail, l’augmentation de la charge mentale, l’isolement et le stress des femmes par un meilleur financement des services sociaux et des organismes communautaires.
La pandémie a été particulièrement « éprouvante » pour les femmes. Déjà habituées à la double tâche « en temps normal », elles ont vu celleci « démultipliée et accentuée ». En Octobre 2020, Chapitre 9 Pour une sortie de crise verte, sociale et démocratique période de confinement, des femmes surmenées ont dû faire face à des problèmes de violence conjugale, sans pouvoir recourir à des services de soutien adéquats.
• Le réseau de service de garderies de qualité comme les CPE ou les services de garde en milieu familial (RSG) doit être renforcé et élargi.
• Le soutien aux femmes en difficulté, particulièrement aux femmes victimes de violence, doit être accru.
• Le financement des maisons d’accueil des femmes doit être pérennisé, avec des moyens qui permettent de payer des salaires décents au personnel qui travaille dans ces maisons.
• Nous demandons que le gouvernement augmente le salaire minimum à plus que 15 $ l’heure pour que les personnes puissent vivre décemment.
Un message, un commentaire ?