À chaque semaine, en prévision de la rédaction de mon texte sur les négociations dans les secteurs public et parapublic, j’effectue une visite des sites des huit grandes organisations syndicales concernées par ces négociations (APTS, CSN, CSQ, FAE, FIQ, FTQ, SFPQ et SPGQ). Je communique également avec les conseillères et les conseillers des organisations syndicales. Pour ce qui est de cette semaine, autant du côté des communiqués de presse que des échanges téléphoniques, la récolte est maigre.
En cette période marquée par une crise sanitaire majeure durant laquelle les organisations syndicales sont privées de la possibilité d’exercer divers moyens d’action, il appartient aux porte-parole des partis politiques d’opposition de remettre en question la gestion gouvernementale de la crise de la COVID-19 et de critiquer la façon dont le gouvernement Legault mène la négociation dans les secteurs public et parapublic. Sur ces deux sujets, les voix de l’opposition sont plutôt discrètes, pour ne pas dire muettes. Il y a eu la sortie du chef intérimaire de l’opposition, monsieur Pierre Arcand, le mercredi 29 avril 2020, suggérant que la situation actuelle en lien avec la COVID-19 ne semblait pas sous « contrôle ». Il est même allé jusqu’à remettre en question l’intérêt du plan de déconfinement du gouvernement Legault des écoles et de divers lieux d’activités économiques.
https://www.lapresse.ca/covid-19/202004/29/01-5271466-le-plq-reclame-plus-de-tests-de-depistage.php . Consulté le 4 mai 2020
Québec solidaire a publié récemment des communiqués réclamant une hausse du salaire minimum ; le droit pour les travailleuses et les travailleurs de dire non à un travail dangereux et le versement de la « prime COVID » pour certainEs salariéEs.
https://quebecsolidaire.net/nouvelle/relance-de-leconomie-les-travailleurs-meritent-un-salaire-minimum-a-15-lheure-plaide-qs . Consulté le 4 mai 2020.
https://quebecsolidaire.net/nouvelle/christine-labrie-reclame-une-prime-covid-pour-les-travailleuses-des-services-de-garde-durgence . Consulté le 4 mai 2020.
https://quebecsolidaire.net/nouvelle/1er-mai-les-travailleurs-et-travailleuses-devraient-pouvoir-dire-non-au-retour-a-un-retour-au-travail-risque-gabriel-nadeau-dubois . Consulté le 4 mai 2020.
Pour ce qui est du déroulement de la négociation entre le gouvernement et les organisations syndicales présente dans les secteurs public et parapublic, il règne une espèce de silence absolu et pesant de la part des partis politiques dont la tâche consiste précisément à scruter de près les faits et gestes du gouvernement. Le moins que l’on puisse dire, au sujet de ce qui se déroule sous nos yeux en ce moment, se résume en un mot : étrange !
Compte tenu de la situation qui sévit dans certains CHSLD et compte tenu de l’urgence, selon le premier ministre Legault lui-même, de régler la présente ronde de négociation, il y aurait lieu de demander à chaque point de presse du gouvernement comment évoluent ou progressent les négociations dans les secteurs public et parapublic. Cela nous permettrait de constater que les conditions de travail et de rémunération des 550 000 salariéEs méritent des solutions dignes de ce nom. Hélas, ce sujet ne défraie pas les manchettes de l’actualité. Il y a un épais silence autour de ces négociations. Pourquoi ? Une des raisons qui explique le mutisme ambiant à ce sujet réside en ceci : l’attitude adoptée par les partis politiques de l’opposition. Constatons-le, c’est à peine si les critiques du PLQ, de QS et du PQ manifestent de l’intérêt pour cette négociation qui concerne les conditions de travail et de rémunération d’un demi-million de salariéEs syndiquéEs, qui sont à environ 75% des femmes. C’est d’une tristesse que nous osons qualifier d’affligeante.
Nous pouvons comprendre l’attitude adoptée par celles et ceux qui parlent au nom du Parti libéral du Québec et du Parti québécois. Leur « sympathie » ou leur « préjugé favorable » à l’endroit des salariéEs syndiquéEs des secteurs public et parapublic a été, quand il a existé, un sentiment très passager. Les gouvernements dirigés par ces deux partis politiques qui ont alterné au pouvoir de 1970 à 2018, ont souvent mis un terme abruptement à ces négociations en imposant des décrets ou en faisant adopter, par l’Assemblée nationale, des lois spéciales de retour au travail comportant des sanctions très sévères. Pour ce qui est de la ligne de conduite suivie jusqu’à maintenant par Québec solidaire, il n’y a eu, depuis décembre 2019, qu’une seule critique adressée au gouvernement Legault, soit le 30 mars 2020. Nous ne savons rien de la position de ce parti politique (ni non plus du PLQ et du PQ) au sujet des demandes syndicales pour les 550 000 salariéEs syndiquéEs des secteurs public et parapublic et nous ne savons même pas où loge la députation de QS par rapport aux offres gouvernementales (un contrat de travail d’une durée de 3 ans comportant une hausse de salaire de 5%). La députation de QS considère-t-elle que ces offres gouvernementales, qui ont pour effet de maintenir le retard dans la rémunération des salariéEs syndiquéEs des secteurs public et parapublic, sont « acceptables » ?
La stratégie gouvernementale doit être débattue ?
Les négociations dans les secteurs public et parapublic avancent à petits pas. Il y a des discussions autour de la rémunération de certaines catégories d’emploi dans le réseau de la santé et des services sociaux. Pour le moment, là semblent s’arrêter les pourparlers entre les représentantEs du Conseil du Trésor et les négociatrices et les négociateurs des organisations syndicales présentes dans les secteurs public et parapublic. Pour ce qui est du reste de la négociation, le gouvernement nous montre son incapacité à faire deux choses en même temps (c’est-à-dire négocier l’équité salariale pour les PAB et les ASSS et faire progresser les autres sujets de la table centrale). Pourquoi ? Peut-être parce qu’il a toujours en tête son cadre de règlement qu’il a rendu public en décembre 2019. Peut-être aussi parce que ce cadre de règlement n’est pas remis en question par les porte-parole des partis politiques d’opposition à l’Assemblée nationale.
Entre les campagnes électorales, la vie politique se déroule en grande partie dans l’enceinte du parlement. C’est, entre autres, à l’intérieur de ce lieu spécialisé que se jouent les différents enjeux de notre société. En cette période de confinement et de distanciation sociale, la vie parlementaire est soit suspendue ou soit virtuelle. Mais ceci peut-il avoir pour effet d’empêcher les porte-parole de l’opposition de publier des communiqués de presse comportant des critiques précises à l’endroit du gouvernement Legault ? Communiqués de presse qui alimenteraient la période de question des journalistes lors des points de presse du premier ministre du Québec ? Les critiques de l’opposition peuvent encore, à ce moment-ci, ébranler les certitudes du président du Conseil du Trésor et contester les offres gouvernementales. Les personnes qui aspirent à remplacer celles et ceux qui exercent le pouvoir ont la responsabilité de nous dire comment elles et ils traiteraient les salariéEs syndiquéEs des secteurs public et parapublic. Autrement dit, quelles seraient leurs offres globales ? Ces offres seraient-elles identiques à celles mises de l’avant par le gouvernement Legault ou seraient-elles différentes ?
C’est uniquement en adressant des questions pertinentes et précises aux personnes qui exercent le pouvoir qu’un débat sur un sujet social majeur peut être soulevé. En règle générale, les personnes qui exercent le pouvoir politique s’intéressent, en premier lieu, aux problèmes criants. Pour ce qui est des autres sujets, qui sont peu ou prou discutés sur la scène publique, ils sont réglés à la va-comme-je-te-pousse.
Yvan Perrier
4 mai 2020
yvan_perrier@hotmail.com
Post-Scriptum : Je ne tiens pas compte des rumeurs qui circulent en ce moment au sujet du déroulement des négociations avec certaines organisations syndicales. J’y reviendrai uniquement si ces rumeurs s’avèrent fondées.
Ajout
Lors de son point de presse du lundi 4 mai 2020, le premier ministre du Québec a déclaré ce qui suit :
« On discute actuellement avec la FTQ, la CSN. Les discussions vont bien. »
http://www.assnat.qc.ca/fr/deputes/legault-francois-4131/conferencesDePresse.html . Consulté le 4 mai 2020.
Il aurait été intéressant qu’une ou qu’un journaliste membre de la Tribune de la presse ait à sa disposition des éléments d’information pour poser des questions supplémentaires au premier ministre du Québec. Des questions du genre : « Pouvez-vous être plus précis monsieur Legault quand vous dites que « Les discussions vont bien » ? Que devons-nous comprendre précisément à ce sujet ? Ces discussions qui « vont bien » portent-elles uniquement sur la rémunération des préposées aux bénéficiaires et des auxiliaires en santé et services sociaux ou sur l’ensemble des points à régler pour les 550 000 salariéEs syndiquéEs des secteurs public et parapublic ? Quand pensez-vous que ces négociations vont aboutir ?
4 mai 2020
21h15
Un message, un commentaire ?