Édition du 17 décembre 2024

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La loi 21 et l’élection de 2022

La récente campagne électorale fédérale a bien démontré que la Loi sur la laïcité de l’État (loi 21) adoptée par l’Assemblée nationale du Québec en juin 2019 constitue un enjeu politique incontournable. Le Bloc québécois a alors décidé de faire de la défense de cette loi un enjeu d’identité nationale et d’autonomie québécoise face au fédéral. Rappelons qu’en plus du caucus de la CAQ, celui du PQ a voté en bloc pour cette loi, tandis que le PLQ et Québec solidaire ont voté contre. Est-ce qu’une loi adoptée dans la controverse et la division il y a deux ans peut faire partie de notre identité ? Ce n’est pas sérieux. Mais ce qui est clair est que le camp nationaliste conservateur, qui regroupe maintenant la CAQ, le PQ et le Bloc, a décidé d’en faire un cheval de bataille. La direction des OUI-Québec est même allée jusqu’à en faire un argument en faveur de l’indépendance. Quelle honte ! On ne pouvait que constater l’incompatibilité du projet indépendantiste inclusif de QS et du projet nationaliste conservateur incarné par l’axe CAQ-PQ-BQ-Québécor.

12 novembre 2021

Que pouvons-nous anticiper comme positionnements lors des élections québécoises de l’automne 2022 ? Bien entendu, la CAQ va en faire un élément central de son discours nationaliste autonomiste, divorcé de toute perspective indépendantiste. Le PQ va probablement reprendre la rhétorique douteuse des OUI-Québec et utiliser l’argument du prétendu “modèle québécois de laïcité” dans son discours indépendantiste de moins en moins convaincant. Les Libéraux ont indiqué leur intention de laisser mourir les clauses dérogatoires qui doivent être renouvelées tous les cinq ans. Ce qui laisse en place les articles discriminatoires sur le port de signes religieux, mais en les rendant beaucoup plus vulnérables face aux contestations judiciaires. Bref, ce parti qui se prétend un grand défenseur des libertés individuelles et des droits des minorités a décidé d’éviter la patate chaude et de renvoyer la question aux tribunaux. N’ont-ils rien appris de tout ce qui s’est passé depuis la crise imaginaire des accommodements raisonnables il y a 15 ans ? Ce sont précisément des jugements de tribunaux mal compris qui avaient déclenché la crise, dont le gouvernement libéral de l’époque s’est lavé les mains, encore une fois, en mettant sur pied la commission Bouchard-Taylor.

Pour Québec solidaire, cet enjeu constitue une occasion en or de mettre de l’avant la stratégie que j’avais évoquée lors du conseil national de 2015 : QS doit être un meilleur défenseur des droits de la personne que les Libéraux et un meilleur promoteur du projet indépendantiste que le PQ. Pour ce faire, nous devons affirmer clairement notre intention non seulement de retirer les clauses dérogatoires de cette loi (les retirer dès que possible, pas les laisser expirer en juin 2024), mais aussi d’éliminer les articles qui empêchent des personnes d’exercer certaines professions pour cause de visibilité religieuse. Cette position devrait être articulée en lien avec notre vision inclusive de la future citoyenneté québécoise et notre engagement en faveur de l’interculturalisme.

C’est pourquoi j’appuie sans hésitation la formulation de l’option A dans le débat sur la plateforme qui s’en vient lors du congrès. L’option B qui parle de “suspendre” les articles concernant le port de signes religieux et de renvoyer la question de leur caractère discriminatoire à la cour d’appel est une fausse bonne idée. D’abord, sur le plan politique, cette formulation sous-entend que QS, comme parti politique, n’est pas certain du caractère discriminatoire de ce texte de loi. Alors, pourquoi notre caucus a-t-il voté contre en brandissant des drapeaux du Québec au Salon bleu ? Personne ne va croire que nous n’avons pas une opinion bien arrêtée sur la question. Aussi, est-ce qu’on croit qu’un jugement issu d’une cour dont les membres sont nommés par le gouvernement fédéral aura la moindre influence sur l’opinion publique nationaliste ?

L’argument qui revient chez les partisans de cette option B est que le jugement en question pourrait créer un précédent utile pour la suite des choses, voire même mettre fin au débat. C’est s’illusionner sur la nature du débat politique dans lequel nous sommes depuis au moins 2006. Le nationalisme conservateur est fondé précisément sur le rejet des chartes des droits et des jugements des tribunaux fondés sur ces chartes (que ce soit la québécoise ou la canadienne, qui disent sensiblement les mêmes choses). Les clauses dérogatoires en béton incluses dans la loi 21 servent précisément à affirmer la supériorité du politique sur le juridique et le droit d’une majorité législative de brimer les droits des minorités. Le jugement Blanchard, le premier à s’être prononcé sur la question, affirmait justement que les clauses sur les signes religieux sont injustifiées dans une société démocratique ET que les clauses dérogatoires ne lui permettaient pas de suspendre l’application de ces mêmes articles.

Seuls un changement dans le rapport de force politique et la mobilisation de notre camp en faveur des droits de toutes et tous peut changer la situation et mettre fin à cette loi qui fait des personnes portant des signes d’appartenance religieuse des citoyennes et citoyens de seconde zone. Revenons à l’esprit et la lettre de la Charte des droits et libertés de la personne, adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale. Toutes les Québécoises et tous les Québécois ont les mêmes droits. La discrimination arbitraire est illégale chez nous. Un point c’est tout.

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