Après l’adoption de la loi 10, Ex aequo, un organisme de défense des droits des personnes handicapées, a reçu de nombreuses plaintes de patient.e.s qui ont soufferts des changements induits par cette réforme. Wassyla, René, Claude et plusieurs autres ont perdu leur aide à la préparation aux repas. Des soins infirmiers à domicile ont été coupés. Dominique Marsan en a subi directement les conséquences.
« Contre l’avis de mon spécialiste, on a diminué mes heures de traitement. J’ai maintenant plus d’infections, je dois prendre des antidouleurs puissants. Est-ce que je peux vivre dans la dignité ? », réclame Mme Marsan.
Pour les employé.e.s qui se dédient au quotidien pour offrir des soins de qualité aux patient.e.s, la réforme a eu des conséquences néfastes : plus de bureaucratie, plus de pression pour offrir les soins rapidement, moins de temps consacré aux patient.e.s, moins d’autonomie professionnelle, etc. Le nombre de congés de maladie a bondi de façon inquiétante au sein du personnel du réseau de la santé et des services sociaux.
« La loi 10 est un vaste exercice de centralisation du réseau de la santé et des services sociaux : centralisation du pouvoir décisionnel dans le bureau du ministre, mais aussi centralisation des services à la population vers les villes les plus importantes. En sacrifiant les services de proximité, la réforme contribue à la dévitalisation des régions du Québec. Les services qui sont déplacés entraînent dans leur sillage le personnel et l’expertise. Politiquement, elle affaiblit la voix des élus municipaux, des citoyens et des travailleurs. On standardise les pratiques comme s’il n’y avait pas de différence entre Trois-Pistoles et Ville LaSalle ! », s’indigne Sylvain Lirette de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) au Bas-St-Laurent.
Plusieurs médecins perçoivent également que la réforme instituée par la loi 10 a eu des effets pervers. Malgré les prétentions du ministre, la réforme n’a pas contribué à l’accessibilité ni à l’amélioration de la qualité des soins offerts à la population.
« On constate depuis l’entrée en vigueur de la loi 10 une improvisation et de la confusion sur le terrain, avec le ministère qui dicte d’en haut sans consulter les gens qui donnent des services. Certaines décisions doivent être prises sans même qu’on ait accès à l’information pertinente. Par exemple, malgré nos demandes pour de l’information supplémentaire, dans les Laurentides comme à d’autres endroits, on nous demande de postuler pour des postes de chefs de service régionaux sans même qu’on nous remette la description de tâches des postes à pourvoir, en nous disant que "ça arrivera plus tard après" ! Et dans une région comme la nôtre, la réalité est différente entre l’hôpital de St-Eustache et celle de l’hôpital de Mont-Laurier. Cette façon de faire, ce mur-à-mur décidé à partir de Québec, va à l’encontre des meilleures pratiques mondiales en terme d’administration de la santé », explique le Dr Simon-Pierre Landry du Regroupement des omnipraticiens pour une médecine engagée (ROME) et chef de l’urgence à l’hôpital de Ste-Agathe.
Un an après l’adoption du projet de loi 10, les travailleuses sociales et les travailleurs sociaux constatent que leurs inquiétudes se sont matérialisées : la réorganisation du réseau a fait en sorte que l’offre de services sociaux généraux est réduite, ce qui représente un risque pour toute la population, mais surtout pour les personnes les plus vulnérables.
« Le réseau de la santé et des services sociaux doit non seulement soigner les personnes, il doit les aider à ne pas tomber malades. Et une façon de prévenir la maladie, c’est de se préoccuper des déterminants sociaux, des inégalités sociales. Or, ce sont les services sociaux, tant généraux que spécialisés, dispensés dans le réseau et au sein des organismes communautaires, qui agissent sur les déterminants sociaux. Et ce sont justement ces services sociaux que, malheureusement, le projet de loi 10 défend mal », affirme Claude Leblond, le président de l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec.
Pour le député de Mercier, Amir Khadir, le plan opéré par Gaétan Barrette avait comme but de centraliser le plus de pouvoir possible entre les mains du ministre pour transformer profondément le système de santé québécois pour mieux le privatiser au détriment des patient.e.s et du personnel de la santé et des services sociaux.
« Ne soyons pas dupes, l’objectif ultime derrière la loi 10 est d’affaiblir au maximum le système de santé public, universel et gratuit. C’était la première étape envisagée par le ministre Barrette pour accélérer la privatisation des soins. Aujourd’hui on assiste au déploiement de la suite du plan de privatisation avec le dépouillement des CLSC d’importantes parties de leurs ressources », explique Amir Khadir, lui-même médecin spécialiste.