Le docteur Morton Rasch, directeur du programme de suivi des écosystèmes du Groenland à l’université de Aarhus au Danemark constate que : « le processus avance bien plus vite que tout ce que les modèles scientifiques avaient prévus ».
Alors que la plupart des gens sont effrayéEs par de telles données, les investisseurs internationaux se frottent déjà les mains. Cette fonte, encore jamais vue de mémoire humaine, veut dire un accès à une partie du monde qui était fermée jusqu’ici.
L’arctique qui a déjà été surnommée « espace de glace éternelle », contient d’énormes ressources halieutiques et on y estime à 20% les réserves de gaz et de pétrole mondiales. Il s’y trouve aussi de très grand dépôts de terres rares, (indispensables dans la production électronique. N.d.t.), de cuivre, d’argent et d’or.
Déjà, le réchauffement de la planète a amélioré les conditions d’exploitation dans ces régions jusqu’ici inaccessibles. La hausse de température a allongé les saisons de quinze jours au printemps et d’autant à l’automne. La perspective d’une ouverture des voies navigables vers la fin de notre décennie devrait réduire significativement les coûts de transport.
Un coup d’oeil sur le Groenland montre avec quelle avidité les investisseurs sautent sur ces opportunités inattendues. En 2010, il n’y avait qu’un champ de forage en activité dans le pays. À ce jour, il y en a plus de cent en exploration par diverses compagnies dont NUNAOIL, DONG Energy, Chevron, Exxonmobil, Husky Energy et Cairn Energy.
Aucune de ces compagnies n’est en mesure de prévenir un désastre écologique comme celui dont BP a été responsable (dans le golfe du Mexique. N.d.t.) en 2010. En plus, dans cette région, la mer est gelée six mois par année. Il serait impossible d’y venir à bout d’un déversement d’octobre à mai. Il serait de plus, absolument impossible de récupérer le pétrole sur les côtes inaccessibles du Groenland ; il se disperserait donc indéfiniment et plus lentement que dans le golfe du Mexique. Ce qui a fait dire au responsable de la sécurité civile, dans un avertissement en 2010, que : « Si quelque chose arrive, nous sommes perduEs. Nous ne pouvons rien faire d’autre que regarder ».
Les investisseurs internationaux ne s’en font pas avec ces problèmes écologiques, ils se concentrent sur d’autres situations. La Chine, contrairement à la Russie et de d’autres pays européens ne possède aucun territoire en Arctique mais elle a commencé certaines activités dans la région. Une de ses délégations est allée au Danemark, en Suède et en Islande offrir des contrats. Elle a investit dans des forages au Groenland et ses représentants proposaient de compenser le manque de main-d’œuvre local en important ses propres travailleurs. Elle est particulièrement intéressée aux terres rares nécessaires dans la production de produits de haute technologie.
En réponse à ces démarches, M. Antonio Tajani, un des vice-présidents de l’Union européenne, est allé dans la capitale du Groenland, Nuuk en juin dernier et a offert des centaines de millions d’Euros en « aide au développement » pour empêcher que le gouvernement local ne cède aux propositions de la Chine et lui donne accès aux ressources naturelles du pays. En plus, M. Baroso, le président de l’Union européenne, a reçu le premier ministre groenlandais, M. Kuupik Kleist, à Bruxelles. L’union a réclamé un siège d’observateur au Conseil de l’Arctiq ue tout comme le Japon et la Corée du Sud. Ce conseil a été fondé en 1996 et n’est ouvert qu’aux pays côtiers de l’Arctique. La Chine a aussi déposé une demande d’adhésion cet été. Le rôle du Conseil évolue rapidement. M. Gustave Lind, l’ambassadeur suédois qui y est attitré, souligne qu’il est passé d’un groupe de discussion à un organisme décideur.
Certaines considérations géostratégiques jouent aussi un rôle majeur dans cette course vers l’Arctique. Les États côtiers et l’OTAN y développent des installations militaires. L’armée américaine qui possède la base aérienne la plus nordique du monde à Thulé, surveille attentivement ces développements. L’ouverture prochaine des voies maritimes mènera directement vers la Chine. Dans un avenir proche, le rival commercial le plus important des États-Unis bénéficiera ainsi de nouvelles opportunités économiques et militaires.
Cette fonte accélérée des glaces arctiques a libéré de formidables forces capitalistes. La chasse aux profits et aux ouvertures géostratégiques sont en plein élan. La logique capitaliste de la compétition ne mènera pas seulement à la ruine d’une des merveilles du monde mais, elle peut aussi mener à des affrontements militaires, à des désastres écologiques avec des conséquences catastrophiques pour l’humanité.