« C’est inacceptable et révoltant de laisser Gilda et Katalin dans ce flou insupportable. En mai, le ministre McCallum a pourtant reconnu que ce cas relève de ’’circonstances exceptionnelles’’, en accordant à la famille le très rare Permis de séjour temporaire. Il devrait maintenant accepter leur application sur des bases humanitaires, le plus vite possible », déclare Mary Foster de Solidarité Sans Frontières.
« Pourquoi ce permis de séjour temporaire aurait-il été accordé si ce n’est pour laisser plus de temps à Immigration Canada d’étudier leur dossier et de répondre à leur demande humanitaire ? Un Permis de Séjour Temporaire ne donne ni le droit de travailler ni d’étudier, ce n’était donc pas dans le but de permettre à Gilda de finir son école secondaire au Canada », précise Foster.
La famille avait de très bonnes raisons de quitter la Hongrie et a aujourd’hui des raisons humanitaires très convaincantes pour ne pas y retourner.
Si Gilda est forcée de quitter le Canada maintenant, elle ne pourra jamais finir son secondaire, et encore moins continuer ses études à un plus haut niveau, ce dont elle rêve… L’absence de diplôme de secondaire condamnerait Gilda à la précarité pour toute sa vie, particulièrement dans le contexte de la Hongrie actuelle. Comme l’explique Dafina Savic de Romanipe : « Les réfugiés Rom déportés par le Canada - dont font partie le frère et le père de Gilda expulsé en mars dernier - se retrouvent face à des barrières insurmontables pour faire reconnaître par la Hongrie leur scolarité acquise au Canada, ou même pour être inscrits à l’école après des années à l’étranger. De plus, le traitement discriminatoire systémique et la ségrégation des enfants roms (45 % sont ségrégés) dans les écoles hongroises sont tellement importants que la Commission européenne a lancé, en juin 2016, une procédure d’infraction contre la Hongrie pour sa violation de la législation européenne anti-discrimination ».
« Mon frère et mon père ont été déportés en mars et il est clair que la situation en Hongrie ne va pas du tout mieux pour les Roms. C’est le même racisme dans les rues, la discrimination dans l’emploi, la ségrégation, les abus policiers : toutes les raisons pour lesquels on est parti. C’est partout. Je suis très inquiète pour mon père et mon frère, qui n’ont nulle part où vivre. Un ami les laisse habiter chez lui pour le moment, mais les conditions de vie sont très difficiles et ils n’ont même pas l’eau courante. Chaque jour, mon père est un peu plus dans la dépression », raconte Gilda Lakatos. Cette situation précaire ne risque pas de s’améliorer dans un contexte de très forte discrimination à l’encontre des Roms sur le marché du travail : 80 % des employés en Hongrie admettent qu’ils n’emploient quasiment jamais de Roms, selon une étude de 2006. De plus, une enquête menée par des juristes de Toronto, montre que les immigrants renvoyés - comme le frère et le père Lakatos- souffrent d’une double discrimination : en tant que Rom et parce qu’ils ont mis en lumière les pratiques racistes de la Hongrie à l’étranger.
« C’est particulièrement cruel de déporter Katalin, pour la renvoyer dans un pays où elle a déjà perdu un fils qui s’est suicidé après avoir subi des traitements racistes par la police hongroise, et un deuxième fils qui a failli mourir à cause d’une négligence médicale raciste. La Hongrie est un lieu de grand traumatisme pour cette famille. Katalin souffre de dépression depuis que la famille est menacée de déportation », affirme Mary Foster.
L’acceptation de leur demande humanitaire par le ministre McCallum permettrait à cette famille d’être à nouveau réunie à Montréal, où elle a trouvé la sécurité, la paix, et l’espoir pour l’avenir.
Chronologie
20 octobre 2004 - Suicide du fils aîné de Katalin, suite à des incidents racistes avec la police.
2005 - Katalin dépose une plainte contre la police hongroise pour avoir poussé son fils au suicide, un harcèlement policier intense s’ensuit.
Février 2011 – Le second fils de Katalin frôle la mort, suite à une négligence médicale due à un traitement raciste du fait qu’il soit Rom.
14 juin 2011 – La famille arrive au Canada, et dépose une demande d’asile.
Avril 2015 – Leur demande de statut de réfugié est refusée.
22 septembre 2015 – La famille dépose une demande de résidence sur des bases humanitaires.
30 octobre 2015 – La famille reçoit un avis d’expulsion. Elle reste au Canada.
3 mars 2016 – Arrestation du père et du fils, sans statuts, lors d’un contrôle policier de routine, de la voiture dans laquelle ils se trouvaient. Ils sont détenus au Centre de détention de Laval.
8 mars - Katalin et Gilda, qui a alors 16 ans, se rendent par elle-même à l’ASFC. Elles sont détenus au Centre de détention de Laval.
11 mars – Deportation du père et du fils.
17 mars - Katalin et Gilda sont relâchées du centre de détention par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié.
11 mai – La veille de la nouvelle date d’expulsion prévue (12 mai 2016), le Ministre fédéral de l’Immigration reconnaît les « circonstances exceptionnelles » dans ce dossier et accord un Permis de séjour temporaire – mais de seulement deux mois.
14 juillet - Katalin and Gilda dépose une demande de renouvellement de leur Permis de séjour temporaire, un avocat confirme qu’elles peuvent légalement rester au Canada jusqu’à l’obtention d’une réponse à cette demande de renouvellement.
16 juillet – Leur permis de séjour temporaire expire.
Source :
Solidarité sans frontières
www.solidaritesansfrontieres.org