Cette réaction, il faut le dire, cela a été aussi le Labour Party, historiquement le parti d’une gauche très modérée, depuis longtemps content d’être le gérant de l’Empire. Dans le tiers-monde où la pax britannica a été longtemps dominante, le Labour a cautionné les massacres, les exactions, le racisme. Il acceptait cette gérance en se disant que c’était le prix à payer pour faire passer l’assurance-maladie ! Non seulement le Labour a participé de plein pied dans toutes les aventures coloniales, il s’est toujours opposé également aux revendications des peuples au cœur même de l’Empire, à commencer par les Écossais et les Irlandais.
Malgré tout cela, le peuple écossais a tenu tête. La coalition pour le oui s’est littéralement envolée « par en bas », dans les communautés et la citoyenneté active, celle qui refuse de capituler devant les puissants. Cette « minorité » est en fait une « majorité » si on considère que la démocratie ne peut jamais s’exprimer de manière banale, silencieuse et passive. La démocratie, ce n’est pas le vote secret où il n’y a pas de délibération ni d’exploration. Le vote secret, inévitablement, c’est le vote de la peur. C’est pourquoi toujours et partout les « indécis » votent contre le changement. Ils ont peur, ils ne veulent pas dire leur opinion, ils sont coincés.
Pour les dominants, le système « démocratique » actuel est idéal. Il y a une liberté d’expression qu’on tolère jusqu’à un certain point. Et ce point, c’est le moment où le peuple peut faire basculer le pouvoir. La liberté est tolérée si on accepte le statu quo. On convie l’opposition à être l’alternance d’un pouvoir constitué. Surtout, on essaie d’empêcher des moments où le peuple s’active.
Je ne dis certainement pas cela pour prôner l’abstentionnisme bête et obtus qu’on entend parfois dans certains milieux qui se disent de gauche. Il faut participer dans les espaces contraints de cette démocratie à basse intensité, prendre part au débat. Mais jamais, il ne faut s’illusionner. Les institutions du système ne permettent pas le changement. Si nous sommes dans ces institutions, c’est pour justement expliquer cela et dénoncer. Quant au changement, il survient parfois, mais pas à travers de pseudo alternances. Le système doit être bousculé par en bas, imposé aux dominants. Cette imposition peut être pacifique. Devant la force du peuple organisé, les dominants parfois (mais pas toujours) reculent. Ils n’excluent toutefois pas la violence économique et symbolique, les manœuvres et l’intimidation, et même plus encore, lorsqu’on constate qu’ils sont prêts à tout pour bloquer le changement.
Que faire alors, comme dirait l’autre ? Il n’y pas de substitut à l’organisation populaire. On peut avoir 2 ou 2000 référendums, cela n’aboutira à rien si on n’a pas un peuple organisé, ou devrais-je dire, auto-organisé. Quant aux campagnes politiques, il faut les faire et bousculer cet ordre insensé, en pensant que cela peut faire avancer la cause, mais sans illusion.