Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Europe

La croisade de St Déni

Bonne année à tous ! J’espère que vos fêtes se sont bien passées, ici en France l’actualité a comme toujours été étouffée sous la dinde aux marrons et noyée dans le champagne. Enfin pour ceux qui peuvent encore se le permettre, de moins en moins nombreux …

Fini la guerre en Ukraine, exit le génocide des palestiniens, plus un mot sur ceux qui meurent de froid dans nos rues, il faut de la gaîté, des paillettes, des milliers d’ampoules clignotantes ! Cette année 2024 sera celle de la France car c’est l’année des Jeux Olympiques, prétexte idéal pour lancer un grand nettoyage du pays. Dehors les immigrés qui font peur, dehors les bouquinistes des quais de Seine qui font désordre, on va pouvoir augmenter tous les prix, faire exploser le marché locatif, doubler les tarifs des transports en commun ! C’est la fête !!! On pourrait même aller jusqu’à réquisitionner les logements des étudiants boursiers durant les jeux pour les louer à prix d’or aux touristes naïfs, tant qu’à faire … Où iront les étudiants ? À la soupe populaire ça ne les changera pas de leur quotidien, plusieurs milliers y vont déjà.

De nouveaux menteurs à l’Elysée

Cette rentrée a aussi été celle d’un « changement de gouvernement ». Je mets des guillemets parce que finalement peu de choses ont changé … notre ministre de l’économie ultra libéral reste le même, notre ministre de l’intérieur qui échange des logements sociaux contre des faveurs sexuelles reste le même … notre ministre de la justice jugé pour conflit d’intérêt en plein mandat reste le même... Ce qui change c’est le premier ministre, exit Elisabeth Borne, usée par ses 23 recours à l’article 49.3, et bienvenue au nouvel enfant prodige de la Macronie, Gabriel Attal.

Attal est un pur produit de l’entre soi parisien, sa vie tient sur un rayon de 6km, jamais il n’aura à mettre un pied en dehors des beaux quartiers. Père riche producteur de cinéma, mère héritière d’une longue lignée d’hommes politiques datant du 18ème siècle, il fait sa scolarité à la prestigieuse école Alsacienne puis intègre l’Institut d’études Politiques de Paris. Il entre dans la vie politique sans jamais avoir travaillé un seul jour dans sa vie, il gravit les échelons avec une rapidité déconcertante jusqu’à devenir le petit chouchou d’Emmanuel Macron, qui le nomme en 2023 ministre de l’éducation nationale alors qu’il n’a jamais été à l’école publique républicaine. À seulement 34 ans il devient le plus jeune premier ministre français.

On pourrait se dire qu’un jeune dirigeant apportera un peu de fraîcheur … ça serait mal connaître le conservatisme de nos élites parisiennes ! Attal compose un gouvernement digne de la plus coincée des droites et confirme officiellement ce que tout le monde savait déjà ; la Macronie a basculé à droite toute. Il va jusqu’à nommer Rachida Dati, Sarkosiste de la première heure et impératrice de la vulgarité, ministre de la culture !!! Rappelons que notre nouvelle ministre botoxée est mise en examen pour corruption et abus de pouvoir …
Mais le petit bijou de ce nouveau gouvernement, celle dont je veux vous parler aujourd’hui c’est Amélie Oudéa Castera. Ancienne ministre des sports, elle devient par un coup de baguette magique ministre de (accrochez vous bien...) l’Éducation Nationale, de la Jeunesse, des Sports, des Jeux Olympiques et Paralympiques (et des tondeuses à gazons et rasoirs jetables) !

Je ne sais pas vous, mais de mon point de vue l’Éducation me paraît être un sujet majeur, si ce n’est LE sujet principal qui devrait concerner les politiques publiques. Fourrer l’éducation dans un ministère du tout et du rien, sous la même responsabilité que les JO qui vont demander énormément d’investissement, cela montre bien le peu d’intérêt que nos dirigeants accordent aux générations futures.

Mais cela nous fait assez de nouvelles déprimantes, passons aux réjouissances ! Car vous allez voir qu’ Amélie Oudéa Castera (AOC pour les intimes, une AOC à la française loin de son homonyme américaine) est un véritable cadeau offert aux oppositions et à la presse indépendante. Depuis sa nomination elle nous régale avec un enchaînement de gaffes que même Mister Bean n’aurait pas osé.

Le dénigrement de l’école publique

Prenons les faits chronologiquement : le 11 janvier, cette ancienne directrice du CAC 40 (elle a dirigé Axa puis Carrefour), nièce de deux de nos journalistes les plus installés, épouse de celui qui fut directeur de la Société Générale pendant la crise financière (banque à l’origine de l’affaire Kerviel et croulant sous les condamnations judiciaires) et actuel dirigeant de la très controversée entreprise pharmaceutique Sanofi … rien que ça, est nommée ministre de l’éducation (et de plein d’autres trucs …).

Une heure après sa nomination, Médiapart l’interroge sur l’école Stanislas où elle a choisi de scolariser ses trois enfants. En effet, ce qui fait tache d’huile c’est que l’école Stanislas est une prestigieuse école privée parisienne, ultra catholique, sous contrat avec l’état et recevant plus d’un millions d’euros de fonds publics. Une école privée accusée par plusieurs médias de sérieuses dérives racistes, misogynes, homophobes et dans le viseur de l’inspection. Prise de cours par ses nouvelles responsabilités, la ministre botte en touche et promets de répondre plus tard.

Le lendemain, elle fait son premier déplacement officiel, accompagnée du premier ministre, qui est aussi son prédécesseur au ministère de l’éducation, dans un collège des Yvelines. Mediapart l’attend de pied ferme, le matin même ils ont publié un article révélant les choix très réactionnaires de la ministre. Quand ils la questionnent devant les caméras, elle ne tente pas d’esquiver comme avaient l’habitude de faire ces prédécesseurs (dont la plupart mettaient eux aussi leurs rejetons dans le privé). Au contraire, elle déclare dans une prestation Actor Studio : «  Vous êtes totalement dans le procès d’intention ! Je n’esquiverai pas votre question … je voudrais relever que si on commence dès le premier jour sur des attaques personnelles c’est parce que ce que j’ai pu exprimer ce matin était inattaquable sur le fond. Alors très bien ! Allons sur le champ du personnel, allons y ! »

Elle dit qu’elle va nous raconter « une histoire », celle de son aîné qui aurait commencé sa scolarisation à l’école publique, dans une école publique qu’elle cite nommément. Elle nous parle ensuite, des trémolos dans la voix, de « la frustration de ses parents qui avons vu des paquets d’heures qui n’étaient pas sérieusement remplacées. Et à un moment on en a eu marre, comme des centaines de milliers de familles qui ont fait le choix d’une solution différente.  » Elle prétend que Stanislas était un choix de proximité et que « désormais nous nous assurons que nos enfants sont non seulement bien formés, avec de l’exigence dans la maîtrise des savoirs fondamentaux et qu’ils sont heureux, épanouis, qu’ils ont des amis, qu’ils se sentent en sécurité, en confiance. » Elle ajoute, comme si ça n’était pas suffisant : « Avant de stigmatiser les choix des parents d’élèves, il est important de rappeler que l’école, c’est celle de la république, et que la république travaille avec tout le monde dès lors qu’on est au rdv ».

Bon … l’équipe de communication derrière elle est en panique, le premier ministre est livide et Médiapart se frotte les mains ! La ministre de l’éducation nationale vient de critiquer sans ménagement son propre ministère, responsabilisant par là son prédécesseur, Gabriel Attal ! Mais ça va bien au delà de ça, elle suggère avec peu de subtilité que tout bon parent soucieux de l’éducation de ses enfants devrait les mettre dans le privé car dans le public ils ne sont pas heureux, pas en sécurité et mal formés !!! La privatisation de l’éducation est en marche … C’est évidemment un scandale immédiat. Les syndicats de professeurs et de parents d’élèves sont révoltés, la ministre est raillée pour son ton factice et condescendant, et notre presse indépendante ne compte pas en rester là.

Trois jours plus tard, c’est le journal Libération qui révèle le témoignage de l’ancienne institutrice des enfants de la ministre. Outrée, elle assure n’avoir jamais été absente durant la brève scolarisation du fils aîné d’AOC dans le public, qui n’a en vérité duré que six mois. Le garçon a été scolarisé en cours d’année alors qu’il n’avait pas encore l’age d’entrer en maternelle, mais ses parents ont insisté et l’école leur a fait cette faveur. Il n’était présent en classe que le matin. Selon l’institutrice, c’est le refus de le faire passer en niveau supérieur qui a motivé son retrait de l’école. AOC voulait que son fils ait une année d’avance, l’équipe enseignante estime que ça n’est pas dans l’intérêt de l’enfant, alors la ministre le retire de l’école publique pour le mettre dans une école privée qui accepte ses exigences.

Mise face à ce témoignage corroboré par les collègues et les parents d’élèves, la ministre bafouille, parle « d’éléments à coté de la vérité », dit comprendre « le ressenti » des professeurs mais maintient le fait que ce sont les heures non remplacées qui ont motivé son choix. Seulement voilà … les registres de l’école et les très nombreux témoignages de membres de l’équipe enseignante et de parents d’élèves lui donnent tort. Alors elle s’empêtre dans ses mensonges, prétendant ne pas se souvenir des dates de scolarisation de son aîné (oui oui, cette maman exemplaire qui nous dit que ses priorités sont le bien être de ses enfants ne se souvient pas de la première rentrée scolaire de son premier enfant … normal !). Les syndicats enragent, tout comme les communicants du gouvernement qui s’arrachent les cheveux, et elle est obligée de se rendre à l’école en question pour faire ses excuses. En digne macroniste elle refuse pourtant d’assumer pleinement ses mensonges et ose se victimiser, se disant «  malheureuse d’avoir blessé l’équipe enseignante », mettant en avant son « expérience de maman », se plaignant de « harcèlement » de la part des médias et demandant à ce que ce chapitre « des attaques personnelles » soit clos. Culottée !!! Elle reçoit en réponse des huées virulentes et toujours plus de reproches.

Que ce soit durant ses déplacements ou à l’assemblée nationale, la ministre ne parvient pas à prendre dignement ses fonctions, et l’opposition la renomme ironiquement «  la ministre de l’éducation, de la jeunesse, des sports et du mensonge. » Elle a perdu toute crédibilité avant même de se mettre au travail.

Mais la descente aux enfers d’AOC ne s’arrête pas là … Médiapart la questionne sur son choix d’école privée : le prestigieux établissement Stanislas. En effet, huit mois plus tôt, le média indépendant avait publié des révélations faisant état de cas de racisme et d’homophobie à Stanislas. Des révélations suffisamment sérieuses pour déclencher une inspection dont les conclusions (accablantes) ont été remises au ministère de l’éducation cet été. Pourtant, Mme la ministre du mensonge prétend que ce rapport n’est pas sur son bureau, et semble vouloir nous faire croire qu’il n’existe pas. Qu’à cela ne tienne, Médiapart publie ce fameux rapport. Et là … accrochez vous !

Un enseignement sectaire

Pour commencer en beauté, Stanislas ne respecte tout simplement pas la loi en imposant des cours de catéchisme à tous ses élèves de la maternelle à la classe prépa. La France est un état laïque, il est par conséquent inconcevable qu’un établissement recevant 1,3 millions d’euros de financements publics annuels puisse obliger les étudiants à suivre un enseignement religieux. Mais cela va plus loin car, selon le rapport, le contenu de ces cours est également problématique : « Certains catéchistes expriment des convictions personnelles qui outrepassent les positions de l’Église catholique, par exemple sur l’IVG en tenant des propos remettant en cause la loi, ou susceptibles d’être qualifiés pénalement sur l’homosexualité »

Il existe de nombreux témoignages d’élèves qui rapportent des propos totalement délirants proférés par des intervenants en cours de catéchèse. L’une d’elle par exemple aurait déclaré que «  l’avortement était encouragé parce que les fœtus étaient utilisés pour des médicaments, le Doliprane notamment  ». Un autre que «  Francois Hollande était un danger pour la République puisqu’il défendait la théorie du genre ». 
Je vous laisse une seconde pour imaginer le scandale si ces propos avaient été tenus dans une école musulmane !

Le rapport révèle également un discours révoltant sur l’homosexualité, comme ce que rapporte ce témoin sur un des intervenants : « Il nous a parlé de l’homosexualité comme d’une maladie, et que si l’on se sentait homosexuel, il fallait se faire soigner dans une structure religieuse au Canada, que l’homosexualité venait du fait que quand la mère enceinte trompe son mari ou que son mari trompe sa femme, le bébé ressent tout et a le cœur brisé ; il nous a parlé de sodomie également. Il nous a parlé de viol, en disant qu’il fallait pardonner au violeur et que c’était difficile.  » 

Ou encore cet enregistrement de l’intervenant star de Stanislas, Philippe Ariño (célèbre auteur homosexuel catholique prônant l’abstinence), dans lequel on l’entend déclarer à une classe d’adolescents : «  On peut ne pas être d’accord avec ce que vivent les homo (…) la bible condamne les actes (…) les personnes homosexuelles dans le milieu se détestent. En général l’amitié est très difficile (…) ça dit quelque chose de la nature idolâtre du désir homosexuel. » Charmant …

Mais ça ne sont pas seulement les enseignements religieux qui posent problème, les programmes de Sciences et Vie de la Terre et d’Enseignement Moral et Civique ne sont pas respectés et les cours d’éducation à la sexualité (normalement obligatoires) sont remplacés par des séances «  d’éducation affective ». Dénoncées par les élèves, ces séances sont non mixtes et mettent volontairement à distance la sexualité, nous dit le rapport d’inspection. À propos de l’une des dernières intervenantes un témoin déclare aux inspecteurs avoir entendu « des choses aberrantes, par exemple que les hommes ont des pulsions que les femmes n’ont pas et qu’elles doivent subir… ». 

Le rapport va jusqu’à affirmer : «  Le parti pris de certains professeurs de SVT de ne pas parler des infections sexuellement transmissibles (IST), les propos tenus lors des conférences d’éducation à la sexualité sur les dangers de la contraception chimique, et enfin les dérives relevées en catéchèse sont susceptibles pour la mission de porter atteinte à la santé des élèves ».

Interrogé par la presse, le directeur affirme avoir mis de l’ordre dans tout ceci … tout comme il l’avait déjà affirmé quelques années auparavant quand d’autres articles avaient déjà soulevé ces problèmes.

Au delà de ça, le personnel encadrant, notamment les préfets, sont mis en cause pour des méthodes brutales et humiliantes, particulièrement en ce qui concerne les tenues et les coiffures des jeunes filles (moins nombreuses et clairement mises à part et négligées). Le rapport parle notamment d’une jeune fille ayant subi une agression sexuelle en dehors de l’établissement. « Elle évoque un rendez-vous fixé avec ses parents au cours duquel elle a été contrainte de les informer de cette agression, “sinon ce n’était pas vrai ou sérieux”, la menace d’exclusion, les remarques humiliantes à répétition », relèvent les inspecteurs. « La pédagogie de Stan est violente. Leur but est que les élèves donnent le meilleur d’eux-mêmes, non pas en les encourageant, mais en les rabaissant  »

Et le comble, Mediapart révèle que le ministre de l’éducation nationale (à l’époque notre actuel premier ministre Gabriel Attal) avait été alerté par un parent d’élève qui dénonçait l’exclusion injuste de sa fille. Les inspecteurs confirment l’intégralité de ces accusations et montrent que la direction de Stanislas a « dissimulé la vérité » et même « monté dans la précipitation » un dossier à charge pour tenter de justifier l’exclusion de la jeune fille et travestir ses motifs. Ils accusent à tort cette élève d’avoir harcelé des camarades. « Il ressort des pièces transmises que le problème posé par cette élève se situe ailleurs, dans un conflit personnel entre le préfet et elle, relayé par le censeur – directeur du lycée, en raison en réalité de ses prises de position assimilées à du militantisme(…) cette affaire témoigne de la méthode brutale employée par l’établissement pour écarter une élève brillante qui ne correspond plus à “l’esprit Stan” et qui pourrait influencer d’autres jeunes », relèvent-ils. 
L’un des préfets de l’établissement reprochait à cette jeune fille de porter « un pull LGBT » et était, selon plusieurs témoignages, «  familier de propos homophobes et d’insultes envers les filles qu’il ne trouve pas assez féminines  ». Cette exclusion arbitraire a été décidée sans passage en conseil de discipline, sans consulter les professeurs de l’élève en question et sans aucun accompagnement pour aider l’élève à trouver un autre lycée.

A Stanislas, le sexisme est omniprésent, par exemple l’internat de classe prépa a une capacité d’accueil de 473 places pour les garçons contre 98 pour les filles. Les classes de garçons sont situées dans le bâtiment central alors que les classes mixtes et de filles sont dans un bâtiment à part, excentré de la vie du campus.

Dans un livret remis aux élèves masculins de seconde (15 ans) intitulé « Tu seras un homme  », on explique aux adolescents que les hommes sont soumis à des passions violentes, c’est pourquoi les filles ne doivent pas les exciter avec des tenues provocantes. On peut également y lire que « les héroïnes n’existent pas  » ! Dans l’esprit tordu des auteurs, seuls les héros peuvent exister … au premier rang de ces héros figurent je suppose les inquisiteurs de la belle époque.

Le rapport d’inspection, qui se conclut

par une bonne dizaine de recommandations pour se conformer aux lois, est clair « La mission relève sur vingt ans une préoccupation constante de l’apparence du corps féminin, qu’il faut cacher : vêtements opaques, épaules (couvertes), ventre (hauts sur le bas des hanches), cuisses (longueur des jupes et des robes), poitrine (pas de décolletés). Ce niveau de détails relève du sexisme. Il renvoie la jeune fille à une image sexuelle de son corps qui attire et perturbe les garçons. »


Les règles ne sont pas faites pour les élites

La publication de ce rapport a mis le gouvernement très mal à l’aise et il leur a fallu redoubler de langue de bois pour esquiver les questions. Non seulement notre ministre de l’éducation a mis ce rapport scandaleux au placard, mais elle a surtout fait des choix en totale contradiction avec sa mission ministérielle pour ses propres enfants. En effet, quand elle fait le choix de placer ses enfants dans des classes non mixtes, la mission de son ministère est quand à elle de « favoriser la mixité et l’égalité entre les hommes et les femmes » dans tous les établissements. C’est gênant …

Promettant qu’elle va se pencher sur l’affaire, que les révélations de Médiapart concernent des habitudes passées et que Stanislas a changé, la défense de la ministre se concentre avant tout sur ce qu’elle prétend être des attaques personnelles et met en avant le libre choix de tout parent pour l’éducation de ses enfants. Même le choix de ne pas respecter nos lois ???

Quelques jours plus tard, Mediapart, qui n’en a pas fini avec AOC, sort de nouvelles révélations dont elle se serait bien passée : l’un de ses fils a bénéficié d’un contournement de Parcoursup.

Parcoursup est une des premières et des pires réformes de Macron sur l’éducation. Le principe est catastrophique : les élèves en fin de lycée doivent formuler dix choix maximum pour leur avenir et envoyer leur dossier dans ces dix établissements via une plate-forme numérique en bug permanent (évidemment il existe certaines filières d’exception dites « sélectives » menant à des métiers plus valorisés que les autres et pour lesquels les frais de dossier sont payants … histoire de faire un premier tri …). Puis les étudiants attendent le verdict dans un stress inimaginable. Le concept fonctionnant uniquement par une plate-forme web est très vivement critiqué pour son caractère anxiogène, son opacité et surtout sa lenteur. Nous connaissons tous des étudiants qui, à une semaine de la rentrée universitaire, sont toujours sur liste d’attente et ne savent pas encore quelle filière ils pourront emprunter, quel sera leur avenir … avec tous les problèmes logistiques que cela cause, notamment au niveau des logements.

Bref, Parcoursup c’est la plaie de tous les étudiants ! Sauf des privilégiés de Stanislas qui, selon l’aveu même du gouvernement, bénéficient d’un contournement du processus. Il est évident pour tout le monde que si la fraude est tolérée pour Stanislas, elle l’est aussi pour d’autres établissements « d’élites », ceux qui mettent le mérite au dessus de tout mais refusent de jouer avec les règles de la concurrence qu’ils ont eux même imposées.

Car on ne va pas se mentir, le vrai problème ça n’est pas Stanislas en particulier, ce sont tous ces établissements privilégiés qui s’affranchissent des règles communes. Et notre ministre, aussi méprisable soit-elle, n’a fait que révéler le plus révoltant des scandales. Nous lui en sommes reconnaissants ! Louée soit sa bêtise ! Loué soit St Déni !

Selon une récente enquête PISA (confirmée par de nombreuses autres études), la France est parmi les pays de l’OCDE où les résultats scolaires sont le plus liés au milieu social. Nous sommes aussi un des pays développé qui paye le moins ses professeurs (comparé au salaire moyen national), sans parler du peu de respect auquel ils ont droit. Ces 20 dernières années la situation n’a fait que s’aggraver et, depuis le couronnement de Macron, c’est une accélération vertigineuse vers une éducation de plus en plus élitiste et un démembrement méthodique de l’enseignement public. La déchéance de notre éducation nationale n’est pas due au hasard, selon la cours des comptes les trois quart du financement de l’école privée vient des caisses de l’état, plus de 10 milliards de nos impôts qui sponsorisent l’éducation de nos chères élites, sans la moindre contrepartie, sans le moindre critère de mixité sociale en échange ! Pendant ce temps, nos écoles publiques sont délabrées, on parle de classes où il fait 10 degrés en hiver et 30 en été ; on recrute des professeurs en speed dating pour les jeter dans une administration cannibale qui les broiera en quelques mois ; on dépèce les programmes afin de s’assurer que la réussite ne puisse être conditionnée qu’à des cours privés … Il faut les comprendre, le marché de l’éducation vaut des milliers de milliards, ça fait forcément fantasmer ceux qui ne savent rêver que d’argent.

Si ça a été plutôt amusant de regarder en spectateurs la descente aux enfers de notre ministre, qui se tirait une balle dans le pied à chaque pas, force est de constater qu’elle est toujours en poste. Malgré une communication désastreuse qui revient à insulter les professionnels sous sa tutelle et à dénigrer son propre ministère, malgré des mensonges flagrants, malgré qu’elle ne puisse pas exercer ses fonctions correctement tant elle est haïe, le gouvernement et notre leader suprême continuent de la soutenir. Démontrant une fois de plus que nos élites ne sont pas soumises aux règles du commun.

Malgré des manquements à la loi avérés, malgré des attitudes homophobes et sexistes révoltantes, malgré des mensonges et des fraudes, l’école Stanislas est toujours sous contrat avec l’état. À titre de comparaison, le lycée musulman d’Avéroès a lui aussi fait l’objet d’une inspection pour des suppositions de communautarisme. Le rapport, que le préfet a refusé de communiquer à la direction du lycée, ne fait état d’aucune recommandation (contrairement à celui sur Stanislas qui se voit infliger 15 rappels aux règles). Pourtant la subvention publique du lycée a immédiatement été suspendue pour cause de danger communautariste.

Évidemment, l’intégrisme catholique qui défend les violeurs, condamne les homosexuels aux flammes de l’enfer et viole les lois républicaines ne représente aucun danger … ça n’est pas comme si nos principales chaînes de télévision étaient possédées par des ultra catholiques, pas comme si nos dirigeants étaient formés dans ses écoles avant de se distribuer entre eux tous les postes de pouvoir. Ça ça n’est pas du communautarisme, c’est de l’excellence !

Malgré tous ces scandales qui s’amoncellent, l’ambition de notre gouvernement pour l’école reste inchangée : imposer à nos jeunes le service national, l’uniforme (apparemment ça devrait gommer les inégalités … petit clin d’œil à ceux qui pensaient que le but était de les supprimer), des cours de théâtre (ben oui, notre leader suprême a toujours aimé le théâtre alors il semble logique de l’imposer à tous …) et réduire les budgets, encore et toujours. Pendant ce temps nos sénateurs s’augmentent de 700 euros mensuels et nos députés de 300 euros … ceux qui ont voté contre l’indexation des salaires s’appuient sur l’inflation pour justifier ce nouveau racket. Gonflé !

En France, ces vingt dernières années, les inégalités sociales étaient grandissantes, perceptibles, elles étaient dénoncées par certains et supposées par beaucoup. Avec l’avènement du macronisme, elles sont désormais officialisées, assumées, revendiquées dans le plus grand des mépris.

Ceux qui nous parlent de perpétrer les coutumes, de respecter la grande culture française et prônent la méritocratie tout en la contournant semblent avoir oublié que chez nous, quand le faussé des inégalités se creuse, quand les élites font sécession et que la naissance l’emporte sur les compétences, des têtes finissent toujours par tomber. Le peuple français aussi semble l’avoir oublié, mais il n’a jamais été de ceux qui courbent l’échine … Puissions nous nous remémorer nos grandes traditions avant que les dégâts soient irréversibles.

L’autrice tient à remercier Médiapart pour toutes les informations mentionnées dans l’article.

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