On se rappellera d’ailleurs que conséquent avec cette approche PKP n’avait pas daigné durant la course qui l’avait amené à la direction du PQ à prendre un quelconque engagement stratégique face à la lutte pour l’indépendance du Québec. Bouchard, Landry, Boiclair et Marois avaient constamment cherché à refouler à un avenir incertain tout débat stratégique concret sur l’indépendance… au nom de la nécessité d’assumer la gouvernance provincialiste et de profiter de ses privilèges. PKP avait également par sa posture indépendantiste fait oublier un aventurisme identitaire d’inspiration électoraliste (le débat sur la Charte des valeurs) qui avait contribué à la désastreuse défaite du PQ aux dernières élections.
Le cadre politique que s’inscrivent les candidatures de Véronique Hivon et d’Alexandre Cloutier.
Ce sont là les représentantEs du sérail de la députation péquiste. Que cette cour se divise sur la personne devant les représenter est bien peu shakespearien. En effet, Pascal Bérubé, le bras droit de PKP, n’a-t-il pas dit tout haut ce que la majorité de ses collègues pensent : le ou la prochain-e chef-fe devra avoir un appui majoritaire du caucus. Le choix ne se fera pas, on s’en doute, sur des divisions idéologiques ou d’orientation. Il y a peine plus d’un an, Véronique Hivon menait une campagne commune avec Alexandre Cloutier et soutenait sa candidature. Le choix se fera sur la compétence politique à s’imposer dans les débats, à savoir rallier par-delà le Parti québécois et à construire une large notoriété dans la population en jouant sur les affects d’intégrité, de dévouement et d’ouverture. Toutes ces qualités manquaient atrocement au chef démissionnaire.
La campagne à la chefferie sera sans doute l’occasion de juger de ces compétences. Véronique Hivon part, sans aucun doute, sur ce terrain, avec une longueur d’avance… Il reste que l’un comme l’autre a à faire ses preuves à ces différents niveaux.
Un bilan concret de l’échec de la direction péquiste dans la lutte pour la souveraineté du Québec n’est pas à l’ordre du jour. En fait, pour ces candidat-e-s, l’indépendantisme, c’est une posture personnelle identitaire permettant de mettre la perspective de bon gouvernement au centre des préoccupations politiques. Alexandre Cloutier, avec son registre d’un million de signatures, a une réponse pour la tenue d’un référendum, qui permet de remettre à plus tard, sans doute dans deuxième mandat, l’atteinte d’un tel objectif préalable. Véronique Hivon, a écarté de se prononcer sur le moment de la tenue d’un référendum sur la souveraineté. Elle doit rallier plus largement avant de camper trop clairement sa position sur cette question. Elle promet cependant qu’elle définira une orientation précise avant la tenue de l’élection à la chefferie. Elle le fera. Mais on ne saurait douter qu’elle partagera la position de la majorité du caucus péquiste, qui voit encore, aujourd’hui, comme hier, tout engagement de la tenue d’un référendum dans un premier mandat, comme un obstacle majeur dans la possibilité de battre Couillard. Le bilan de la défaite de 2014 leur a d’ailleurs démontré que le Parti québécois ne pouvait rester sur la position adoptée par Pauline Marois durant cette campagne électorale. En refusant de prendre position sur la question du moment de la tenue d’un référendum, en se réfugiant dans des formules de plus en plus alambiquées, Pauline Marois avait ouvert le Parti québécois aux attaques démagogiques du Parti libéral qui s’étaient avérées particulièrement efficaces.
La candidature de Martine Ouellet reflète des contradictions qui travaillent le PQ.
Martine Ouellet, la députée de Vachon, n’avait pas encore présenté officiellement sa candidature, qu’elle rejetait la politique du PQ sur l’exploitation pétrolière à Anticosti. La députation péquiste défend qu’il faut que le gouvernement du Québec respecte le contrat signé avec Pétrolia. Face à ce rejet de la politique péquiste, le chef intérimaire, Sylvain Gaudreault, a rappelé le maintien de la politique du caucus péquiste sur cette question. Sur la stratégie pour l’indépendance, Martine Ouellet défend la nécessité que le PQ s’engage à tenir un référendum dans son premier mandat comme elle l’avait défendu lors de la course précédente à la chefferie du PQ. Ce n’est pas pour rien qu’elle n’avait pas obtenu d’appui au sein du caucus à la dernière course.
Ce qui pourrait convaincre Martine Ouellet de se lancer tout de même dans la course, c’est que nombre d’indépendantistes au sein du PQ ne se rangeront pas spontanément derrière l’orientation inspirée par la majorité du caucus des député-e-s. Il y a un espace pour rallier indépendantistes et progressistes du PQ autour de ce qu’elle nomme elle-même une social-démocratie pragmatique. Elle a reçu 13% des voies lors de la dernière course. Elle pourrait faire mieux, particulièrement, si les candidat-e-s du caucus des député-e-s ne performent pas particulièrement au niveau des compétences strictement communicationnelles et qu’elle se tire mieux d’affaire sur ce terrain. Mais, il serait étonnant qu’elle parvienne à renverser ce que l’équipe parlementaire du parti cherche à imposer comme agenda politique.
Sa démarche ne s’appuie pas sur un bilan sérieux des échecs référendaires et de la responsabilité du Parti québécois à cet égard. Elle se butera également sur l’actuelle structure du pouvoir au sein de ce parti. Le courant qu’elle représente au sein de ce parti devra, finalement, tirer les conséquences de ce que sera cette course à la chefferie. Il devra renoncer à être une caution de gauche d’un parti qui utilise la souveraineté comme d’un miroir aux alouettes. Il devra comprendre que le PQ fait de l’indépendance un thème de plus en plus rhétorique tout en se refusant à s’attaquer à une définition d’une stratégie concrète pour y parvenir et qu’elles sont les dynamiques et la structure du pouvoir interne qui encagent ce parti dans cette voie.