Tout le monde comprend que ça ne règlera en rien le problème de l’heure dans le réseau de la santé soit la pénurie de main-d’œuvre : Une agence semblable existe en Alberta depuis 2008 et le manque d’infirmières y est aussi criant qu’ici. » (Michel David, Le Devoir, 1/04/23). Pour ça il y faudrait comme minimum vital les revendications salariales du Front commun à propos desquelles Québec solidaire reste coi. Toutefois les top guns vont s’empresser de privatiser à qui mieux mieux d’autant plus que le plat d’entrée de deux mini-hôpitaux privés a déjà été annoncé.
Pendant ce temps, dans l’arrière-boutique, Front commun et FIQ scrutent la troisième version du menu populaire « qui ne bonifie rien et qui continue de faire en sorte que les travailleuses et les travailleurs s’appauvrissent » (CSN). En plus, les plats qui ne rassasient pas sont inégalement répartis pour mieux semer la zizanie, comme ce fut le cas en 2020. Quant à l’amère dessert du projet de loi 15, la tablée syndicale voit d’un mauvais œil les fusions d’accréditations et la poursuite du projet de centralisation amorcé par Gaétan Barette en 2015 proposer encore une fois une réforme des structures administratives plutôt que de s’attaquer aux vrais problèmes »(FTQ).
Ces fusions syndicales, recouvertes du faux verni de l’ancienneté étendue à tout le réseau permettant le maximum de flexibilité, passeraient de 136 à seulement quatre. À la chicane des offres différenciées s’ajouterait celle des implacables batailles accréditives où les bureaucraties syndicales jouent l’existence de leurs prébendes. On voit poindre une dure joute entre CSN et FTQ. En prime, on aura de pesantes bureaucraties syndicales si près des patrons si loin de la base.
La mise en scène déployée, vient le moment de goûter au rassis festin. Comme plat principal, on offre encore une fois comme au temps de la réforme centralisatrice du ministre Barrette, l’affrontement avec le corps médical. Étant donné le rapport de forces de ces doctes personnes en termes d’offre de spécialistes bien en-deçà de la demande, de grande flexibilité de leurs heures de travail archi bien payées, de la possibilité de s’exiler hors Québec et de leur vénération par le bon peuple apeuré pour sa santé, ce sera au bout de la ligne la capitulation du gouvernement. Mais pendant que cette saga aura captivé le grand public, grâce à nos serviles grands médias, la CAQ antisyndicale compte arriver à imposer sa convention collective en divisant pour régner.
Arrivera-t-elle à ses fins ? L’existence du Front commun, reconstruit par le haut, suite aux déboires du chacun pour soi de 2020, est en soi un obstacle de taille. Et encore plus le fait que l’APTS s’y soit finalement jointe, ce qui garantit une unité entre travailleuses spécialisées et celles du soutien, de l’entretien et des bureaux. Reste la platitude scissionniste et corporatiste du syndicat des infirmières (et de la FAE) qui compte sur sa relative popularité et surtout sur son rapport de forces de pouvoir passer au secteur privé sans coup férir. On constate d’ailleurs la critique molle du projet de loi 15 par la FIQ tout comme son empressement à régler vite avant tout le monde.
Le projet de loi 10 sur les agences privées, aussi bref que le projet de loi 15 est long, n’empêchera en rien ce transfert vers le privé étant donné que tout est dans la réglementation au gré du ministre de la Santé. Ce qui paraît une arme aux mains de la CAQ risque de se retourner contre elle — ce sur quoi la CAQ n’est pas dupe — étant donné que c’est la pénurie des infirmières qui retient l’attention du grand public. La tragicomédie ne fait que débuter. Pour l’instant, syndiquées de la base et population ne sont que spectatrices de ce mauvais scénario.
Qui dit que les premières n’en pouvant plus ne grimperont pas sur la scène pour y imposer un coup de... théâtre. Ça aiderait si le Front commun concrétisait des revendications boostant la quantité et la qualité des soins et de l’enseignement comme il le fait pour ses demandes salariales. Encore plus s’il les reliait à une société pro-climat de prendre soin des gens et de la terre-mère. Applaudirait une foule soulagée prête elle aussi à participer à cette mauvaise comédie la transformant en drame sociale ménageant une fin libératrice bien ancrée dans la réalité.
Marc Bonhomme, 2 avril 2023
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca
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