La Chine, un pays capitaliste à la mode aujourd’hui
La Chine est présentée sous l’angle de son succès économique en terme de croissance du produit intérieur brut et d’augmentation de ses exportations. Il est clair que la croissance du PIB est impressionnante. Mais en réalité, la Chine a choisi un modèle de développement capitaliste qui implique une exploitation accrue des travailleurs chinois, des licenciements massifs, la privatisation de nombreuses entreprises publiques, une réduction radicale des dépenses de l’Etat en matière d’éducation, de santé, de sécurité sociale, un productivisme effréné totalement irrespectueux de la nature et de la santé publique.
La part des salaires dans le PIB a fortement baissé ces 10 dernières années : elle est passée de 53% en 1998 à 41% en 2005 [1]. Certes la Chine est créancière nette à l’égard des Etats-Unis mais elle a accumulé une dette interne colossale. Surtout la montée des inégalités a atteint un rythme affolant. Différentes études indiquent que les 10% les plus pauvres de la population ont connu une détérioration très forte de leurs conditions de vie tandis que les 10% les plus riches ont vu leurs revenus et leur patrimoine exploser. Le nombre de milliardaires chinois en dollars est passé de 3 en 2004 à 106 en 2007 [2].
Sur le plan de la santé économique, il est possible que la Chine ne subisse pas très durement le choc d’un fort ralentissement économique aux Etats-Unis car elle exporte davantage vers l’Europe que vers l’Amérique du Nord. Mais les contradictions économiques internes à la Chine combinées à un choc externe comme un fort ralentissement aux Etats-Unis peuvent néanmoins déboucher sur des problèmes majeurs. La montée de la dette interne tant au niveau des pouvoirs publics que des entreprises, l’accumulation de dettes douteuses dans le bilan des banques, la formation d’une bulle spéculative dans l’immobilier et d’une bulle boursière sont quelques facteurs qui pourraient déboucher tôt ou tard sur une crise économique. Sans compter les puissantes contradictions sociales. Au-delà de la possibilité d’une crise, c’est le modèle appliqué qui est tout à fait critiquable [3].
Le mythe du miracle économique en Inde
Un autre pays qui est présenté comme une réussite, c’est l’Inde. La croissance économique dépasse les 9%, la Bourse de Mumbai/Bombay connaît une progression extraordinaire, des firmes indiennes investissent tant dans les pays les plus industrialisés que dans les pays en développement. A quelques exceptions près, les médias ne rendent pas compte de l’évolution des conditions de vie de la majorité de la population indienne.
Le quotidien indien Hinsdustan Times, dans son édition du 14 octobre 2007, révèle que selon une étude réalisée par une institution gouvernementale, 77% de la population, soit 836 millions d’Indiens, vivent avec moins de 20 roupies par jour (soit moins de 0,5 de dollar). Ce chiffre est très différent des affirmations de la Banque mondiale selon laquelle 300 millions d’Indiens vivraient avec moins de 1 dollar par jour [4]. L’Inde compte un nombre très élevé de working poors. La Commission nationale indienne pour les entreprises du secteur informel (India’s National Commission for Enterprises in the Unorganized Sector) révèle que 320 millions de travailleurs vivent avec moins de 20 roupies par jour [5].
Dans le même article, le quotidien présente les résultats d’une étude sur la faim dans le monde réalisée par l’International Food Policy Research Institute (IFPRI) selon lequel au niveau mondial, 40% des enfants de moins de 5 ans qui souffrent d’insuffisance pondérale vivent en Inde. Du point de vue du combat contre la faim, l’Inde vient derrière d’autres pays d’Asie comme le Pakistan et la Chine.
Sur un classement de 118 pays, Cuba et la Libye se situent dans les premiers tandis que la Chine occupe le 47e rang, le Pakistan le 88e et l’Inde le 94e. Le rapport indique que la situation s’est fortement dégradée au niveau des paysans indiens. Selon d’autres sources, entre 1996 et 2003, plus de 100 000 petits paysans se sont suicidés, la plupart à cause du surendettement. Cela fait un suicide toutes les 45 minutes.
Selon le quotidien indien DNA du 17 septembre 2007, qui rend compte d’une étude gouvernementale, 46% des enfants indiens sont victimes d’une déficience pondérale. A Mumbai, ville de plus de 14 millions d’habitants dont la Bourse des valeurs a atteint des sommets en 2007, 40% des enfants ont un poids insuffisant. Selon DNA, malgré 9 ans de croissance économique soutenue, la faim n’a reculé que de 1% en Inde. Parfaite illustration de la vacuité du trickle down, à savoir le prétendu effet de ruissellement selon lequel l’enrichissement des plus riches a automatiquement des retombées positives pour les pauvres…
Selon Forbes, qui publie un rapport annuel sur les plus riches de la planète, l’Inde est devenue en 2006 le pays asiatique qui compte le plus grand nombre de milliardaires (36 milliardaires qui disposent d’une fortune cumulée de 191 milliards de dollars). L’Inde aurait donc ravi la première place au Japon (24 milliardaires disposant en tout de 64 milliards de dollars). Parmi les 5 personnes les plus riches au monde, figure en 5e position Lakshmi Mittal. Selon des données fournies en octobre 2007 par la presse financière, le milliardaire indien Mukesh Ambani a dépassé Mittal et pourrait disputer la première place (tenue par le Mexicain Carlos Slim) ou la deuxième place (occupée par Bill Gates) du palmarès mondial des milliardaires.
Ces chiffres sont contestés par d’autres sources, puisque selon Newsweek du 12 novembre 2007, il y aurait, en 2007, 106 milliardaires chinois. Les milliardaires chinois seraient donc plus nombreux que leurs homologues indiens et, du coup, l’Inde perdrait la première place. Peu importe ces comptes d’apothicaire, ce qui est certain, c’est que la rapide croissance de l’Inde et de la Chine produit à la fois plus de très riches et davantage de très pauvres.
Notes
[1] Newsweek, 12 novembre 2007.
[2] Ibid.
[3] Pour une présentation critique du modèle chinois, voir Martin Hart-Landsberg – Paul Burkett, China : Entre el Socialismo real y el Capitalismo, Editorial CIM, Caracas, 2007.
[4] Il faut dire que pour arriver à ce chiffre la Banque mondiale calcule en parité de pouvoir d’achat ce qui lui permet d’enjoliver la situation.
[5] Newsweek, 12 novembre 2007.