Confirmant en un certain sens ce que la communauté internationale affirmait pour la première fois en 1992, sous la pression de la banque mondiale et le monde des affaires, à savoir : « Que pour la première fois dans l’histoire de la planète, l’eau soit considérée principalement comme un bien économique, et non plus comme un bien social et collectif. »
En fonction du marché, celui qui a le plus soif paiera le plus cher et fixera le prix au détriment des plus pauvres. Cette opportunité d’un marché nouveau semble prometteuse pour le monde des affaires et se développe insidieusement dans notre monde de consommation irresponsable.
Quels sont les enjeux pour la qualité de notre eau et son accessibilité ?
Extrait publié le 7 décembre 2013 dans le journal La Presse [1] :
Tout en se réjouissant que les élus québécois recommandent l’inversion de son oléoduc 9B pour acheminer du pétrole de l’Ouest aux raffineries de Montréal et Lévis, Enbridge ne garantit pas qu’elle respectera les conditions de Québec. De plus, pour l’instant, Enbridge reste muette sur les 18 conditions posées.
Il ne faut pas s’étonner d’une telle attitude puisque les compagnies n’ont qu’à attendre la fin du « tiraillage » entre le fédéral et le provincial et prendre le fruit quand il sera mûr.
Partout sur la planète on accepte de prendre des risques de contaminer l’eau potable et, plus récemment, avec les procédés de fracturation développés par les compagnies gazières et pétrolières (souvent les mêmes), lesquelles causent des dégâts irréversibles et permanents.
Bien que la technologie semble capable d’un rendement d’extraction de 40%, c’est environ 10% du gaz libéré par la fracturation de la roche mère qui serait présentement exploitable et rentable. Il resterait donc dans le sous-sol au moins 90% de cette réserve de gaz à la fermeture des puits. Les conséquences de cette fracturation ne sont pas sans risques ; on peut craindre qu’en migrant pendant des dizaines, voire des centaines d’années vers la surface, « la soupe chimique » injectée et le méthane libéré risquent « d’infiltrer » les nappes phréatiques, les puits, les lacs et les rivières.
Le Québec est une province riche en eau douce. Quelle sera la qualité de notre eau lorsque les sites d’enfouissement de résidus d’exploitations minières réapparaîtront, favorisés par le réchauffement climatique et le recul des zones gelées ? Nous risquerons de découvrir quelques horreurs de contamination.
La protection de l’accès à l’eau potable du citoyen est-elle menacée par nos propres instances gouvernementales ? Quels sont les gestes, posés aujourd’hui, qui favorisent cette perte de contrôle de notre eau potable ? Que penser du ministre du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs, Yves-François Blanchet, qui a déposé, le 29 mai dernier, un nouveau projet de Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection ?
Selon Richard E. Langelier, docteur en droit (LL.D.) et doctorant en sociologie, [2] :
Il se substitue au Règlement dit de Saint-Bonaventure et à ses diverses variantes, règlement adopté par 70 municipalités québécoises afin de protéger les sources d’eau potable, alors que ce projet de règlement n’offre que des protections bien inférieures à celles prévues dans les règlements municipaux (art. 124, Loi sur la qualité de l’environnement).
Selon le juriste et son groupe d’étude, la distance verticale de 400 mètres entre la base de l’aquifère et les activités de fracturation proposée par ce projet de règlement ministériel, est inférieure aux standards industriels en vigueur et jugés nécessaires par les sociétés pétrolières elles-mêmes.
Ce projet de règlement autorise l’injection sous terre de produits chimiques dont la toxicité et l’interaction avec les chimiques naturellement présents dans la roche sont inconnus. L’injection de 49999 litres de ces produits n’a aucune norme à respecter, puisque n’étant pas considérée comme de la fracturation !!! [2]
Le tout, sur une distance horizontale de 300 mètres des sources d’eau des résidents, sans tenir compte de la variété des milieux, des sources et des bassins versants qui drainent l’eau de pluie vers les rivières ou les nappes phréatiques et alimentent en eau potable les municipalités. Ces dernières perdent ainsi leur pouvoir de dire non à une compagnie qui viendrait s’implanter sur son territoire et aurait plein pouvoir pour forer, puiser et polluer.
Plus de cent (100) comités de citoyens se sont impliqués et mobilisés pour faire entendre leur voix, leurs inquiétudes et dénoncer ce qui leur semble dangereux pour l’avenir de leurs communautés, de leurs enfants et petits-enfants. Soixante-dix (70) municipalités ont adopté le règlement sur la protection de leurs sources d’eau potable. Toutes semblent être ignorées par le ministre Blanchet et son gouvernement.
Favoriser ainsi la pollution, limiter les pouvoirs des municipalités donc des citoyens à protéger la qualité de leur eau semble s’inscrire dans cet objectif d’intérêt privé au détriment du bien public.
Le privé est-il en train d’accaparer un nouveau marché aussi lucratif que l’a été le pétrole ?
NotesÉ
[1] http://www.lapresse.ca/actualites/environnement/201312/07/01-4718709-enbridge-ne-garantit-pas-quelle-respectera-les-conditions-de-quebec.php
[2] Argumentaire à l’intention des organisations municipales et des groupes de citoyens et citoyennes. Richard E. Langelier Docteur en droit (LL.D.) Doctorant en sociologie
Victoriaville, le 10 février 2014
Alain Guillon
Membre du comité citoyen sur les gaz de schiste de Victoriaville