Source : La revue de l’Afrique
C’est une première depuis 25 ans. Les autorités éthiopiennes ont décrété l’état d’urgence, face aux manifestations anti-gouvernementales qui ont essaimé dans tout le pays. « L’état d’urgence est vital. Et essentiel pour restaurer la paix et la stabilité à court terme », a justifié samedi le Premier ministre Haile Mariam Dessalegn lors d’une allocution télévisée. L’état d’urgence, avec effet immédiat, a été instauré pour une période de six mois – soit la période la plus longue possible, selon la Constitution. Il peut éventuellement être prorogé tous les quatre mois à condition de recevoir l’assentiment des deux tiers du Conseil des représentants du peuple, le parlement éthiopien.
Ce sont les protestations menées par les membres des deux plus grandes ethnies du pays, les Oromo et les Amhara, qui sont à la source de cette décision du gouvernement, dirigé par le Le Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (FDRPE). A la direction du pays depuis 1991, il n’avait jamais été confronté jusqu’à aujourd’hui à des manifestations d’ampleur aussi importante. Enclenchées au mois de novembre 2015, ces protestations se sont intensifiées la semaine dernière, à l’occasion de la célébration religieuse d’Irreecha du peuple Oromo : le cortège pacifique s’était mué en revendications, réprimées à coups de gaz lacrymogène par la police. La bousculade géante qui s’ensuivit a causé la mort de 55 personnes, selon le dernier bilan officiel, portant le nombre total des victimes depuis novembre 2015 à près de 500.
Depuis Irreecha, des manifestants ont pris pour cibles, pêle-mêle, des entreprises étrangères, des voitures, des fermes agricoles et des propriétés d’Etat. Les routes menant à la capitale Addis-Abeba ont été bloquées et une ressortissante américaine a été tuée dans sa voiture mitraillée par les jets de pierre. Le but de ce déchaînement contestataire, dans un pays réputé épargné par les démonstrations de violence ? Dénoncer le discours officiel sur le boom économique que connaîtrait l’Ethiopie, à la base de sa légitimité.
L’état d’urgence s’accompagnera certainement de couvre-feu, au moins dans les régions les plus touchées par l’instabilité, selon les médias locaux. Une situation exceptionnelle qui autorise légalement le Premier ministre à placer sous ses ordres l’ensemble des forces de sécurité du pays. « Notre priorité est la sécurité des citoyens », a martelé samedi Haile Mariam Dessalegn. « Et nous voulons mettre fin aux dommages causés à notre infrastructure, aux établissements éducatifs, aux centres de soins et aux édifices publics », a-t-il ajouté. Le bras de fer est engagé, et il ne fait que commencer.
Isabelle Maya : Togolaise et journaliste de formation, Isabelle Maya couvre aussi bien l’actualité de son pays que les événements au Ghana, au Bénin, au Niger et au Nigéria voisins. Au fait de toute l’actualité culturelle, mais également sportive de la région, Isabelle a rejoint l’équipe de la Revue de l’Afrique en 2014. Outre la culture et les sports, Isabelle Maya relate les informations politiques, économiques et sociétales d’Afrique de l’Ouest.