Tiré du blogue de l’autrice.
Alors que le pays doit beaucoup aux étrangers venus travailler dans ses mines ou ses champs, une vague xénophobe, qui a commencé en 2008, a repris de la vigueur sous l’influence d’activistes qui prétendent chasser les étrangers du pays. Operation Dudula, qui regroupe des « vetérans » et des militants du RET (Radical Economic Transformation ) est une nébuleuse populiste aux contours flous mais qui adopte des méthodes maffieuses en rançonnant les commerçants étrangers au prétexte de leur accorder le droit d’ouvrir leurs boutiques ou en fabricant de faux papiers officiels exigeant la fermeture du commerce. Des étrangers, souvent des femmes, qui sont installées en Afrique du Sud depuis des années vivent dans la peur de voir leurs boutiques dévastées et de devoir faire leurs bagages au plus vite.
Actifs pendant les émeutes de Durban en juillet 2021, ces activistes ont pris pour cible les Zimbabwéens qui devront quitter le pays à la fin juin à l’expiration de leur permis de séjour ZEP (Zimbabweans Exemption Permit). Cette mesure va toucher 180 000 personnes qui pour la plupart résident et travaillent en Afrique du Sud depuis des décennies et qui n’auront pour seul choix que de retourner dans un pays exsangue ou de vivre illégalement en Afrique du Sud. Le Zimbabwe connait une crise économique depuis des années et toute tentative de protestation contre un régime aussi autoritaire que celui de l’ancien Président Mugabe est sévèrement réprimé. Un professeur de lycée gagne, quand il est payé, environ 3.600 rands par mois, soit moins qu’un ouvrier agricole dans la province du Cap oriental qui gagne 4000 rands par mois quand il travaille à plein temps. « C’est un fait que la vie au Zimbabwe se détériore chaque jour. Les prix des produits de base augmentent sans cesse et seuls quelques personnes peuvent les acheter. Beaucoup de gens fuyaient dans les pays voisins comme le Botswana ou l’Afrique du Sud mais ces pays ont rendu plus difficile l’obtention d’un permis de travail » témoigne un professeur zimbabwéen venu gagner un peu d’argent pendant quelques mois comme ouvrier agricole dans une ferme sud-africaine.
Les attaques ciblées contre les citoyens du Zimbabwe par Operation Dudula ont pris une tournure particulièrement détestable devant l’hôpital de Kalafong en organisant des barrages à l’entrée du bâtiment en exigeant que les patients présentent leur carte d’identité et en repoussant sans ménagement ceux qu’ils estiment être des immigrants illégaux à la seule couleur de leur peau ou à leur langue. Cette manifestation d’hostilité envers les étrangers accuser d’utiliser et d’encombrer les hôpitaux sud-africains a fait suite à des remarques xénophobes tenues par la responsable de la santé de la province du Limpopo. Le Ministre de la santé a bien condamné ces propos, mais le mal est fait et cette ambiance raciste et xénophobe imbibe une grande partie de la société sud-africaine, en particulier les plus pauvres qui ont du mal à joindre les deux bouts et voient les services publics se détériorer de jour en jour.
La majorité des détenteurs d’un ZEP sont de simples travailleurs : domestiques, ouvriers du bâtiment, chauffeurs uberisés, etc dont certains sont là depuis une dizaine d’années et qui ont entre 40 et 50 ans , pour eux le retour au pays serait un cauchemar, mais les textes de lois concernant l’immigration ne sont pas très clairs et les nouveaux partis populistes, Action SA et Patriotic Alliance ouvertement anti -immigration, surfent sur leur interprétation et sont prêts à en découdre devant la Cour constitutionnelle.
Ces parties qui ont fait campagne sur le thème « débarrassons-nous des étrangers » « Etrangers dehors » sont prêts à s’allier aux groupes les plus virulents de Operation Dudula ou Put South Africans First, car selon Kenny Kunene, secrétaire général du Patriotic Alliance uj« Ce ne sont pas des groupes anti-immigrants… juste des groupes contre l’immigration illégale ». La menace sur les étrangers est bien réelle et Operation Dudula est prêt à faire du 31 décembre « la journée nationale du sjambok », allusion au fouet utilisé par la police de l’apartheid pour disperser les manifestations.
Alors que la constitution dans son préambule précise que « l’Afrique du Sud appartient à tous ceux qui vivent », la définition étriquée de la citoyenneté sud-africaine soutenue par les partis populistes pose la question plus vaste de l’identité. Dans un pays dont la population présente de multiples couleurs de peau, d’ethnies, de religions, un pays confronté à une grave crise économique et démocratique la question peut vite devenir un brûlot.
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