Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/10/10/iran-a-propos-du-dernier-livre-de-chowra-makaremi-femme-vie-liberte-echos-dun-soulevement-revolutionnaire-en-iran-la-decouvert/
Née peu de temps après l’instauration de la République islamique, Chowra Makaremi est simultanément :
* sociologue au CNRS, où elle travaille depuis plus d’une dizaine d’années sur la société iranienne contemporaine,
* fille d’opposantEs politiques persécutéEs sous le Chah, puis sous les Mollahs,
* féministe, anti-raciste et internationaliste,
* solidaire de longue date des mobilisations populaires en Iran et dans le monde.
C’est donc tout naturellement que, dès le 16 septembre 2022, elle s’est enthousiasmée pour le soulèvement iranien.
Pour le vivre au jour le jour, Chowra a contourné l’impossibilité pour elle d’être sur le terrain par une immersion à distance au sein des innombrables échanges ayant lieu en Iran sur les réseaux sociaux.
Ce type de suivi à distance explique en partie pourquoi ce livre se présente sous la forme de 45 chroniques quotidiennes s’étalant entre le 15 septembre 2022 et le 11 février 2023.
Chaque chronique inclut une présentation des racines historiques profondes des évènements présentés. En ce qui concerne le passé, Chowra s’appuie notamment sur des souvenirs lointains de sa petite enfance, d’éléments provenant de son entourage familial [1], de propos tenus par de multiples témoins directs rencontrés dans le cadre de son travail de recherche, et bien entendu ses écrits antérieurs
Cinq chroniques présentées ci-dessous permettent de mieux comprendre comment ce livre est construit.
2 octobre :
Cette journée internationale de solidarité ayant été initiée par des féministes actives en Iran dans les années 2000, cette chronique inclut tout naturellement une petite histoire du féminisme iranien.
3 octobre :
L’attaque d’une université de Téhéran par des milices islamique est dans la droite ligne de la répression des mobilisations étudiantes de 1999. D’où un retour sur celles-ci qui avaient constitué le premier grand soulèvement de masse contre la République Islamique.
Leur répression sanglante avait par ailleurs constitué la première trahison de l’aile « réformiste » du régime : celle-ci avait condamné les mobilisations et laissé les étudiantEs se faire massacrer. Le même phénomène s’était ensuite répété lors des manifestations de 2009.
Ces deux évènements expliquent en grande partie pourquoi le mouvement actuel ne croit plus à la possibilité de réformer le régime, et se bat au contraire pour son renversement.
14 octobre :
« Depuis le début du soulèvement, la « deuxième phase » attendue est celle de la grève. En 1978, ce furent les grèves générales dans tout le pays, et particulièrement dans le secteur essentiel du pétrole, qui avaient « cassé le dos » du régime du Shah. »
Mais cet espoir de blocage du pays a été déçu pour des causes convergentes, dont des dizaines d’années d’extrême répression du monde du travail et la généralisation néolibérale des embauches à la journée.
17 octobre :
Cette journée est le quarantième anniversaire de l’exécution en prison d’une des tantes de Chowra. Six ans plus tard, la mère de Chowra avait connu le même sort. Ces douloureux évènements familiaux sont resitués dans le cadre des massacres de masse d’oppositionnels dans les années 1980.
29 novembre :
Des milliers d’Iraniens assistant au Quatar à la coupe du monde de football sifflent leur équipe nationale dont ils considèrent la présence comme une trahison. Ce geste symbolise l’actuel refus massif de s’identifier à la République islamique. Ce refus se situe aux antipodes du positionnement qui s’était imposé en 1980-1988 à la faveur de la guerre Iran-Irak.
Certains thèmes sont abordés de façon récurrente dans plusieurs chroniques. C’est par exemple celui de l’écroulement du mythe suivant lequel la République islamique serait un régime anti-impérialiste. [2]
En janvier 2020, cette fable gardait encore une certaine crédibilité : de nombreux iraniens avaient alors rendu un hommage appuyé au général Soleimani, un dirigeant historique des Gardiens de la révolution (Pasdaran), qui venait d’être tué par un drone états-unien.
Aujourd’hui, Soleimani est traité par la rue iranienne pour ce qu’il est réellement : un bourreau de la population iranienne (et particulièrement ses minorités nationales), ainsi que des peuples de la région : sa photo est pour cette raison brûlée dans la rue au même titre que celle du Guide suprême.
Alain Baron
Notes :
[1]. dont notamment le texte rédigé par un des ses grand-pères et commenté par Chowra, qui vient fort opportunément d’être republié – « Le cahier d’Aziz » (Folio)
[2]. Cette fable a été reprise à son compte par une grande partie de l’aile « campiste » de la gauche internationale, dont le credo est le fameux « les ennemis de mes ennemis sont mes amis » (même si ce sont des tortionnaires).
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article68137
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