Édition du 17 décembre 2024

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Incendies : Au Canada, des scientifiques luttent contre le feu de la désinformation

Les climatosceptiques canadiens accusent les écologistes et les autorités d’avoir allumé les feux qui ravagent le pays. Des scientifiques tentent de contrer ce discours.

Tiré de Reporterre.

« Je gage qu’une bonne partie des feux de forêt ont été allumés par des terroristes verts pour donner un coup de pouce à leur campagne de changements climatiques. » Un troll ? Pas n’importe lequel : l’ancien ministre des Affaires étrangères du Canada Maxime Bernier, suivi par près de 250 000 personnes sur Twitter. Qui dit mieux ? Une vidéo, vue des dizaines de milliers de fois sur Tiktok et démystifiée par Radio-Canada, montre un avion projeter des flammes sur une forêt. On peut y lire : « Vous vous demandez pourquoi il y autant de feux partout au Canada et au Québec ? Cherchez pas plus loin, la réponse est là (…) Ils font exprès ! » Ces images sont en fait issues d’un incendie maîtrisé, une technique souvent utilisée pour brûler une zone définie au préalable, généralement contenue par des coupe-feux. Des comptes, bien organisés, relaient en permanence ce genre de publications.

Tout ça, c’en était trop pour Yan Boulanger, chercheur en écologie forestière au ministère des Ressources naturelles du Canada. Alors qu’il entend à la radio des propos remettant en cause le lien entre les incendies actuelles et le réchauffement climatique, il interpelle la station sur Twitter et se lance dans une longue enfilade (thread) éclairante : un résumé en 24 tweets de l’état de la science sur la question.

S’attirer les foudres des trolls

Il y dit notamment que pour chaque degré d’augmentation de la température dans la forêt boréale, la taille des feux triple. « Ce sont des collègues qui l’ont démontré. Ils ont étudié ces données paléoécologiques, sur des milliers d’années, en observant notamment les changements climatiques depuis la dernière glaciation », explique-t-il à Reporterre. Il rappelle également que la saison d’incendies au Québec s’est allongée entre deux semaines et un mois sur les trente dernières années. « Je comprends le scepticisme. Entre 1500 et 1850, il y avait davantage de feux, mais ça ne veut pas dire que le réchauffement n’a pas d’effet. À l’époque, c’était beaucoup plus sec, il y avait moins de précipitations. »

Enfin, il cite une étude montrant que l’intense saison d’incendies vécue par la Colombie-Britannique en 2017 était à 90 % attribuable aux changements climatiques. « C’est intéressant. Parce que, souvent, on nous demande : “Est-ce que ce feu est causé par le changement climatique ?” C’est pas ça, la question, c’est : “Est-ce que la probabilité que cet incendie survienne augmente avec le réchauffement.”La réponse est oui. »

Face aux risques de s’attirer les foudres des trolls, beaucoup de scientifiques délaissent les réseaux sociaux. Pourquoi Yan Boulanger s’est-il lancé là-dedans ? « Je pense que c’était facile de débunker certains des éléments mentionnés », dit-il à Reporterre. Pour lui, le fait que le Québec n’aie pas connu dernièrement de grands feux comme ceux qui font rage actuellement a favorisé les thèses complotistes. « Les feux n’étaient pas oubliés, mais ça fait longtemps que ce n’est pas arrivé ici. Certains n’ont pas eu le temps de s’informer. Il fallait profiter de la situation pour rappeler la science. » Pour l’instant, il ressort de ce combat numérique sans ecchymose : « Depuis que j’ai fait cette enfilade (thread), j’ai surtout eu des bons mots. Je ne dis pas que ça a eu des effets positifs sur les auditeurs de cette radio-ci, mais ça a donné de la visibilité aux faits. Je pensais que j’aurais droit à une déferlante de complotistes. Mais non. J’ai peut-être bloqué les bonnes personnes, aussi. Je touche du bois… brûlé ! »

L’équivalent de la Suisse partie en fumée

Depuis le début de l’année, près de 4,5 millions d’hectares, la superficie de la Suisse, ont brûlé au Canada. Le changement climatique a rendu la saison des feux plus précoce. Le 9 juin, dans la seule province de Québec, 137 feux étaient actifs, dont 92 jugés hors de contrôle. Les fumées ont recouvert une grande partie de l’Amérique du Nord, rendant l’air irrespirable, comme à New York.

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