Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Féminisme

Hypersexualisation, érotisation et pornographie chez les jeunes

Nombril à l’air, mini-débardeurs, string dépassant de leur jean taille basse, elles ont sept, neuf, douze ou quatorze ans. Proies idéales des marchands de la mode, elles apprennent à séduire par la mise en valeur sexuelle de leur être. Elles se transforment ou sont transformées en nymphettes et en mini-femmes fatales. Les parents sont dépassés ou complices. Les marques de vêtements accentuent cette érotisation.

Tiré de Entre les lignes, entre les mots.

Les jeunes filles disposent aujourd’hui de magasins et de marques spécialisés (Jennyfer, Tammy by Etam, NoBoys, pour les plus courantes, Lulu Castagnette ou Miss LM pour les plus « lolitesques »). De nouvelles lignes XXS mettent en avant les attributs encore inexistants des fillettes. Elles sont transformées en objet de désir, alors qu’elles n’ont pas encore les moyens d’être sujets de désir. Elles deviennent prisonnières du regard de l’autre pour exister. Les fillettes s’exposent et se forgent une idée de la sexualité et de l’amour centrée sur le sexe et la consommation. Les adultes qui abhorrent les pédophiles donnent pourtant à voir leurs enfants comme des objets sexuels. Les enfants érotisés, qui risquent de devenir des enfants consommables, des enfants marchandises sexuelles, sont également des consommateurs de pornographie.

Ces tendances sociales commencent à effrayer. Les réactions se multiplient. On se préoccupe de la sexualisation précoce des fillettes et s’inquiète de plus en plus de l’influence de la pornographie sur les jeunes et le développement de leur sexualité. Les chercheurs aux prises avec des enfants ayant des comportements sexuels d’adulte commencent à développer des programmes d’intervention pour leur venir en aide. Mélanie M. Gagnon, doctorante au département de psychologie de l’Université de Montréal, qui participe à la mise sur pied d’un tel programme en Outaouais, explique : « Dans les cours d’écoles, des enfants âgés de six à douze ans procèdent à des attouchements sexuels sur d’autres garçons et filles. Ces attouchements vont jusqu’à la sodomie. »

La pornographisation

Des magazines à la publicité, de la télévision à Internet, des films aux images fixes, la société actuelle subit un « vacarme sexuel » assourdissant ainsi qu’une banalisation de la pornographie et du sexe-marchandise1. Nous sommes dans une ère de perpétuelle provocation érotique, d’une sollicitation sexuelle permanente. L’époque n’est plus à la suggestion, mais plutôt à l’exhibition et à l’ordonnance de normes à suivre. Pour être bien dans sa peau et dans sa vie, pour être in et échapper à la ringardise, qui semble menacer tout un chacun et qui est l’une des grandes hantises des jeunes et des moins jeunes, il faut adopter de nouvelles pratiques sexuelles et consommer les produits de l’industrie du sexe : films, gadgets sexuels, etc. Il faut oser tout essayer et apprendre à aimer la sodomie, l’éjaculation faciale, la double ou triple pénétration, le triolisme, l’échangisme, etc.

Même les magazines pour femmes et pour adolescentes multiplient les dossiers racoleurs et les conseils prosélytes : « Poser nu, pourquoi pas vous ? », « Poser pour Playboy, oui c’est possible » (Le Mag des castings, juillet-août 2005), « Fantasmes, tabous, j’ose tout » (Bien dans ma vie !, été 2005), « Faut qu’ça fesse ! » (Femme d’aujourd’hui, été 2005). Les informations sur l’art de pratiquer la sodomie, la fellation, etc., et les tests du type « Quelle bête de sexe êtes-vous ? » ou encore « Êtes-vous une véritable braise ou un vrai glaçon ?2 » sont désormais légion. Se multiplient les reportages complaisants sur les stars pornographiques, les personnes prostituées heureuses de l’être et les industries du sexe. Les gadgets vendus dans les sex-shops sont testés et cotés par des magazines féminins et font l’objet d’une promotion accrocheuse.

Les médias véhiculent un message sur la sexualité qui est loin d’être subtil. En substance, il dit ceci : presque tout le monde a une vie sexuelle fascinante et variée, sauf vous. Adoptez d’autres positions sexuelles, apprenez à aimer les actes sexuels vus dans la pornographie, amusez-vous avec les gadgets sexuels, vous connaîtrez l’épanouissement sexuel et, par conséquent, l’épanouissement personnel.

Sur la toile, le sexe est envahissant : environ 70% du contenu du Web concerne le sexe ou est lié au sexe. Les sites pornographiques y sont de plus en plus nombreux. Si l’on en croit une étude menée en 2004 par la N2H2, une société américaine spécialisée dans le filtrage de contenus sur le réseau, le nombre de pages pornographiques sur le Web est estimé à 260 millions, soit 1 800 fois de plus que cinq ans plus tôt. L’industrie du divertissement pour adultes génère plus de 10% de tout le trafic Internet dans le monde, soit quelque 3 à 5 milliards de dollars de chiffre d’affaires par an, et 25% de la recherche en ligne concernent des sites au contenu pornographique.

Ce qui est nouveau depuis les années quatre-vingt-dix, c’est la « pornographisation », c’est-à-dire le recyclage d’archétypes pornographiques dans la publicité, la littérature, la télévision, la presse écrite, la mode, les comportements sexuels, les fantasmes sexuels, etc.

La pornographie, qui est une industrie massivement diffusée, s’ébat, avec succès, hors de son ghetto, en proposant ses normes sexuelles. Aussi, des magazines comme Vingt ans en France (dont le lectorat a en réalité seize ans), font écho à l’imagerie pornographique et la normalisent incroyablement. Un test dudit magazine range dans trois catégories les lectrices : « 1° La super extra-salope : « C’est bien, tu vas peut-être un peu loin, mais tu as de l’humour » ; 2° La salope normale : « Tu es fille de ton temps, moderne, c’est bien : tu as des aventures et un peu de sentiment, mais tu ne te laisserais pas avoir par ton mec s’il faisait la même chose » ; 3° La ringarde, le dinosaure présoixante-huitard. » La journaliste du magazine féminin donne ses conseils. Si la jeune fille n’entre pas dans les deux premières catégories majoritaires, c’est qu’elle est coincée. Ce prosélytisme rudimentaire – car c’est de cela qu’il s’agit – est basé sur l’ordonnance de nouvelles normes à suivre, lesdites normes étant étroitement liées à l’imagerie pornographique.

Au Québec, le magazine Adorable, dont le public est constitué d’adolescentes, joue dans le même créneau. En 2002, ce magazine avait dû retirer des kiosques son Guide 100% sexe (99 trucs coquins) pour pornographie « excessive », une « erreur de jugement », selon la direction du magazine. Il n’en poursuit pas moins sa campagne de normalisation pornographique. En octobre 2004, ce magazine « inspirant, glamour et tendance », qui bénéficie de subventions du gouvernement fédéral, notamment du Programme d’aide aux publications et du Fonds du Canada pour les magazines, présentent ses « idées sexy ». Il est proposé : « 1° Exhibez-vous dans Internet ! Pour celles d’entre vous qui ont une légère tendance exhibitionniste […] le Web offre un thrill anonyme. 2° Instruisez-vous ! Lisez des histoires érotiques ou carrément débridées comme les romans du Marquis de Sade. En plus de vous stimuler […] elles vous apporteront ce petit plus que certaines ont et que d’autres n’ont pas. 3° Visitez un sex-shop… » En encadré, les lectrices apprennent qu’il est « tout à fait normal […] de vous habiller supersexy, de porter des talons hauts au lit, de faire l’amour les yeux bandés ». Un autre encadré intitulé « Quelques ajouts coquins dans vos ébats de couple » suggère « des fichus de soie pour lui attacher les mains et les pieds au lit ; des menottes ; un vibrateur mauve à tête de castor grignoteur […] un ou une bel(le) inconnu(e) juste pour un soir ; un fouet ou un masque de cuir ».

Dans un autre article de la même livraison sur le « Féminisme vs pornographie, où en sommes-nous ? », la journaliste fait la promotion du « travail du sexe », de la pornographie, et donne la parole à un « directeur de casting de films porno », de la compagnie Productions Eromodel, qui explique que « les femmes sont ici pour leur bon plaisir et pour l’argent, bien entendu ». La livraison de juillet 2005 d’Adorable fait encore une fois l’éloge des gadgets sexuels trouvés en sex-shop, comme le Hustler Taboo (sangles pour attacher sa/son partenaire), de l’émission Hot-Parade, « une fiesta mensuelle pour adultes où on présente tout ce qui est hot et sexy sur la planète », propose une histoire du X et conseille le sexe express, accompagné d’« une panoplie de jouets sexuels ».

Il s’agit non seulement de « booster son plaisir » (Bien dans ma vie ! été 2005) et de croire que tout ce qui est pornographique est hot, mais surtout de réguler la sexualité féminine autour de l’idée de la performance sexuelle. Les femmes et les adolescentes doivent absolument vivre une sexualité épanouie3. Cette dernière exige à la fois une connaissance technique du corps, sa mise en condition (si ce n’est sa transformation) et l’adoption de pratiques pornographiques : « Utilisez les sexy toys ! » (Isa, juillet 2003), « Et si je lui faisais un strip-tease ? » (Bien dans ma vie ! , été 2005), « Sodomie 1014 : Passer par la porte d’en arrière », suivent les conseils pratiques : « Primo, s’ouvrir l’esprit ; Deuxio, s’ouvrir le corps… » (Femmes d’aujourd’hui, été 2005).

« La place accordée aux rubriques ayant explicitement l’activité sexuelle pour sujet dans la presse féminine […] et l’exposé fréquent des normes destinées à réguler cette activité tendent ainsi à poser un impératif érotique5 ». Celles qui n’embarquent pas sont coincées, elles sont simplement out, et finissent par se sentir coupables de ne pas fonctionner selon les normes promues. La sexualité est aussi omniprésente dans la plupart des magazines pour les adolescentes. « Elle est souvent suggérée aux ados comme moyen d’obtenir autre chose6. »

L’hypersexualisation des jeunes filles va de pair avec la pornographisation des codes sociaux. La pornographie modélise les conduites sexuelles, et au-delà du sexe, les comportements des femmes et des hommes. Elle fait la promotion de certaines pratiques sexuelles et donne à voir ce qui serait l’essence même du féminin et du masculin.

La pornographie affecte la culture en profondeur. Elle est à ce point importante qu’elle est, pour un nombre important de personnes, le lieu principal d’éducation sexuelle, du moins si l’on se fie à un sondage mené par le Kinsey Institute en 2004. Ce sondage révèle que 86% des répondants croient que la pornographie peut éduquer les gens et 68% pensent qu’elle permet une attitude plus ouverte sur la sexualité, y compris sa propre sexualité. Plusieurs hommes, particulièrement les plus jeunes, pensent que la pornographie permet de savoir ce que les femmes désirent et espèrent d’un rapport sexuel7. À ce niveau, notre pré-enquête auprès d’étudiant-es universitaires corrobore ces données8 :

La majorité des répondant-es (hommes ou femmes) croient que les images pornographiques peuvent influencer leur sexualité. On y retrouve une proportion légèrement plus élevée de garçons que de filles (68,2% contre 53,8%) en accord avec cet énoncé.

Nous observons encore une fois qu’une majorité de répondant-es affirment que les images pornographiques peuvent inspirer leur vie sexuelle et leurs désirs ou fantasmes. Ici, une proportion légèrement plus élevée de filles que de garçons sont en accord avec ces énoncés. Sans doute est-ce là un effet de l’influence de la pornographisation sur les perceptions des jeunes face à leur vie sexuelle, et… sur leurs pratiques.

La pornographie infantilise les femmes et féminise les enfants.

Cette affirmation est au cœur même de la dynamique pornographique et de l’hypersexualisation des jeunes filles.

Une des techniques d’infantilisation (qui est apparue à la fin des années quatre-vingt) utilisée par la pornographie est l’épilation totale du pubis (acomoclitisme), comme si la femme mise en scène était d’âge prépubère. Cette technique a également pour fonction de mieux montrer les parties génitales, car la pornographie vise une « extrême visibilité »9. Aujourd’hui, chez bon nombre de mes étudiantes de deuxième année universitaire, il est normal d’épiler le pubis. Pour des raisons d’hygiène, prétendent certaines, comme si le corps naturel de la femme était « sale ». Ce préjugé ne tombe pas du ciel, il suffit de regarder le nombre de publicités qui enjoignent les femmes de se laver, de se parfumer, de se « déodorer », de s’épiler, de tarir tout fluide émanant de leur corps, etc.

Hier synonyme de sexualité chez les femmes, le poil pubien est désormais anti-érotique. Comme si la femme ne devait pas être une femme, mais se devait de rester fillette. De nos jours, les poils pubiens sont associés à la souillure, aux mauvaises odeurs. Le sexe glabre (ou presque) est une norme10. En mai 1994, le magazine Vingt ans donnait déjà ses instructions pour l’épilation à la jeune fille qui, venant à peine d’achever sa puberté, se retrouvait à traquer ses poils pubiens.

Dans notre enquête, nous avons posé des questions sur les pratiques épilatoires. Les résultats sont très intéressants.

La presque totalité des filles s’épilent le dessous des bras et les jambes, et 3 filles sur 4 s’épilent les parties génitales. Quant aux garçons, plus de la moitié d’entre eux s’épilent les parties génitales. Ces résultats démontrent que la consommation de la pornographie par les jeunes influence leur perception du corps (ce qui est esthétique ou non et ce qui est sain ou non) et interfère sur leur rapport au corps.

Les données illustrent la divergence d’opinion concernant l’épilation des parties génitales. Nous avons demandé aux étudiant-e-s si les filles et les garçons doivent s’épiler les parties génitales. Nous avons observé les plus grandes divergences d’opinion chez nos répondantes féminines. En fait, près de 60% d’entre elles croient que les filles devraient s’épiler en partie ou totalement les parties génitales. Lorsque nous leur demandons si les garçons doivent faire de même, la proportion diminue à 45%. Plus nombreuses sont les filles par rapport aux garçons qui s’opposent à l’épilation partielle ou totale des parties génitales chez les filles et chez les garçons.

Pour la Dre Franziska Baltzer, l’acomoclitisme est plus qu’à la mode, elle est la règle : « [À] la clinique, lorsque nous procédons à un examen gynécologique, nous sommes surpris lorsqu’une fille a encore du poil pubien ! C’est l’exception ! Ce phénomène date d’environ 3 ans. Il est apparu subitement et maintenant, tout le monde le fait. Aujourd’hui, il y a des filles qui se rasent le poil pubien aussitôt qu’il apparaît. Cette semaine, par exemple, j’ai vu une fille de 12 ans qui avait son poil pubien rasé. Il y en avait une autre, il y a environ 2 ou 3 semaines, qui avait dix ans et elle était rasée. Ce sont les mères qui amènent leurs filles pour se faire raser le poil pubien. La fille de 10 ou 12 ans ne sait certainement pas où aller […] pour ce type d’épilation11. »

Dans la pornographie actuelle, un pubis non épilé fait partie des bizarreries, au même titre que la zoophilie et l’ondinisme. Sur les sites pornographiques, cette catégorie est nommée « Hairy » en anglais et « Poilues » ou « Hirsutes » en français. Les marchands de pornographie constatent que les « cassettes de femmes poilues ne se vendent plus »12.

L’amplification de la conscience du corps

Comme les danseuses nues du début des années quatre-vingt, les jeunes femmes d’aujourd’hui se font tatouer, percer, gonfler les seins et les lèvres de la bouche et, pour quelques-unes, supprimer les grandes lèvres du vagin (nymphoplastie).

Aux États-Unis, 30% des étudiantes ont le nombril percé. Aujourd’hui en France, on n’hésite plus à confier son nombril au bistouri : les opérations de plastie abdominale (12% des interventions) arrivent avant le lifting du visage (10%) et la correction du nez (8%), selon les Annales de la chirurgie plastique esthétique.

On estime que près de 4 000 augmentations du volume mammaire sont pratiquées annuellement au Québec. La RAMQ, pour sa part, reçoit entre 2 000 et 3 000 demandes par année. En 1999 aux États-Unis, 192 000 interventions pour des implants mammaires ont été pratiquées sur des femmes, soit 20% de toutes les interventions de chirurgie esthétique. Et, selon la Société américaine des chirurgiens plasticiens, entre 1992 et 1999, les implants mammaires ont augmenté de 413%. En 2003, sur un total de 8, millions d’interventions esthétiques (une augmentation de 293% par rapport à 1997), 7,2 millions ont été effectuées sur des femmes (87%). Selon l’American Society for Aesthetic Plastic Surgery (ASAPS), 220 000 personnes de moins de 18 ans auraient eu recours à la chirurgie plastique, soit une augmentation de 75 000 depuis l’an 2000. Les jeunes filles de moins de 1 ans optent principalement pour l’augmentation mammaire et les injections de Botox. Comme si les normes pornographiques leur pénétraient littéralement la peau.

Consommation

Selon l’enquête de Marzano et de Rozier13, qui ont interrogé 300 adolescent-es français-es, 58% des garçons et 45% des filles ont vu leurs premières images pornographiques entre 8 et 13 ans ; 58% des garçons et 42% des filles de leur échantillon estiment que leur sexualité est influencée par la pornographie.

Notre enquête révèle que l’âge de la première consommation de porno est de 12 ans pour les filles et de 13 ans pour les garçons. Mais les jeunes ont pris connaissance de l’existence du porno à 10 ans pour les filles et à 12,5 ans pour les garçons. La majorité a consommé via 1° la télévision (75% des répondant-es), 2° Internet (50% des répondant-es), 3° ami(e)s (14% des répondant-es).

Toutefois, selon Réseau Éducation-Médias, plus de la moitié des jeunes Canadien-nes disent avoir tombé par hasard, en 2004, sur des sites pornographiques en se servant d’un moteur de recherche, lors d’une erreur de frappe, en tapant l’adresse d’un site, en cliquant sur un lien dans un courriel, une messagerie instantanée ou un bavardoir (chat room) ou en utilisant les logiciels de partage de fichiers qui véhiculent beaucoup d’images et de vidéos pornographiques facilement accessibles.

Dans notre pré-enquête, il semble y avoir un lien étroit entre l’âge de la prise de conscience de l’existence de la pornographie et sa consommation avec l’amplification de la conscience du corps mentionnée plus haut : plus l’âge est jeune, plus la proportion de répondants ayant un tatou ou un percing est élevé.

Que nous disent ces résultats ? Plus l’âge de la consommation de la pornographie est précoce, plus le corps sera transformé et emblématisé. Certes, notre enquête n’a pas de prétention scientifique, mais elle peut tout de même nous donner une piste intéressante pour une analyse plus approfondie de la question, surtout si elle se traduit dans une enquête nationale représentative de la population.

Conclusion

Sans prétendre que la pornographie modélise complètement leur sexualité, imaginer après cela que les enfants ne sont pas influencés par cette industrie relève de l’aveuglement. D’autant plus qu’aux stéréotypes sexuels véhiculés par la pornographie s’ajoute la pression médiatique qui normalise la pratique pornographique, qui hypersexualise les comportements et les corps, avant tout féminins, et qui féminise les enfants. On consomme de la pornographie de plus en plus jeune et ses codes physiques et sexuels se banalisent.

Les codes pornographiques et l’air du temps apprennent aux jeunes femmes et aux fillettes que leur corps doit nécessairement être transformé, mis en valeur, sexualisé, pour plaire et séduire, sinon leur valeur est faible ou nulle. Les jeunes hommes commencent aussi à subir des pressions pour transformer leur corps, mais ces pressions ne vont pas aussi loin que celles éprouvées par les filles (chirurgie plastique, gonflement des lèvres, etc.).

Les tendances actuelles de la mode, le discours des magazines féminins ainsi que la banalisation généralisées des industries du sexe agissent tous à leur façon sur la sexualisation des jeunes filles selon les codes pornographiques.

L’hypersexualisation, qui semble être à la fois leur avenir et l’étalon de leur réussite de séductrice, est également leur prison, leur nécessaire soumission aux désirs d’autrui, aux désirs masculins.

À moins que les résistances s’organisent.

Richard Poulin et Amélie Laprade

Ce texte a été initialement publié sur le site Sysiphe le 3 mars 2006 et remis en ligne 17 août 2017

http://sisyphe.org/spip.php?article2268

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