3 août 2021 | tiré de Viento sur
La morosité sociale accumulée a été relancée par la destitution injustifiée du procureur anticorruption Juan Francisco Sandoval, qui était « sur le point de prouver » les responsabilités pénales de plusieurs acteurs politiques en exercice dans le pays.
Un État créole qui enrichit quelques-uns
Pour tout visiteur du pays, l’inégalité sociale et économique scandaleuse qui règne est perceptible. Alors qu’il y a peu de familles qui possèdent et gaspillent des richesses, comme si elles étaient des dieux sur les terres mayas, les grandes majorités sociales meurent dans l’exclusion et la pauvreté, désespérées de trouver des moyens de subsistance.
Le bicentenaire de l’État-nation créole guatémaltèque, qui depuis ses origines et son histoire a été extrêmement exclusif et violent avec les grandes majorités, n’a jamais réussi à se constituer et/ou à s’étendre sur tout le territoire national en tant que facilitateur de bien-être pour sa population.
En revanche, cet État a été conçu et fonctionne comme un outil légitimant l’enrichissement immoral des élites, et comme un appareil de colonialisme interne contre les peuples indigènes et paysans du pays.
Mais pourquoi les secteurs populaires s’indignent-ils de la destitution d’un procureur ?
Selon la logique de Hegel, les relations de domination persistent dans le temps dans la mesure où « l’esclave aime et défend le maître ». Il en va de même pour les secteurs populaires du Guatemala par rapport à l’État-nation dont ils ne font pas partie et n’ont jamais fait partie. Pour exister socialement et individuellement, ils doivent s’affirmer comme faisant partie de l’État créole qui leur fait beaucoup de mal.
Ce sentiment de fausse appartenance à l’État créole, promu et irradié par des agents des institutions de l’État (en grande majorité des métis scolarisés), fait que les « victimes » finissent toujours par défendre et réclamer la restauration de l’appareil d’État qui les exclut et les colonise.
Apparemment, un bon pourcentage des secteurs populaires, sont à nouveau dans la rue pour exiger la démission du président et une le rejet de la réforme fiscale, comme cela s’est produit en 2015, pour « empêcher l’État de tomber ou de s’effondrer », la néophobie (peur du changement) et l’instinct existentiel « vaut plus qu’une référence connue qu’un projet inconnu à construire ».
C’est l’une des raisons pour lesquelles les « victimes ou esclaves », même scolarisés, aujourd’hui descendent dans les rues et refusent la possibilité de débattre et de promouvoir un processus d’Assemblée constituante populaire et plurinationale pour le Guatemala.
Ces protestations sociales, consciemment ou inconsciemment, ne font que consolider/oxygéner l’État créole et éviter ou reporter la possibilité d’habiliter des processus constituants pour créer l’État plurinational par un consensus élargi et pluriel entre tous les peuples et tous les secteurs du pays.
Il est censé protester contre la corruption dans l’appareil d’État, mais l’État créole est connu pour avoir été créé par des élites corrompues pour éviter de payer des impôts à la Couronne espagnole et piller les territoires des peuples d’origine. Ces élites corrompues, ou leurs héritiers, ne paient pas d’impôts à l’État aujourd’hui non plus.
En deux siècles de République, il a été démontré que les États créoles d’Abya Yala (Amérique centrale et du sud) sont considérés comme étant liés à la corruption et que la corruption publique est récompensée par l’impunité. Si nous voulons surmonter la corruption publique, nous devons concevoir un nouveau système politique juridique qui préviennent et punissent la corruption !
Cela implique la création d’un nouvel État avec la participation décisive de tous les peuples et secteurs, par le biais d’un processus d’Assemblée constituante populaire plurinationale.
Sujets et propositions constituants indo-paysans
Face à « l’esclavage mental et comportemental » des secteurs sociaux les plus scolarisés qui résistent aux changements structurels et favorisent la « restauration de l’État créole colonisateur », les communautés autochtones et paysannes, organisées en « résistance » sur différents territoires du pays, proposent et promeuvent des processus de changement structurel par le biais d’une Assemblée constituante populaire et plurinationale pour créer un État plurinational et permettre ainsi une bonne vie pour toutes et tous. .
Ces propositions sont écrites et publiées (accessibles même sur Internet) en langue castillane. Mais la « citoyenneté indignée » et mobilisée face à la corruption publique résiste à les lire et à les promouvoir.
Depuis 2012, les communautés en résilience dans les zones rurales ne perdent ni temps ni rythme à débattre et à partager sur les changements structurels potentiels que doit contenir la nouvelle Constitution politique du pays.
Ils ont mené et mènent différentes actions collectives de rue, proposant et exigeant la convocation d’un processus d’assemblée constituante populaire et plurinationale, mais ils ne trouvent presque pas d’écho dans les secteurs sociaux ayant un « degré de scolarité plus élevé ». Beaucoup moins dans la classe moyenne endettée vivant de la fonction publique de l’État. Pourquoi ? Le racisme ? La peur de perdre des privilèges, même culturels ?
Le fait est que les secteurs sociaux sortent maintenant « exigeant la démission du président et du procureur général de service » pour restaurer l’Etat créole qu’il ne pouvait être et dont les institutions tombent en morceaux, fruit de sa putréfaction.
La semaine d’après, le secteur indigène rural et urbain sort pour exiger l’installation d’un gouvernement transitoire permettant la convocation d’un processus d’Assemblée constituante populaire et plurinationale. Un contraste de manifestations de rue similaires à celles de 2015. Nous verrons si le Guatemala sera victime de son racisme ou de son ignorance) et qu’il continuera à rejeter cette proposition qui, en tant que méthode, oriente actuellement la marche des peuples dans les bicentenaires républiques néolibérales du Chili et du Pérou.
Ollantay Itzamnô pour ALAI
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