Dans son texte « Si j’étais chef… », Gérald Larose propose une « nouvelle » stratégie. Il sait être suffisamment audacieux pour séduire et suffisamment imprécis pour rallier à droite et à gauche. La particularité de son propos, c’est qu’il peut être l’objet, en toute bonne foi, d’une double lecture.
« L’indépendance, écrit-il, est un grand projet » et il ajoute : « L’indépendance nationale du Québec est un combat ». Voilà une posture indépendantiste sans ambiguïté.
Les grands axes stratégiques proposés par Gérald Larose
Le volet association du projet péquiste est caduc, écrit-il. Question de contexte, nous dit-il, « 1995 marque la fin d’un cycle ». Nous croyons plutôt que ce volet a toujours tiré le projet péquiste vers le confédérationnisme et l’affirmationnisme. Il a connu nombre de moutures, avec différentes propositions de partage de pouvoirs entre le Québec et le gouvernement fédéral. L’association a même été définie comme indissociable de la souveraineté dans le fameux discours de René Lévesque en 1978 à l’Assemblée nationale. Le prudent rejet par le contexte qui peut toujours se transformer n’oblige à rien et n’a pas obligé Larose à s’expliquer réellement sur ces changements.
Au centre de la stratégie proposée : « Transformer la gouvernance provinciale en gouvernance souverainiste. » On pourrait comprendre qu’il s’agirait pour un gouvernement souverainiste de prendre une série d’initiatives ouvrant sur des défis portés à la domination fédérale sur le Québec posant ainsi la nécessité de la rupture avec ce dernier. Devant de tels élans et face aux tergiversations du péquisme en déclin, on ne peut qu’ approuver. Mais, on peut également y voir la simple croyance que l’existence d’un gouvernement souverainiste à Québec porte une logique automatique de rupture avec l’État fédéral. On a bien vu avec les différents gouvernements péquistes qu’il n’en est rien et que c’est le fait que la population puisse s’exprimer qui est la question clé en matière de rupture avec l’État fédéral.
Pour Larose, il faut mettre le peuple dans le coup. Et ici encore, Gérald Larose aligne des phrases volontaires et décidées. Mais comment mettre le peuple dans le coup ? En reportant le référendum à un avenir indéterminé ? En ne prenant même pas la peine de considérer l’élection d’une assemblée constituante pour que cette souveraineté populaire puisse avoir les moyens de s’exprimer réellement et au peuple d’entreprendre une vraie démarche de démocratie participative ? Gérald Larose se contente, encore une fois, de belles paroles et d’une bonne posture.
Lorsqu’il propose de congédier le référendisme, on pourrait toujours se dire qu’il souligne la nécessité de ne pas rejouer la même stratégie qui a débouché sur des défaites à répétition et qu’il faut mettre le peuple dans le coup et élargir la souveraineté populaire. Mais tel n’est pas le propos de M. Larose. « Sans référendum, dit-il, beaucoup peut être fait en direction d’un pays ». On voit bien que sa perspective de gouvernance souverainiste vise à confier au gouvernement péquiste l’essentiel de la partie et à rapetisser l’intervention du peuple dans la détermination de son propre destin.
Cet axe de sa stratégie aura d’abord pour effet d’enterrer le débat sur les échéances référendaires et l’implication populaire. Elle démontre qu’il s’agit moins ici d’une stratégie de rupture que d’une stratégie gouvernementale pour justifier un congédiement de la pertinence d’organiser la souveraineté populaire.
Les mesures institutionnelles proposées peuvent également se comprendre comme des mesures de rupture, mais également comme l’expression d’un autonomisme provincial. Et, il ne s’agit pas ici d’une simple hypothèse. Pour ce qui est de la Constitution ou de la citoyenneté, il faut voir les projets de loi proposés par Pauline Marois et le Parti québécois (projets de loi 195 et 196 portant sur la citoyenneté québécoise et la Constitution) qui respectent l’empire de la constitution canadienne, son caractère monarchique et son rapetissement du Québec.(voir 2) pour comprendre la misère de l’autonomisme provincialiste. Le projet de loi sur la citoyenneté qui reconnaît que pour être citoyenNE québécoisE, il faut être citoyenNE canadienNE. On voit où peut mener le respect de la constitution canadienne.
L’interprétation de Pauline Marois désamorce toutes velléités de radicalité à la stratégie proposée par Gérald Larose
La cheffe du PQ, Pauline Marois, s’est rapidement enthousiasmée pour une « stratégie » qui lui permettrait de se prétendre encore souverainiste tout en repoussant un éventuel référendum après un deuxième ou même à un troisième mandat du Parti québécois. Elle a aussi immédiatement adouci le radicalisme oratoire de Monsieur Gérald Larose en rejetant l’idée de geste de rupture. « Il faut repousser, a-t-elle affirmé, les limites le plus loin possible tout en restant dans la légalité ». « Légalité définie par la Constitution canadienne », a-t-elle oublié d’ajouter.
On est loin des ruptures. C’est donc en étant affirmationniste dans le cadre du respect de la légalité canadienne que Pauline Marois nous propose d’avancer sur la voie de la souveraineté. L’interprétation de Pauline Marois va donner au personnel politique péquiste une fois au gouvernement toute la latitude possible d’agir en simples gestionnaires d’un gouvernement provincial. Voilà le véritable sens de la gouvernance souverainiste et du ralliement de Pauline Marois à cette perspective.
Des débats seront encore menés au sein du Parti québécois, il ne faut pas en douter. Mais il est plus que temps que les indépendantistes encore au PQ comprennent le caractère social, national et démocratique de la lutte pour l’indépendance et rejoignent le parti Québec solidaire, qui cherche articuler les différents niveaux de ce combat pour la souveraineté du Québec.
(1) L’Action nationale, 17 décembre 2007)
(2) Voir notre article sur le Projet de loi 195 sur l’identité québécoise Affirmations identitaires ou combat indépendantiste ? http://www.pressegauche.org/spip.ph...