Cet auguste amalgame réclame que le Gouvernement du Québec aille de l’avant avec la réfection de la centrale nucléaire de Gentilly-2 selon les paramètres annoncés par Hydro-Québec, soit un coût global de 1 900 millions$ et des retombées régionales de 200 millions$, soit à peine 10% du budget global.
Ces personnages occupant une fonction publique invoquent comme principal argument en faveur d’une telle réfection la notion de retombées économiques régionales. Reconnaissons le rôle social positif du maintien des emplois, 800 emplois directs en tout à Gentilly-2 pour une masse salariale annuelle de 90 millions$ (chiffre de Hydro-Québec), mais cette reconnaissance ne doit pas se faire par complaisance.
En 2011, avons-nous le droit de limiter notre analyse aux seules retombées économiques, sans égard pour la protection de l’environnement, laquelle inclut le sort fait aux déchets nucléaires contaminés et entreposés sur le site. Ces déchets sont des poisons. Les 800 emplois produisent de l’électricité, un cadeau dissimulé dans une enveloppe empoisonnée pour des centaines d’années à venir.
Revenons au recteur de l’UQTR : qu’est-il venu faire dans cette galère ? Quels motifs peut-il invoquer au soutien de sa présence ? Dans notre compréhension, son appui s’explique par l’avantage des retombées économiques pour la région de Trois-Rivières, un maigre 200 millions$ sur 2 ans, soit 10% du budget total = des miettes.
De plus, Ghislain BOURQUE a-t-il validé les chiffres fournis par Hydro-Québec se rapportant à la réfection ou a-t-il acheté ces chiffres les yeux fermés ? S’il a validé les chiffres de Hydro-Québec, peut-il rendre public ses vérifications ?
J’ai personnellement validé et recalculé les chiffres de Hydro-Québec et je n’arrive pas du tout à la conclusion de Hydro-Québec, à savoir un prix de revient unitaire "après réfection" de 7,2¢/kWh en dollars 2008. Je conclus plutôt à un prix de revient "après réfection" de 15,8¢/kWh en dollars 2010.
Avec un tel prix de revient unitaire, la réfection de Gentilly-2 est un gouffre financier. Un tel investissement de 1,9 G$, qui risque d’exploser en cours de travaux, est voué à une perte sur investissement de l’ordre de 50%. Fabriquer à 15,8¢/kWh et vendre à 7,0¢/kWh aux québécois ou à l’exportation (le nouveau contrat avec le Vermont est inférieur à 6,0¢/ kWh), cela engendre une grave perte sur investissement, perte que le peuple du Québec ne peut pas se payer. Un stade olympique suffit !
Selon d’autres calculs, l’hypothèse de la réfection est non justifiable parce que non avantageuse pour la région de Trois-Rivières et Bécancour. Ces calculs consistent à comparer les retombées économiques régionales entre deux scénarios : a) scénario de réfection comparé à, b) scénario de démantèlement.
En résumé, le scénario de réfection pour les années de construction de 2012 et 2013 représente des retombées régionales de 200 millions$ annoncées par H.-Q., plus les salaires de 400 employés actifs de la centrale (notre hypothèse : les 800 emplois requis pour l’exploitation de la centrale ne sont pas tous requis durant les travaux de réfection) générant des salaires de 45 millions$ par année, soit 90 millions$ sur 2 ans.
Additionnons 200 millions$ + 90 millions$ = 290 millions$ pour la région sur 2 ans, durant la réfection.
Selon le scénario de démantèlement, nous prenons les chiffres prévus dans le rapport annuel 2010 de Hydro-Québec, page 85, il s’agit d’un budget de 1,6 milliard$ en dollars 2010. Nous répartissons ce montant sur 10 ans que durera la démantèlement, une hypothèse vraisemblable. Cela dégage des retombées économiques de 160 millions$ par année.
Pour les années à l’étude de 2012 et 2013, cela représente des retombées régionales de 160 X 2 années = 320 millions$. Même si seulement 90% de ces retombées restent dans la région, cela représente un montant de 288 millions$ pour le scénario de démantèlement en 2012 et 2013, et cela continuera encore durant plusieurs années.
En comparant les deux scénarios, nous avons presque une "ÉQUIVALENCE" des retombées économiques régionales. Alors, pourquoi le recteur Ghislain BOURQUE appuie-t-il la réfection au lieu de retenir une démarche plus objective, issue de la réflexion d’un universitaire qui peut faire les nuances qu’il faut entre deux scénarios dans un dossier très important ?
Défi lancé au corps professoral de l’UQTR : demandez à votre recteur s’il a fait l’exercice de la comparaison des chiffres des retombées économiques régionales entre les deux scénarios de la réfection et du démantèlement ? S’il a fait l’exercice, demandez-lui de rendre public ses chiffres selon une démarche qu’il a lui-même choisie.
Si au contraire, le recteur BOURQUE a paradé par complaisance ou par servilité, les citoyens du Québec peuvent avoir peur de confier l’exploitation de la centrale nucléaire de Gentilly-2 à des diplômés de l’UQTR où ils n’auront pas appris à développer un esprit scientifique et critique.
Dans ces conditions, vaut mieux opter pour le scénario "démantèlement" pour des raisons de protection de la vie sur terre, de sécurité et de baisse de risques en plus des raisons réelles de retombées économiques régionales. Tous les futurs ingénieurs et techniciens du nucléaire doivent dès maintenant apprendre à réorienter leurs connaissances vers des missions de démantèlement du nucléaire civil. De vieilles centrales par dizaines dans le monde agonisent. Ce n’est ni le génie ni les emplois du nucléaire qui sont compromis. C’est tout le contraire.
François A. Lachapelle
Retraité de Hydro-Québec 10 avril 2011.