Édition du 19 novembre 2024

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Gaz de schiste en Pennsylvanie, un bonheur bien fragile

En période de morosité économique, le boom gazier peut permettre à plusieurs de mieux respirer, et même de se lancer en affaires. Mais à quel risque ? Et pour combien de temps durera la manne ? Vous voulez savoir quel genre de jobs seront "créées" grâce à l’exploitation gazière anticipée par notre gouvernement dans la vallée du Saint-Laurent ? Lisez ce qui suit.

Voici une autre traduction libre d’un article pris dans le journal The New York Times.

Le boom gazier aide la Pennsylvanie, mais certains sont préoccupés par les risques qui viennent avec.

Dans la ville de Montrose, en Pennsylvanie, Adam Diaz était pris dans une période économique morose, il y a de cela 3 ans. Des camions restaient immobiles dans sa carrière de grès bleuâtre et les scies étaient silencieuses dans sa cour à bois. Heureusement pour lui, les gazières se sont montrées à peu près à ce moment-là, et M. Diaz a saisi l’occasion. Il a commencé à transporter leurs déchets de forage. Il est passé d’un camion à 8 et est propriétaire d’une flotte de 53 camions. Ensuite, il restaura une vieille voie ferrée et loue 210 wagons qui transportent des conteneurs de déchets de forage. Il est passé de 30 employés à 180 et fait maintenant des affaires pour $45 millions de revenus par année.

D’autres résidents aussi prennent avantage du boom gazier. Certains sont fournisseurs aux compagnies pour des pièces mécaniques, d’autres sont plombiers. Un couple débrouillard a une roulotte-restaurant où ils vendent aussi des bas faits de laine d’alpaga aux foreurs venus de la Louisiane et du Texas, inhabitués au climat plus froid.

Le boom gazier transforme les petites communautés aussi, comme celle-ci (4,400 habitants) et revitalise l’économie de cette région jadis oubliée du nord-est de la Pennsylvanie. Les quelques hôtels ont agrandi, les restaurants sont pleins et les locations de maisons ont plus que doublé. "Il y a eu un effet de boule de neige à cause de l’invasion des gazières." dit M. Diaz, âgé de 33 ans, devant son entreprise florissante près d’ici.

Mais le boom gazier provoqué par une technique avancée de forage appelée fracturation hydraulique, ou fracking, a aussi emmené ses problèmes, également. Bien que les gazières ont créées plusieurs emplois bien rémunérés, plusieurs résidents ne sont pas qualifiés. Quelques puits d’eau potable ont été contaminés. Les routes rurales étroites tombent en petits morceaux sous le poids des camions lourds. La disponibilité immobilière se fait rare et dispendieuse, et de plus en plus de résidents deviennent des sans-abri. Les services locaux et les infrastructures sont éprouvés au point de rupture.

"Très peu de revenus de taxes vont aux gouvernements locaux pour les aider à partager les bénéfices du développement économique." dit Sharon Ward, la directrice exécutif du Pennsylvania Budget and Policy Center, un organisme de recherche indépendant en politiques. Et certaines personnes se demandent si les bénéfices à court terme ont fait oublier les cycles de hauts et bas qui caractérisent cette industrie.

"Qu’arrivera-t-il à long terme ? est la question importante qu’il faut se poser." dit Kathy Braiser, un prof de sociologie rurale à l’université Penn State. "Comment pourront profiter les communautés des bienfaits tout en tentant de mitiger les problèmes néfastes pour qu’elles soient prêtes quand le boom s’essoufflera ?"

Le boom est alimenté par des réserves importantes de gaz dans la formation Marcellus, une vaste formation rocheuse qui se trouve sous plusieurs états de la côte Atlantique mais surtout concentrée en Pennsylvanie. La recherche de l’industrie indique qu’un puits typique dans le Marcellus peut générer des millions de dollars en bénéfices économiques, incluant des salaires, des taxes et des stimulations chez les fournisseurs. Les critiques disent qu’on gonfle les chiffres.

En Pennsylvanie, plus de 3,000 puits ont été forés depuis 3 ans et des permis pour des milliers de plus ont été émis. Dans le comté de Susquehanna, comté pauvre dont Montrose est sa capitale, 262 puits ont été forés par une demi-douzaine de compagnies gazières différentes depuis la fin de juillet. Il y a 400 permis pour en forer de nouveaux.

À ce temps-ci de l’année, les collines sont colorées par les coloris orangés de l’automne. Ici et là, ont aperçoit des sites de forages de 3 à 5 acres de superficie où les foreuses s’affairent et grondent 24 heures par jour, éclairant la nuit comme des colonies de soucoupes d’extra-terrestres.

Pour M. Diaz et le cercle local de gagnants comme les transporteurs d’eau et les opérateurs de motels, les plombiers et les serveuses, les avocats, les arpenteurs et les propriétaires de buanderies, les forages ont alimenté un tournant économique en leur faveur.

John et Phyllis DiGiori sont propriétaires d’un élevage d’alpaga et ont organisé un camion de concession alimentaire sur la route principale. Leur "roulotte à patates" vend des hamburgers et des frites, et offrent des vêtements chauds aux travailleurs qui viennent du Texas et de la Louisiane. "Demandez-nous de vous montrer nos bas fait de laine d’alpaga" clame une affiche écrite à la main collée dans la vitre pour commander la nourriture.

Dan et Gretchen Backer gèrent 40 chambres dans des hôtels et des appartements, dont le Inn à Montrose, et ont réagi au boom gazier en rénovant leurs chambres et ajouté des "extras" comme des écrans télé grand format. Maintenant, dit Mme Backer, ils ont doublé leur tarif qui est maintenant de $2,500 par mois pour un 2 chambres à coucher.

Bill Kelley sénior et son fils ont vu leur compagnie de location d’équipement prendre le l’expansion. Taylor Rental vend maintenant des pièces difficiles à trouver aux les gazières. Le père dit que sa compagnie a grossi de 40% tous les ans depuis les 3 dernières années. Son épouse tient sa propre compagnie florissante, PJ’s Cafe, un établissement boucané où les travailleurs aiment se retrouver après leur travail. "Nous ne connaissons pas la récession qui afflige le restant de la planète." dit M. Kelley.

En effet, le chômage dans le comté était de 7,5% en août, à comparer avec le taux de l’état qui se tient à 8,,5%, et bien en-dessous du taux du pays qui est de 9,1%. M. Kelley le père aime à répéter un dicton des coureurs d’or : c’est pas les mineurs d’or de la Californie qui sont devenus riches, ce sont les gens qui leur vendaient les pelles.

George Stark, un porte-parole pour Cabot Oil and Gas Corporation, la principale gazière de la région, dit que les entrepreneurs locaux comme M. Diaz et les Kelley ont créé plus de 400 emplois liés à l’industrie gazière. Il dit que Cabot a engagé directement environ 100 travailleurs qualifiés pour les tours de forage, mais ajoute qu’à l’avenir, des résidents de la place pourraient recevoir la formation pour ces emplois.

La compagnie s’attend à forer ici pendant au moins 2 décennies encore, dit-il, et les puits produiront du gaz pour encore 3 décennies après çà. "Ce n’est pas seulement une pointe de courte durée" assure-t-il. "C’est probablement l’endroit le plus productif de tout le Marcellus, ici."

Mais l’intrusion gazière met à l’épreuve les services locaux. Cabot a donné $50,000 dernièrement à la Croix Rouge et a aidé à organiser une levée de fonds pour la construction d’un hôpital. Cabot a aussi dépensé $12 millions l’année passée pour la réparation des routes.

"C’est beaucoup d’argent pour un comté comme Susquehanna." dit MaryAnn Warren, une commissaire du comté. "Mais Susquehanna est pauvre, peut-importe la quatité de gaz qui se trouve ici."

Les compagnies paient certaines taxes, mais seulement à l’état, pas aux comtés. Et elles ne paient pas de taxes immobilières locales. Certains projets de loi, dont celui suggéré ce mois-ci par le gouverneur Tom Corbett, un Républicain, permettraient aux comtés d’imposer une taxe sur les puits et garder la majorité de l’argent, mais il n’y a pas d’entente sur cette approche. La Pennsylvanie est le seul état producteur de gaz naturel important qui ne taxe pas directement l’exploitation gazière.

Au moins la moitié des postes d’emploi dans Susquehanna County sont remplis par des employeurs qui viennent d’ailleurs, dit Timothy W. Kelsey, un prof d’économie agricole du Penn State. Il dit que c’est une proportion anormalement élevée, mais que le comté ne compte tout simplement pas assez d’employeurs pour retenir la main d’oeuvre ici. "Les gens qui ont des connections sont capables de ramasser les fonds et ils font de bonnes affaires." dit le professeur Kelsey. "Mais la majorité des dépenses liées au gaz naturel ne se fait pas à l’intérieur du comté."

Il y a aussi d’autres tensions, comme ceux entre des voisins, surtout ceux qui ont signé trop tôt des baux avec des gazières qui leur donnaient seulement $25 l’acre tandis que d’autres ont attendu et reçoivent plus de $5,000 l’acre.

D’autres tensions sont entre les résidents de la place et les travailleurs qui viennent d’autres états. "Nous venons ici, le logement est dispendieux et ils augmentent les tarifs." se plaint un travailleur venu de la Louisiane qui voulait rester anonyme à cause de l’hostilité locale.

Dee Stephens, 47 ans, est ancien prof du Missouri, et est l’une des rares femmes qui travaille aux puits. Elle dit qu’elle ne sent pas la bienvenue ici. "Tout le monde se sent menacé." dit-elle en parlant des résidents de la place. "Nous faisons notre travail, mais ils pensent que nous massacrons le paysage." Elle dit que ce n’est pas le cas. "Bien sûr qu’on ne remet pas tout en place comme Mère Nature sait si bien le faire, mais on fait notre possible."

Les entrepreneurs qui connaissent du succès sont très conscients de la fragilité de la nouvelle économie et certains prennent leurs précautions.

"À un moment donné, ils auront fini et s’en iront." dit Mme Backer, propriétaire du Inn à Montrose, en parlant des gazières. "Nous suivons leurs conseils et essayons de rembourser nos dettes." dit-elle. "Mais nous faisons tester notre eau quand même. Nous sommes tous préoccupés et espérons que les compagnies forent avec soin et que nos eaux sont en sécurité. On n’a pas nos têtes dans le sable."

Légende : Selon les lois de la Pennsylvanie, une telle affiche bien en vue sur une propriété serait suffisante pour interdire même du sondage sismique comme on a connu en Montérégie (Saint-Mathias, été 2010).

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