Durant les jours précédant le Forum et durant sa tenue, nous avons eu droit à un concert de propos qui révélaient les inquiétudes de l’industrie : « Nous invitons le gouvernement à faire preuve de prudence afin d’éviter de décourager les nombreux investissements attendus au cours des prochaines années. » (Chambre de commerce du Montréal métropolitain) ; « Les signaux qu’envoie le gouvernement sont inquiétants, notamment en ce qui concerne l’imposition d’une redevance « plancher ». Cette mesure ne tient aucunement compte des investissements nécessaires au démarrage d’une mine et pénaliserait plusieurs compagnies qui seraient grandement fragilisées » (Association minière du Québec) ; « En 2009, le régime fiscal minier a déjà été modifié et au moment où l’industrie fait face à une crise des capitaux, le gouvernement se prépare à mettre en péril tout ce que la filière québécoise d’explorateur a su développer depuis 50 ans. » (Association de l’exploration minière du Québec) ; L’industrie minière québécoise qui est l’un des moteurs de notre économie régionale ne s’oppose pas aux redevances, mais encore faut-il que ces redevances permettent un développement des ressources minières qui soit rentable et économiquement acceptable (Major Drilling Group International Inc.). Le PLQ et la CAQ leur ont emboîté le pas.
Quelques jours auparavant, une étude menée par Samson Bélair Deloite & Touche en compagnie de E&B Data (Impacts économiques et fiscaux des sociétés minières au Québec) tentait de faire la démonstration que l’industrie minière est tout juste rentable et qu’elle fait sa large part dans les revenus de l’État québécois. Trente milliards de dollars de projets annoncés pour les prochaines années, 1,3 milliards de dollars de revenus annuels pour les administrations publiques (Canada, Québec et autres paliers de gouvernement inclus). L’étude prétend que les minières paient l’équivalent de 39,9% en impôt sur leurs bénéfices nets avec des dépenses générant des retombées de 3,6 milliards de dollars. Elle va jusqu’à affirmer que l’avenir est radieux : une hausse des revenus fiscaux de l’ordre de 50% pour les États (fédéral, Québec et autres) et une contribution au PIB à la hauteur de 5,5 milliards de dollars. Selon cette étude, tout est au beau fixe au Québec et on se demande pourquoi tout ce remue-ménage autour des redevances.
Toutefois, à la consultation de l’étude, on ne constate aucun passif dans les calculs. On prends en compte ce que rapporte l’industrie mais on passe sous silence ce qu’elle en coûte à l’État québécois. Rien sur les coûts de fourniture énergétiques sous les coûts de production (Hydro Québec), rien sur les travaux à réaliser pour accéder aux sites miniers (construction de routes, d’habitation pour le personnel, sur les services publics et sanitaires à assurer, sur les coûts de remise en état des sites orphelins (1,3 milliards de dollars selon les chiffres du ministère des Ressources naturelles), rien sur l’impact sur l’environnement et sur les personnes qui habitent à proximité des sites. Avec de pareils calculs, on ne peut qu’arriver à une perspective où les lendemains chantent à l’unisson. Pourtant le PQ a, dans son récent budget, revu à la baisse les redevances payées par l’industrie car il anticipe une baisse des activités due au ralentissement économique mondial. Par ailleurs, les chiffres concernant les impôts versés à l’État comprennent les impôts payés par les salariéEs comme l’on fait remarqué plusieurs analystes.
Le PQ et la plupart des mouvements sociaux impliqués dans le débat ont de fait écarté l’hypothèse de l’exploitation publique des ressources. On réclame timidement la deuxième transformation au Québec, on joue sur le pourcentage réclamé sur la valeur brute extraite du sous-sol plutôt que sur les profits mais l’essentiel n’est pas là. Doit-on laisser au privé la maitrise de l’exploitation des ressources québécoises ? Le PQ dans son premier budget laisse toute la place au privé (Voir le document budgétaire2013-2014 « Investir pour assurer notre prospérité : la vision économique du gouvernement », pp. 47 à 50) n’évoquant une participation publique que « lorsqu’un soutien gouvernemental est demandé ». Comme si l’entreprise privée allait se précipiter aux portes de l’État pour solliciter son aide. Une panoplie de mesures fiscales et autres sont disponibles de façon à soutenir les risques.
Par ailleurs, les prévisions de rentrées par le biais de redevances ont été revues à la baisse dans le récent budget Marceau, alors que le gouvernement annonce son intention de hausser les redevances : 245 millions de dollars en 2012-2013 plutôt que les 355 260 millions en 2013-2014 plutôt que 375, etc. Les prévisions du ministère des finances prévoient une baisse de l’ordre de 395 millions au cours des cinq prochaines années par rapport aux projections précédentes, alors que l’industrie prétend qu’elle augmentera la valeur de ses projets au Québec durant la même période.
Le débat engagé a été reporté au dépôt du projet de loi sur les mines qui, selon la ministre, devrait être rendu public « dans les prochaines semaines ». Souhaitons que le débat se transporte non pas en direction d’aménagements des termes actuels mais plutôt vers une nouvelle : à ressources publiques, exploitation publique. Dans le contexte où les minières à l’échelle internationale font la démonstration de leur rapacité, comment peut-on croire qu’elles ont le développement du Québec à coeur, ce que leur discours voudraient laisser entendre ? Leurs seuls intérêts est le profit maximal et le plus rapidement possible. Elles sont passées maitres en matière de « comptabilité créative », une façon polie de dire qu’elle font tout pour mettre leurs profits à l’abri de l’impôt. Il serait souhaitable de remettre à l’ordre du jour du débat public le retour de l’État dans la maîtrise du développement économique québécois et non pas simplement et au mieux un acteur de soutien. Le PQ a déjà fait son lit à ce sujet. À la gauche politique et sociale de porter ce projet.