Une d’entre elles étonne et laisse perplexe. C’est celle qui propose d’étudier la possibilité de mettre en place un mode de scrutin majoritaire à deux tours pour remplacer l’actuel système électoral majoritaire à un tour. Elle marque une rupture complète avec la position traditionnelle du PQ qui depuis sa fondation en 1969 jusqu’à son congrès d’avril 2011 a préconisé l’instauration d’un mode de scrutin de type proportionnel. Le programme péquiste est maintenant muet à ce chapitre capital en matière de démocratie représentative.
Dès 1978, lors de la publication de son livre vert sur la réforme du mode de scrutin, le ministre Robert Burns avait en effet mis de côté le scrutin majoritaire à deux tours parce qu’il cause des distorsions dans la représentation aussi grandes que le système majoritaire à un tour que le parlementarisme québécoise a hérité de l’Angleterre en 1792.
Un outil pour mesurer la proportionnalité
Il existe un outil pour mesurer le niveau de distorsions causées par un mode de scrutin. Il s’agit de « l’indice de disproportionnalité » qui permet de comparer l’effet des différents modes de scrutin à ce point de vue. C’est ainsi qu’un seul chiffre peut indiquer le degré global d’écart existant entre la proportion de votes recueillis par l’ensemble des partis en lice lors d’une élection et la proportion de sièges parlementaires qu’ils se alors sont vus attribuer par le mode de scrutin en vigueur.
Cet indice, mis au point par le politicologue américain Michael Gallagher, s’obtient en faisant la somme des écarts d’un résultat strictement proportionnel enregistrés par chacun des partis en lice lors d’une élection donnée. Le fait que ces écarts soient positifs ou négatifs n’importe pas puisque dans ce calcul c’est leur valeur absolue qui est prise en considération.
Cet indice est révélateur puisqu’il permet de constater que le scrutin majoritaire uninominal à un tour se classe au 6e rang sur 7 sous l’aspect de la proportionnalité parmi les principales familles de modes de scrutin. Mais le dernier au classement est le scrutin majoritaire uninominal à deux tours, tel qu’appliqué en France, qu’envisage actuellement le PQ dans ses propositions pour faire de la politique autrement.
Au premier rang se trouve le scrutin de listes de type scandinave où tous les députés sont élus à la proportionnelle. C’est un système semblable que le premier ministre René Lévesque avait proposé en 1984 en l’assortissant d’un caractère régional pour donner suite à la recommandation d’une commission d’étude mise sur pied par l’Assemblée nationale qui avait consulté la population. Malheureusement cette proposition a été torpillée par le caucus des députés péquistes dont la plupart se sont ralliés au slogan « La souveraineté avant la démocratie ».
Au deuxième rang se classe le système mixte (majoritaire-proportionnel) de type allemand avec correction complète des écarts. Au troisième rang se trouve le système mixte de type écossais à correction incomplète des écarts mais à finalité proportionnelle. C’est un mode de scrutin de ce type que le gouvernement Charest a proposé dans un avant-projet de loi déposé en 2004 mais qu’il a enterré par la suite. L’instauration d’une version améliorée de ce système est maintenant préconisée par Québec solidaire et par le Mouvement pour une démocratie nouvelle qui l’ont doté d’un caractère régional adapté au contexte québécois. Cette dernière a reçu l’appui de plus de 80% des quelque 2000 participants à une commission parlementaire tenue en 2006 puis a été validée dans une étude du Directeur général des élections du Québec en 2007.
Au quatrième rang se trouve le vote unique transférable (VUT) à l’irlandaise. Au cinquième rang se classent les pays dotés d’un système mixte à finalité majoritaire comme la Russie et le Japon. Puis arrive le scrutin majoritaire à un tour en vigueur au Royaume Uni, aux États Unis et au Canada et, en queue de liste, le système majoritaire à deux tours proposé par le PQ.
Négation du pluralisme politique
Comme l’a fait remarquer le chroniqueur Jean-Claude Leclerc, la proposition sur la table vise l’élection d’un gouvernement majoritaire du Parti québécois au risque d’éliminer de l’Assemblée nationale les souverainistes de Québec solidaire et d’Option nationale. C’est là une négation flagrante du pluralisme politique et l’illustration de la façon dont le PQ entend procéder pour faire la souveraineté si jamais il prenait le pouvoir. Il est surprenant que le député Bernard Drainville parraine cette proposition qui entre en contradiction avec le document qu’il a publié cet été. Drôle de façon en effet de changer la politique !
Il faut tout de même reconnaître qu’un scrutin à deux tours aurait le mérite d’assurer que tous les députés seraient élus à la majorité absolue. Mais la mécanique de ce système, qui repose sur le ralliement des électeurs autour des deux principaux partis au deuxième tour, crée des distorsions encore plus grandes qu’un système à un tour.
Heureusement que la plupart des autres propositions qui seront à l’ordre du jour du prochain conseil national du PQ, notamment celles pour favoriser une gouvernance plus transparente et celle sur la décentralisation régionale, sont plus heureuses et fournissent matière à une réflexion sérieuse.
Paul Cliche,
Montréal, 13 décembre 2011