Édition du 12 novembre 2024

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États-Unis

Etats-Unis : Faut-il construire le mouvement socialiste en soutenant des Démocrates ?

Suite à leur soutien à Sanders en 2016, les Democratic Socialists of America (DSA) ont passé de quelques milliers de membres à des dizaines de milliers. Cela a convaincu nombre d’entre eux que le soutien à des candidat·e·s du parti démocrate, aux primaires comme aux élections générales, était une importante stratégie socialiste.

Tiré de Europe solidaire sans frontière.

Democratic Socialists of America

Les DSA sont engagés dans la construction de mouvements syndicaux et sociaux, certains ont par exemple contribué à diriger les récentes grèves d’enseignant·e·s en Virginie. Mais à l’approche des élections de novembre, les campagnes électorales ont occupé le gros de leurs débats et de leur pratique. Maria Svart, leur directrice nationale, écrivait récemment : « L’an dernier, 32 candidat·e·s soutenu·e·s par ou membre des DSA se sont présenté·e·s à des élections dans ce pays. Cette année, 38 ont déjà remporté leur primaire, y compris Alexandria Ocasio-­Cortez sur le point de devenir la plus jeune femme élue au Congrès et Rashida Tlaib, qui y sera la première musulmane élue ». Après la victoire aux primaires d’Ocasio-Cortez, une portoricaine de 28 ans, face à Joe Crowley, chef de groupe démocrate à la Chambre des représentants, 4000 nouveaux membres ont adhéré aux DSA. Pas étonnant que nombre de membres des DSA voient les campagnes du parti démocrate comme voie privilégiée pour construire un large mouvement pour le socialisme et recruter.

Les victoires de candidat·e·s soutenu·e·s par les DSA ou d’autres groupes progressistes comme Our Revolution de Sanders ont effrayé des dirigeants démocrates, même si comme dit le New York Times : « L’impact d’activistes [progressistes] sur les élections 2018 a été limité. Jusqu’ici environ un sixième seulement des candidat·e·s démocrates désigné·e·s pour le Congrès sont formellement affilié·e·s à l’un ou l’autre des groupes rebelles importants. 53 des 305 candidat·e·s ont été soutenu·e·s par les Justice Democrats, par le Parti des familles travailleuses, par la Campagne pour un changement progressiste ou Our Revolution, des organisations ayant soutenu des challengers face aux sortants démocrates. »

Pousser le parti démocrate à gauche ?

Mais la frange modérée des démocrates s’inquiète. Leur think tank Third Way a tenu récemment une première convention Opportunity 2020 rassemblant des démocrates modéré·e·s lié·e·s aux banquiers et aux grandes entreprises que le parti représente. Le sénateur Chris Coons, démocrate du Delaware, y a prévenu les médias que si des progressistes continuaient à gagner des élections : « Il sera difficile pour nous de défendre de manière crédible l’idée que nous devrions pouvoir gouverner à nouveau et ce sera facile de se moquer de nous et de nous marginaliser ». Les modéré·e·s affirment que des candidat·e·s progressistes ne sauraient gagner que sur la Côte Est ou Ouest, mais qu’ils peineront à convaincre les électeurs·trices du Mid-West ou du Sud.

Les militant·e·s de Our Revolution, d’autres groupes progressistes et les socialistes des DSA soutiennent, a contrario, que ce n’est qu’en tirant le parti démocrate à gauche que les démocrates peuvent emporter l’élection. Les progressistes ont eu des succès dans ce sens en amenant les démocrates à soutenir le plan d’assurance-maladie à payeur unique de Sanders. Les dirigeants des DSA croient que tout en gagnant des élections, ils peuvent aussi recruter des socialistes. Un sondage Gallup la semaine dernière a affirmé que 57% des démocrates voyaient le socialisme favorablement, alors que 47% d’entre avaient une vision positive du capitalisme.

Socialism and the City…

Dans les DSA et la gauche, il y a un débat : quel·le·s démocrates soutenir ? Les seuls membres des DSA, ou les candidat·e·s qui se disent socialistes ? Ou des progressistes avec de bonnes plateformes électorales ? Prenons le soutien par les DSA à Cynthia Nixon, actrice de 52 ans de Sex and the City qui se présente aux primaires démocrates contre le gouverneur sortant de l’Etat de New York, Andrew Cuomo. Après la victoire d’Ocasio-Cortez, Nixon a dit dans une interview que même si elle n’y avait pas pensé avant, elle se rendait compte qu’elle avait des « valeurs socialistes ».

Pourtant Nixon n’était guère même une progressiste. Elle a été un soutien d’Obama, de Hilary Clinton et du maire de New York Bill de Blasio. La direction des DSA en ville de New York a voté à 2 contre 1 le soutien à Nixon, la plupart de ses soutiens arguant qu’elle a pris des positions progressistes et que l’association des DSA à sa campagne conduirait à une expansion des mouvements de la gauche et des DSA. Le jour après avoir décroché ce soutien, Nixon a dit aux médias que si le milliardaire républicain Michael Bloomberg était gouverneur, elle ne se serait pas présentée, laissant entendre que Bloomberg était préférable à Cuomo. Le jour d’après, elle s’était reprise, mais la remarque a révélé son instabilité et sa naïveté politiques.

Les débats aux DSA sur quels démocrates soutenir ont évincé de l’agenda, jusqu’à novembre au moins, toute discussion quant au soutien à des candidatures indépendantes, comme celle de Howie Hawkins, ouvertement socialiste et candidat vert au poste de gouverneur. L’heure est semble-t-il au pragmatisme.

Dan La Botz

• « solidaritéS » (Suisse), n° 332 (23/08/2018) :
https://www.solidarites.ch/journal/d/article/8787

Dan La Botz

L’auteur est un professeur d’université américain et un militant de l’organisation socialiste Solidarity.

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