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Espagne

Espagne : l’impasse politique persiste, l’extrême droite bondit

Le parti d’extrême droite Vox, désormais troisième force en Espagne, est le grand vainqueur des législatives du 10 novembre, ayant gagné près d’un million de voix depuis le scrutin d’avril. Arrivé en tête dimanche soir, le socialiste Pedro Sánchez revient, lui, à la case départ : il doit former un gouvernement.

11 novembre 2019| tiré de mediapart.fr
https://www.mediapart.fr/journal/international/111119/espagne-l-impasse-politique-persiste-l-extreme-droite-bondit

Les résultats des élections législatives, remportées dimanche 10 novembre par le Parti socialiste (PSOE) de Pedro Sánchez, risquent de compliquer encore un peu plus la formation d’un exécutif en Espagne, alors qu’à l’extrême droite Vox a réalisé un bond spectaculaire.

Le parti néo-franquiste de Santiago Abascal est devenu la troisième force du pays, mais aussi l’une des extrêmes droites les plus puissantes d’Europe : il a rassemblé 15,1 % des suffrages (3,6 millions de votes), soit 52 sièges au Congrès des députés, sur un total de 350.

« Nous portons un changement politique et culturel dans le pays [et allons rendre] la représentation nationale plus fidèle à ce que pense le peuple espagnol », s’est réjoui Abascal dans la soirée, devant un parterre de quelques centaines de militants. Massés devant le siège de Vox à Madrid, ces derniers ont longuement scandé des « Viva España », mais aussi des « Puigdemont en prison », en référence au leader indépendantiste catalan, exilé à Bruxelles depuis 2017.

Vox, grand vainqueur de la soirée, n’avait séduit que 0,2 % des électeurs (58 000 voix) aux législatives de décembre 2015. Partisan jusqu’au-boutiste de l’unité de l’Espagne, adversaire acharné des mouvements féministes particulièrement forts en Espagne ces dernières années, le parti était sorti de l’anonymat en lançant la procédure judiciaire qui a abouti au procès, puis à l’emprisonnement, de responsables de l’indépendantisme catalanle mois dernier.

Le parti d’Abascal n’a cessé de diaboliser la figure du sans-papier étranger durant la campagne. Il défend par ailleurs la suppression du budget pour la lutte contre les violences faites aux femmes, le transfert de toutes les compétences des régions espagnoles à Madrid, l’interdiction des partis indépendantistes catalans, ou encore le durcissement de la politique migratoire du pays. Vox est aussi le seul des partis nationaux à avoir critiqué publiquement l’exhumation des restes de Franco, le 24 octobre dernier, en dénonçant une « profanation ».

Si l’on observe la répartition géographique du vote de Vox, il semble avoir été massif dans les territoires ruraux, mais pas seulement. Le parti est arrivé en tête dans la région de Murcie (Sud-Est), et a décroché pas moins de douze députés en Andalousie, avec des pics à 30 % dans des localités autour de Cadix ou de Malaga. Vox était déjà parvenu à faire élire des députés aux législatives d’avril 2019 – une première pour un parti d’extrême droite depuis la fin de la dictature, à la mort de Franco en 1975. Il a encore séduit près d’un million d’électeurs supplémentaires, en l’espace de six mois à peine.

Vox semble avoir avalé une bonne partie de l’électorat Ciudadanos, le parti libéral d’Albert Rivera, allié de LREM en France – et dont s’était rapproché l’ancien premier ministre Manuel Valls l’an dernier. En chute libre, Ciudadanos n’a obtenu que 6,8 % des voix, contre 15,9 % en avril, avec des résultats particulièrement mauvais en Catalogne, pourtant l’une de ses terres de prédilection. Le numéro deux du parti, José Manuel Villegas,n’est même pas élu député. Rivera a annoncé lundi dans la matinée qu’il quittait la vie politique.

Le score de Vox va-t-il provoquer un sursaut au sein des autres partis, pour faciliter la formation d’un exécutif ? Le chef du gouvernement sortant, le socialiste Pedro Sánchez, a en tout cas exhorté, dimanche soir, « tous les partis » – et pas seulement les partis de gauche – à faire preuve de « générosité et de responsabilité pour débloquer la situation politique en Espagne ».

La formule reste floue : s’adresse-t-il en priorité aux partis sur sa gauche, pour tenter de nouveau de former une coalition avec Unidas Podemos, après l’échec des discussions de l’été  ? Cette coalition semble encore possible, sur le papier, mais bien plus difficile à concrétiser qu’en avril. Ou Sánchez espère-t-il l’abstention de certains partis, par exemple le Parti populaire (PP, droite), lors de l’investiture, pour gouverner par la suite en minorité ?

La partie sera d’autant plus complexe pour le PSOE qu’il ne sort pas renforcé du scrutin. Sánchez espérait obtenir une majorité plus large qu’en avril dernier. Mais la formation a perdu trois sièges, à 120 députés (28 % aujourd’hui, contre 28,7 % au printemps). « Sánchez retourne à la case départ », écrit InfoLibre, partenaire de Mediapart en Espagne. Quant à Unidas Podemos, la coalition emmenée par Pablo Iglesias, elle sort affaiblie du scrutin (12,8 % contre 14,3 %).

Sans surprise, elle a pâti du lancement de Más País par l’ancien numéro deux de Podemos qui, lui, a décroché trois sièges. Íñigo Errejón n’a pas réussi son pari de former un groupe parlementaire indépendant (la formation a séduit à peine un peu plus de 550 000 voix, mais se présentait uniquement dans 18 des 52 provinces du pays).

Dimanche soir, Pablo Iglesias et ses alliés sont montés au créneau pour accuser Sánchez d’être responsables de la poussée de Vox : « On dort moins bien avec plus de cinquante députés d’extrême droite, qu’avec des députés d’Unidas Podemos », a ironisé le patron de Podemos. Durant l’été,Sanchez avait expliqué qu’il « ne dormirait pas de la nuit s’il y avait des députés Unidas Podemos au gouvernement », pour expliquer son refus d’une coalition avec le parti de la gauche critique.

Quant à Íñigo Errejón (Más País), il a déclaré que le score de Vox était « le résultat d’une irresponsabilité historique des formations progressistes, qui n’ont pas été à la hauteur » de la situation. Et de s’interroger : « Est-ce que cela valait le coup, d’en arriver à une telle situation ? »

Autre leçon de la soirée électorale : le bloc indépendantiste en Catalogne, aussi hétéroclite soit-il,a légèrement amélioré son score par rapport à avril, dans la foulée du verdict des responsables indépendantistes. La Gauche républicaine (ERC, indépendantistes de gauche) est arrivée en tête, avec un score un peu inférieur à celui du printemps. Les anticapitalistes de la CUP (indépendantistes), eux, font leur entrée au Congrès de Madrid, avec deux députés. Au vu de ces résultats, rien ne dit que ce bloc indépendantiste, qui dirige la région depuis 2015, va prendre le risque de déclencher des élections régionales anticipées, à court terme.

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