article tiré de NPA 29
Parti Populaire (PP) : entre le redressement économique néolibéral et le tournant ultra-réactionnaire
« Valeur Sûre » – opposée à « L’Incertitude » attribuée à la politique du PSOE – aspirait à être la continuation de Mariano Rajoy sur la reprise économique. Des mensonges permanents concer-nant les créations d’emplois à l’époque des gouvernements Rajoy. Mais il a radicalisé le programme, le discours, le ton et les formes dans sa concurrence avec Ciudadanos (Cs) et Vox pour occuper l’espace le plus à droite.
Les secteurs vraiment ultra de l’électorat du PP, voient en Vox une force en plein essor, avec des valeurs plus nationalistes, n’ayant pas un passé aussi marqué par la corruption et capable de gagner les suffrages des abstentionnistes pour éveiller une véritable illusion patriotique.
Ciudadanos : une tâche centrale, la concurrence avec Vox
Tout comme le PP, Cs a été fortement conditionné par l’irruption de Vox et les perspectives de son essor. Il a accepté le débat autour des thèmes de Vox. Il a ainsi évité qu’une partie de son électorat potentiel ne se tourne vers Vox, estimant pour le moment que le discours d’Abascal est excessivement radical.
Vox :
La grande nouvelle (d’avril blog) a été les résultats de Vox. Les spéculations se sont multipliées au sujet d’une montée des voix pour Vox, menaçant de dépasser de score d’ Unidas Podemos (UP). Derrière ce score se cache une très sombre vérité. Une partie de cet électorat est claire-ment ouvrier. Ce n’est peut-être pas la composante majoritaire, mais il y a un vote ouvrier dans des quartiers habités par la classe ouvrière.
C’est un secteur qui ne s’est jamais reconnu politiquement dans aucun parti et qui croit que seule une option autoritaire peut changer une situation sociale extrêmement difficile. Qui s’est senti tellement déçu par le PSOE qu’il a cessé de croire nécessaire une relation sociologique entre le travailleur et la gauche. Ce pourrait être la base d’une croissance graduelle de l’électorat de Vox.
PSOE : entre l’illusion Sánchez et le vote utile.
Le PSOE a récupéré depuis 2016 les deux millions de voix qu’il avait perdues, grâce à la réapparition des illusions sur le vote socialiste, suite à la victoire de Pedro Sánchez. Ces illusions ont canalisé une partie de l’électorat d’Unidas Podemos qui a eu peur du « trifachito » de droite.
Sánchez a réussi à surmonter le sabotage des barons socialistes, a annoncé un tournant à gauche du parti (mais seulement dans le discours) et à faire une pause dans le conflit national-territorial (sans le résoudre). Pourtant, l’épopée du tournant à gauche de Sanchez sonne creux. C’est ce mélange d’illusions nouvelles et de vote utile qui explique une remobilisation du vote socialiste.
Unidas Podemos : résistance sans perspective
La perte d’environ 1,3 million de suffrages a été bien accueillie par ceux qui s’attendaient à en perdre plus de deux millions. Mais l’évasion des votes de l’UP vers le PSOE et l’abstention oblige à penser sérieusement le futur de cette organisation. Il est évident qu’une partie du discours d’Iglesias était vraie : les calomnies contre Podemos orchestrées par l’État ont fait des ravages.
Mais il aurait été possible de résister dans de bien meilleures conditions si le projet ne s’était pas éloigné autant de son point de départ, si les processus démocratiques de base n’avaient pas été étouffés et si Podemos avait appris à vivre avec en son sein des tendances différentes, au lieu de les écraser. C’est-à-dire si le projet de réformes structurelles avancées n’avait pas été modifié en privilégiant une entente avec le PSOE, gérée par un appareil bureaucratique ayant ses propres intérêts.
D’autre part, nous avons vécu une campagne d’UP à deux têtes, inconciliables. D’un côté, un programme mettant au centre la Banque publique, une banque d’investissements pour initier la transition écologique, freiner l’augmentation des loyers avec des contraintes imposées aux communes, lier les retraites à l’indice des prix de la consommation… De l’autre côté, un attache-ment manifeste au PSOE et à la Constitution qui fixent des limites stratégiques clairement inconciliables avec le programme énoncé.
Soit UP donne la priorité à son programme, soit aux alliances avec le PSOE. Accepter l’une des deux, c’est renoncer à l’autre : ou bien lutter pour des réformes structurelles qui sont inaccepta-bles pour le PSOE ou renoncer à ce programme au profit de mesures beaucoup plus limitées pour gouverner avec le PSOE et respecter la Constitution. Réduire tout débat aux perspectives d’UP à entrer ou non au gouvernement est un piège.
Un acteur en attente : le conflit national-territorial
Aujourd’hui plus qu’hier, ce conflit reste à l’ordre du jour. L’augmentation du vote indépendantiste et nationaliste en Catalogne et en Euskadi est une réalité. Faire la sourde oreille, comme le PSOE, ne résoudra pas le conflit, mais l’aggravera.
Les succès de l’ERC (en hausse de 7 %) en Catalogne ainsi que ceux du PNV (+7 %) et Bildu (+3 %) en Euskadi vont marquer l’agenda. Sanchez a jusqu’à présent réussi à freiner la progres-sion de l’indépendantisme mais il est exclu que cela persiste s’il n’a pas de proposition pour résoudre d’une manière ou d’une autre le conflit national-territorial de fond : l’épuisement du modèle territorial hérité de la transition de 1978 et l’absence de réponse à la revendication du droit de décider.
Pour Sanchez un moyen d’atténuer la dynamique en faveur de l’indépendance serait d’augmen-ter le niveau de compétence des deux Communautés sans toucher à la clé du conflit ouvert : les exigences de l’autodétermination et le droit de décision. Ce qui est certain, quoi qu’il fasse, il sera obligé de le faire en même temps pour les deux processus. Traiter la Catalogne de préfére-nce à l’Euskadi pourrait ouvrir en Euskadi des tendances mobilisatrices qui n’intéressent pas Sánchez.
Le piège du « bloc des gauches »
Alors que le « bloc des droites » est clair quant aux objectifs stratégiques généraux (néolibé-ralisme radical), il n’est pas évident qu’il y ait une cohérence interne dans ce que l’on a appelé le « bloc des gauches ». Une telle formule compromettrait le capital transformateur qui existe encore dans UP. Il est improbable que le PSOE soit prêt à réaliser les nécessaires transformations sociales.
Une alliance gouvernementale est le chemin le plus court pour neutraliser le potentiel de transformation qui existe encore dans UP. Heureusement, les aspirations gouvernementales d’Iglesias se heurtent l’insistance de Sánchez de gouverner seul. Il serait plus judicieux de rester à l’extérieur du gouvernement.
Dépasser Podemos pour atteindre son but fondateur
Dans le contexte où nous nous trouvons, l’objectif d’UP doit être des réformes structurelles qui améliorent la vie des gens. Et cela ne peut pas être fait par un gouvernement avec le PSOE. Le plus réaliste serait de réfléchir à la manière d’avancer dans les tâches de l’époque : générer une nouvelle culture militante politique et sociale, de nouvelles relations de solidarité entre ceux et celles d’en bas, etc.
Sans progrès dans ce domaine, nous courons le risque que le programme, la cohérence et les perspectives des dirigeants d’UP soient aussi mouvants que les votes. La seule perspective de changement sera d’attendre éternellement les élections que UP gagnera à la majorité absolue.
Ces tâches de réorganisation de la nouvelle classe ouvrière ne peuvent pas se faire exclusive-ment à partir d’UP. Il est nécessaire de construire un horizon plus large, qui intègre le meilleur, purifie le pire et nous permette d’ajouter une grande partie de l’espace social qui s’exprime en dehors d’Unidas Podemos, et dont les préoccupations sont au centre d’une stratégie révolutionnaire pour transformer le pays et le monde. (Résumé)
San Fernando, 29 avril 2019 Ernesto Manuel Díaz Macías est conseiller municipal de Podemos à San Fernando, Andalousie, et militant d’Anticapitalistas (section de la IVe Internationale dans l’État espagnol).
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