Le climat est pestilentiel en Italie. Alors que la Méditerranée charrie chaque jour son lot de cadavres de migrants, morts d’avoir voulu atteindre l’Europe, l’intolérance et le racisme se manifestent sous des formes de plus en plus virulentes, du nord au sud de la péninsule : hier, par exemple, un marchand de plage, originaire de Gambie, a été tabassé en pleine rue à Bari (Pouilles). Pas un jour ne se passe sans une déclaration incendiaire contre les « faux réfugiés » d’un dirigeant de la Ligue du Nord ou de groupuscules plus ouvertement encore néofascistes. Dans les communes où des centres d’accueil temporaires doivent être ouverts sur décision des autorités préfectorales, les jacqueries se multiplient. Et bien souvent les deux mouvements s’entrecroisent dans une atmosphère qui renvoie, comme l’a écrit récemment le quotidien Il Manifesto, à la « symbolique des pogroms »…
À Bergame (Lombardie), Matteo Salvini, le leader de la Ligue du Nord, qui a le vent en poupe dans les sondages avec 15 % des intentions de vote, menaçait il y a quelques semaines de revenir occuper lui-même une salle de sport où avaient été hébergés des migrants. « Notre patience a des limites et elles sont atteintes », avait-il lancé devant des sympathisants. Depuis lors, le même qui supplante largement Berlusconi à droite en rajoute en permanence : « Arrêtez de chouchouter ces milliers de clandestins ! Vous n’avez qu’à les accueillir dans vos préfectures ou chez vous, si vraiment vous les voulez ! » En Ligurie, dans la station balnéaire d’Alassio, le maire a pris un arrêté pour obliger la police municipale à contrôler les « certificats de santé » et à repousser hors de la commune les migrants qui en seraient dépourvus.
Dans les Pouilles, 10 000 immigrés survivent dans des ghettos
À Quinto, non loin de Trévise (Vénétie), un « comité citoyen », rassemblant des résidents, a réussi à déménager près d’une centaine d’immigrés installés par l’État dans un immeuble vacant et, au passage, quelques militants d’un groupuscule néofasciste ont même mis le feu à leurs maigres biens. Sur place, Luca Zaia, le président (Ligue du Nord) de la région Vénétie, est venu dénoncer « l’africanisation » du territoire. Mêmes scènes dans la banlieue de Rome, à Casale San Nicola, où un collectif « d’habitants » a voulu empêcher l’accueil d’une vingtaine de migrants dans un centre temporaire : fureur, cocktails Molotov, pierres et saluts fascistes devant l’autobus qui les transporte sous escorte policière avant que, quelques jours plus tard, un autre dirigeant de la Ligue du Nord, vice-président de la région des Marches, ne promette de l’huile de ricin au préfet, qualifié de « porc communiste ».
Dans toute l’Italie, les structures d’accueil pour les migrants sont totalement inadaptées, elles craquent de tous les côtés. Dans les Pouilles, « au moins 10 000 » immigrés survivent dans des ghettos et des bidonvilles, d’après le cri d’alarme lancé par la Confédération générale italienne du travail. Dans un communiqué, Francesca Chiavacci, présidente nationale de l’Arci, l’association de solidarité la plus importante en Italie, tire la sonnette d’alarme. « Les périodes les plus noires de notre histoire nous reviennent en mémoire, interpelle-t-elle. Le venin de la propagande raciste qui s’est répandue ces dernières années dans une opinion publique toujours plus désorientée commence à donner ses premiers fruits empoisonnés. Dès la rentrée prochaine, nous allons relancer une grande campagne d’information contre l’ignorance, les manipulations et les préjugés. Nous voulons battre cette peur et cette haine raciale. »