Tiré du blogue de l’auteure.
En France, on les retrouve majoritaires dans les rassemblements de l’opposition, comme celui de Villepinte en juin 2018 qui réunissaient des dizaines de milliers d’Iraniens de la diaspora en faveur de l’alternative démocratique, le CNRI. Le 8 février à Paris, elles seront aussi très nombreuses sur la place Denfert-Rochereau à soutenir le soulèvement en cours en Iran, à appeler à un changement radical de régime et à des sanctions contre les mollahs.
Moteur des manifestations
En Iran, elles donnent le « la » des protestations : enseignantes, étudiantes, infirmières, épargnantes spoliées, clientes escroquées, ouvrières, retraitées, agricultrices, mères de prisonniers politiques ou de victimes des exécutions, la liste est longue comme leurs cahiers de doléances. Elles défilent dans les rues, squattent les abords des banques, des rectorats, des ministères et du parlement, organisent des flash mob dans les sièges sociaux ou les salons d’exposition. Du 20 mars 2018 (début de l’année iranienne) à la fin décembre 2018, elles affichaient au compteur 850 manifestations.
Elles sont le cauchemar des banques de crédit liées aux gardiens de la révolution qui ont siphonné leurs économies. Régulièrement, elles prennent d’assaut le Crédit Caspian dans toutes les villes, dont elles arrosent copieusement la devanture d’œufs et de peinture. « Avec une fraude financière en moins, on pourrait résoudre nos problèmes ! », « les banques nous volent, l’État les soutient ».
Les clientes escroquées par les constructeurs Saïpa (partenaire de Renault) et Iran Khodrow réclament leurs véhicules dument payés, jamais livrés. Elles ont fait irruption dans les salons automobiles aux cris de « Iran Khodrow, Saïpa, Mafia ! » La Saïpa appartient également aux gardiens de la révolution...
Le poids de la misère
Les enseignantes protestent dans toutes les villes, en janvier on compte au moins deux manifestations par semaine. Le personnel de l’Éducation nationale souffrent de discriminations criantes, réclament la sécurité de l’emploi, des salaires alignés sur le seuil de pauvreté et appellent à la libération de leurs collègues, emprisonnés pour avoir manifesté.
Les infirmières exigent des mois de salaires impayés et des charges de travail moindres, elles sont nombreuses à être mortes d’épuisement. Les agricultrices d’Ispahan sont dans la rue avec les hommes pour exiger leur quota d’eau, le détournement du fleuve et la sécheresse ayant ruiné leurs exploitations. « Notre ennemi est juste ici, ils mentent quand ils disent que c’est l’Amérique », « Rohani menteur, où est passé notre fleuve ? », crient-elles.
Les femmes des métallurgistes d’Ahwaz et des ouvriers du sucre de Haft-Tapeh ont défilé aussi avec leurs enfants en décembre et janvier, brandissant des bannières qui en disaient long sur la crise économique en Iran : « Nous avons faim ! »
Les femmes de Kazeroun, ville dont la rébellion a été écrasée dans le sang en mai 2018, à la mosquée avec les hommes, scandaient en visant les autorités, « dos à l’ennemi, tournées vers la patrie », et dans la rue bombardaient de pierres les forces de sécurité.
En première ligne politique
Ce sont les femmes qui ont donné leur tournure politique aux manifestations de colère de la fin décembre 2017-début janvier 2018. C’est une femme qui a crié en pleine figure des forces anti-émeutes « A bas Khamenei ! », slogan qui a été repris dans près de 160 villes du pays selon le vice-ministre du Renseignement Ali Rabi’i repris par l’agence ISNA le 20 janvier 2019. Ce sont des étudiantes qui ont crié à Téhéran « Réformateurs, conservateurs, la partie est terminée ! » mettant dans le même panier l’ensemble des factions de la théocratie. Dans ce soulèvement, c’était elles qui appelaient à manifester, qui donnaient du courage ou invectivaient les peureux. Ce sont elles qui lançaient les premières les slogans qui soulevaient les foules.
Alors, à la veille du 40e anniversaire de la révolution contre le chah, les femmes de la diaspora sont bien décidées, à Paris, à faire entendre la voix de leurs sœurs en Iran, aux prises avec la misère et la répression, la ségrégation sexuelle et les discriminations. Elles viendront de toute l’Europe et d’Amérique du Nord. A 14h à Denfert-Rochereau, elles diront leur soif de liberté. Elles comptent sur la solidarité et la sororité.
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