Édition du 17 décembre 2024

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Asie/Proche-Orient

En Afghanistan, les femmes sont toujours plus effacées de l’espace public

Plus de deux ans après leur retour au pouvoir, les talibans poursuivent leur guerre contre les femmes. Ils viennent de leur interdire la fréquentation du parc Band-e Amir, l’un des plus beaux sites naturels du pays.

Tiré de Médiapart.

Saba a du mal à croire qu’elle n’a plus le droit de marcher le long des splendides lacs du parc Band-e Amir, en Afghanistan, au cœur des montagnes de l’Hindou Kouch, sa promenade favorite en famille ou entre amis qui survient généralement une fois par an, lors de la grande fête musulmane de l’Aïd el-Kebir, car la route est longue de Kaboul, la capitale, aux cimes de la province de Bamiyan.

Là voici interdite de se ressourcer dans ce paysage à couper le souffle, classé au patrimoine mondial de l’Unesco, de naviguer sur les eaux turquoises à pédalo, de contempler les cascades, les oiseaux, le mausolée. Parce qu’elle est une femme. Ainsi en ont décidé les fondamentalistes islamistes talibans, engagés depuis leur retour au pouvoir il y a deux ans dans un méthodique effacement des femmes de l’espace public.

« Non contents de priver les filles et les femmes d’éducation, d’emploi et de liberté de mouvement, les talibans veulent aussi leur retirer les parcs et le sport, et maintenant même la nature », condamne Heather Barr, de l’ONG Human Rights Watch, qui voit depuis août 2021 les droits des Afghanes se réduire de manière dramatique sous l’effet de l’interprétation rigoriste de la charia, la loi islamique, par les talibans.

Le prétexte de cette nouvelle interdiction ? Les femmes ne respectent pas le port du hijab sur le site, l’un des plus populaires et touristiques d’Afghanistan. « Nous devons prendre des mesures sérieuses dès aujourd’hui. Nous devons empêcher le non-respect du hijab », a indiqué le ministre de la prévention du vice et de la promotion de la vertu, Mohammad Khalid Hanafi, samedi 26 août.

« C’est tellement absurde et cruel », réagit Saba, jointe au téléphone par Mediapart. En juin dernier, elle s’y promenait encore et avait partagé une réflexion qui la traversait avec ses amis : « Il nous reste cet endroit magnifique. La nature, ça, ils ne peuvent pas nous l’enlever. » Deux mois plus tard, elle encaisse le coup de massue. Les femmes étaient voilées, raconte-t-elle, mais pas de la manière stricte imposée par les talibans. Depuis le 7 mai 2022, un décret, validé par leur chef suprême Hibatullah Akhundzada, rend obligatoire pour les femmes le port du voile intégral en public, au minimum le hijab, même si les talibans lui préfèrent la burqa.

« Le parc Band-e Amir est très prisé par la communauté hazara car il se trouve dans sa province. Quelques barbus talebs ont dû s’y promener, voir qu’il était encore ouvert aux femmes, que celles-ci n’étaient pas voilées de manière stricte car la communauté hazara a moins de tabous, plus d’interactions entre les hommes et les femmes, et ils ont dû exiger son interdiction. » Saba essaie de comprendre l’incompréhensible. Elle perd espoir, comme tant de femmes : « L’Afghanistan est devenu une vaste prison pour nous ; nos conditions de vie se durcissent jour après jour. »

Interdiction d’étudier au-delà de l’école primaire, de travailler pour des ONG, de voyager sans mahram (parent masculin), de se vêtir librement, de fréquenter les parcs, les jardins, les bains publics, les salles de gym, les salons de beauté, etc. La liste des restrictions qui frappent les Afghanes est vertigineuse.

« Le traitement infligé par les talibans aux femmes et aux filles » en Afghanistan « pourrait constituer un crime contre l’humanité », estime Amnesty International. Associée à la Commission internationale de juristes, l’ONG a publié en mai un rapport accablant, documentant le système de violence et d’oppression mis en place par les talibans contre les femmes pour les assujettir et les marginaliser, « les restrictions draconiennes » qui leur sont imposées, « le recours à l’emprisonnement, aux disparitions forcées, à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements… ».

Elle appelle la Cour pénale internationale (CPI) à se saisir du dossier et à retenir la qualification de « crime contre l’humanité de persécution fondée sur le genre » dans son enquête en cours sur la situation dans le pays.

Depuis le retour des talibans au pouvoir, « l’Afghanistan serait devenu l’un des rares pays au monde où davantage de femmes que d’hommes se suicident ». Le nombre de suicides et de tentatives de suicide explose. C’est la conclusion du site d’investigation afghan Zan Times et du journal britannique The Guardian qui ont compilé des données hospitalières dans plusieurs provinces du pays, d’août 2021 à août 2022.

Rachida El Azzouzi

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