Tiré du blogue de l’auteure.
Selon les statistiques officielles il y a 35,86 millions d’électeurs potentiels , mais seulement 26,75 millions d’électeurs ont fait l’effort de s’inscrire sur les listes électorales. Les régions du Cap occidental et du Cap oriental ont les plus forts taux d’inscrits avec respectivement 87 et 80 %, alors que le Gauteng, la province la plus riche et la plus peuplée avec 67% d’inscrits, à un taux inférieur à la moyenne nationale qui se situe à environ 75% .
Qui sont les abstentionnistes ?
Les plus jeunes ne montrent que très peu d’intérêt au rituel du vote : sur 1,8 millions de jeunes entre 18 et 19 ans seulement 341 186 sont inscrits sur les listes électorales. Pour ceux qui ont de 20 à 30 ans , seulement un sur deux a fait l’effort de s’inscrire. Ce sont ces tranches d’âge qui prennent de plein fouet la crise économique, qui sont massivement au chômage, qui sont les grandes victimes des inégalités sociales et qui ne voient pas poindre la moindre embellie pour leur avenir, car ils ont souvent quitté l’école en cours de route et n’ont aucune qualification ou formation. Ceux qui peuvent accéder à l’université ont bien du mal à payer les frais universitaires et à faire face aux dépenses de logement et nourriture. Ce sont eux qui sont descendus dans la rue pour exiger la gratuité des études universitaires (#Fees must fall).
Ces jeunes n’attendent rien des promesses électorales et quand ils s’intéressent à la politique, ils sont plus attirés par le parti de Julius Malema, les Combattants de la liberté économique(EFF) que par les partis plus traditionnels comme l’ANC ou le DA. Avec ses slogans à l’emporte-pièce, le parti des salopettes rouges attire les jeunes, impatients d’en découdre avec un gouvernement qui ne leur donne guère de raisons de croire dans « une aube nouvelle », quitte à franchir la ligne rouge du racisme. Les sondages montrent que ce parti qui n’hésite pas à exiger la nationalisation des richesses nationales, la terre et les minerais, grignote aussi dans les rangs de l’ANC.
Les électeurs de 30 à 40 ans sont inscrits à 70%, mais les électeurs les plus sérieux sont ceux qui ont plus de 40 ans et à partir de 50 ans la quasi totalité des électeurs sont inscrits. Autrement dit, les personnes plus âgées ont tendance à faire confiance dans la démarche citoyenne du vote et dans les partis traditionnels, même si les promesses ne sont pas tenues. Pour les adultes noirs qui ont voté pour la première fois en 1994, l’ANC reste le parti qui a fait d’eux des citoyens à part entière de l’Afrique du Sud, une victoire historique sur un passé tragique. La personnalité de Cyril Ramaphosa n’est pas non plus pour rien dans cette confiance puisqu’il est la personnalité la plus populaire à la veille des élections.
Cyril Ramaphosa sera-t-il à la hauteur des enjeux à venir ?
Si l’on se fie aux sondages, tous sont unanimes pour donner l’ANC gagnant, même si les prévisions vont de 51 à 61% des voix. Le DA est loin derrière autour de 20% ; le EFF doublerait son score précédent avec 10% des voix. Cyril Ramphosa sera donc le prochain président, mais comme se le demande le Pr Shain dans un billet publié par le quotidien Business Day, sera-t-il « un grand homme de l’histoire » ?
Tous les experts et analystes, ont brandi graphiques et statistiques pour montrer que l’économie va mal, que les inégalités se creusent, que les investisseurs hésitent à s’aventurer dans un pays où depuis dix ans au moins la corruption gangrène tout. Les scandales financiers, la mise à sac des entreprises publiques, tout comme les faillites retentissantes de compagnies privées ont largement ébranlé la confiance du citoyen ordinaire dans ceux qui ont les rênes du pays depuis maintenant 25 ans.
En plus de retrouver la confiance des citoyens, Cyril Ramaphosa devra reconstruire l’unité d’un parti complètement divisé. Les partisans de Jacob Zuma n’ont pas dit leur dernier mot et ceux qui sont sur la liste de l’ANC n’ont pas jamais dit qu’ils prêtaient allégeance au président Les syndicats, alliés de l’ANC, sont sur la défensive et ne veulent pas être sacrifiés sur l’autel de la réconciliation entre frères ennemis. A Durban pour le discours du 1ermai, Cyril Ramaphosa a dénoncé le factionnalisme qui ravage l’ANC et l’alliance tripartite (ANC, COSATU, SACP) et a appelé à voter ANC.
Si pour le monde des affaires Cyril Ramaphosa est « la dernière chance pour la démocratie en Afrique du Sud » comme l’écrit The Economist , il est surtout l’homme qui doit profiter de sa victoire pour changer le cours des choses et redonner confiance à ses concitoyens dans un avenir meilleur. Sera-t-il l’homme du moment ? Comme le dit la journaliste Judith February « Il vaut mieux ignorer les sondages, aller voter le 8 Mai – et attendre ».
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