Cela me fait penser à la politique canadienne actuelle. En 2016 quand le Parti Libéral du Canada (PLC) a gagné, c’est ce que Justin a promis : tout va changer !
Le journaliste montréalais Martin Lukacs vient de publier un petit libre qui raconte tout cela, « The Trudeau formula » (une version française est en préparation). Il passe en revue les maigres réalisations libérales, notamment sur la crise de l’environnement et sur les droits des autochtones. Sous le long règne de Stephen Harper, le gouvernement avait adopté une posture agressive et un ton presque injurieux. Les écolos étaient des « terroristes », les autochtones des « enfants gâtés ». Le langage était synchronisé avec les politiques mises en place, pour renforcer le complexe pétrolier-minier par exemple.
Avec Trudeau, on a changé de registre. Il faut se « réconcilier » avec les autochtones. Le Canada doit devenir plus « vert », etc., Pour autant, sur l’essentiel, c’est la continuité. À part les opérations médiatiques et les faux repentir, l’État canadien n’a pas été en mesure de négocier de manière substantielle avec les autochtones, car la question-clé, celle du territoire, reste intouchable dans la persistante logique coloniale. En d’autres mots, les autochtones peuvent avoir des « droits » en autant qu’ils ne contrôlent pas les terres qu’ils habitent ou qu’ils ont cédées sous la contrainte tout au long de la construction canadienne.
Sur la question de l’environnement, Trudeau, avant même son élection, avait rassuré les grosses pointures de l’industrie. Il avertissait ceux-ci que des changements étaient nécessaires pour sauver la mise, sans toucher au cœur de la question. L’important, disait-il, était de développer les capacités de production et d’exportation du pétrole extrait des sables bitumineux, quitte à proposer des mesures très mitigées, comme la bourse sur le carbone.
On connaît la suite, avec le scandaleux rachat du pipeline de TransMountain, qui aura comme effet concret de réduire pratiquement à néant les objectifs de réduction des gaz à effet de serre.
Selon Lukacs, la philosophie politique du PLC est incompatible avec des politiques qui pourraient réellement faire face au défi climatique.
Fait à noter, Lukacs explique que la popularité initiale de Trudeau, ce qui lui a permis de gagner la dernière élection, est venue avec le recentrage du NPD vers la droite sous Thomas Mulcair. Avec des politiques semblables et même parfois en retrait de celles du PLC, le NPD n’a aucune chance de se frayer une place. À moins, explique Lukacs, que les éléments sains de ce parti, qui s’étaient regroupés autour du Manifeste « Leap », ne reviennent à la charge. Ce qui pourrait se produire, si les sondages actuels prédisant une débâcle pour ce parti qui a déjà été social-démocrate, sont confirmés lors de l’élection prochaine du 21 octobre.
En tenant compte de tous les facteurs cependant, la réélection du PLC n’est pas certaine.
Traditionnellement et actuellement, le Parti conservateur est un parti qui plaît à l’oligarchie financière, avec l’appui d’une partie importante des couches petites-bourgeoises au Canada anglais, tentées par le discours vaguement populiste de droite, inspiré par le Parti républicain des États-Unis. Il n’en reste pas moins que les secteurs « réalistes » de cette oligarchie, qu’on retrouve par exemple dans le Conseil canadien des affaires, sont également très confortables avec le PLC
Pour l’élection d’octobre prochain, le message de Trudeau vers les élites économiques est clair : « avec les Conservateurs, vous vous sentez bien. Mais avec nous, vous êtes davantage en sécurité ». Pour la population, la campagne libérale doit faire peur, en misant sur le bilan désastreux de Doug Ford en Ontario et en faisant ressortir que l’image tranquille offerte par Andrew Scheer est un leurre pour occulter les politiques ultra austéritaires et réactionnaires qui vont venir en cas d’une victoire du PC.
Beaucoup de gens vont effectivement croire que le PLC est le « moins pire ». Dans le système électoral canadien profondément anti-démocratique (comme aux États-Unis), c’est effectivement cela le « choix », entre le pire et le pire-pire.
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