Édition du 17 décembre 2024

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États-Unis

Donald Trump rejeté

Le résultat des élections de mardi (le 6 novembre) représente un lourd rejet de D. Trump. C’est aussi une preuve de plus que l’électorat est prêt à des politiques de gauche plutôt qu’aux doucereuses propositions des centristes.

Keeanga-Yamahtta Taylor, assistant prof. au Centre d’études afro-américaines de l’Univ. Princeton
Jacobinmag.com, 7 novembre 2018
Traduction, Alexandra Cyr

Les victoires qui ont renversé l’emprise des Républicains.es sur la Chambre des représentants ont fait éclater les perceptions de toute puissance et de caractère impénétrable du trumpisme. C’est l’effet de toutes les références au progressisme, des candidatures de gauche pour les postes dans les États et plus spectaculairement, du rétablissement du droit de vote de la vaste majorité des anciens.nes condamnés.es en Floride. Il y a eut des victoires démocrates importantes dans le Midwest où le Président avait gagné en 2016. On salue aussi la sortie des gouverneurs dinosaures du Wisconsin, Scott Walker et de l’Illinois, Bruce Rauner. Ce sont d’importantes répudiations du suprématisme blanc qui émane de la Maison blanche. C’est aussi la confirmation qu’il y a une attente pour des politiques de gauche en ce moment et pas pour les timides du centre.

Les échecs de certains.es démocrates qui se représentaient au Sénat et ailleurs, démontrent clairement qu’il est impossible de battre les néo-confédéralistes nationalistes blancs.hes, avec des appels sans consistance à la civilité et à la bonne gouvernance. Les Démocrates conservateurs.trices et centristes se sont rendu compte que l’électorat ne veut pas perdre son temps avec des demi-mesures.

Seul un programme politique radical nous permettra d’enterrer le cauchemar Trump. Il devra nous fournir une alternative contemporaine et réelle au statut quo. La très importante augmentation de la participation au vote en est un indicateur puissant. Les Démocrates n’ont pas fait campagne que contre D. Trump. Leur campagne a porté sur Medicare pour tous et toutes, l’abolition de ICE (police de l’immigration) et d’autres enjeux politiques perçues comme progressistes et pas seulement pour le maintient du statut quo. Ce facteur manquait lors de l’élection présidentielle de 2016. (…)

Là où ce programme démocrate n’a pas permis de gagneri, particulièrement en Floride avec Andrew Gillum et possiblement en Georgie, avec Stacey Abrams, c’est le racisme le plus clair, l’intimidation des électeurs.trices , le retrait d’inscrits.es sur les listes électorales et les mensonges éhontés qui en sont les causes les plus probables. Même au Texas où Beto O’Rourke à perdu par un cheveu face à l’abominable Ted Cruz, le retrait d’inscrits.es des listes électorales, la privation du droit de vote et les appels ouverts au racisme ne devraient pas être sous estimés dans ce résultat. Et c’est sans compter les attaques vicieuses contre les pauvres et la classe ouvrière latina sous le couvert de la « crise de l’immigration ».

En général, le racisme de l’électorat républicain est en phase avec les efforts des élites républicaines pour empêcher l’accès au vote des gens de couleur et des Latinos.as. Ce n’est surement pas toute l’histoire mais le Parti républicain joue depuis longtemps avec le remaniement des limites des circonscriptions et utilise les tribunaux pour réduire l’accès au vote. Il va sans doute continuer cette pratique alors que son message à l’endroit de sa base partisane et maniaque se rétrécit de plus en plus.

La nécessité de la lutte et de l’organisation demeure plus importante que jamais. C’est l’autre vérité qui ressort de cette élection. Avec les efforts pour générer la mobilisation des électeurs.trices, le pauvre discours qui réduit presque toute la lutte politique des Afro-américians.es au droit de vote à refait surface. Évidemment sécuriser leur droit de vote à toujours été une partie centrale de leurs mouvements politique depuis l’émancipation. Mais, même les militants.es et organisateurs.trices dans le mouvement des droits civiques comprenaient que leur lutte était beaucoup plus large. Les révoltes du Black Power et les émeutes urbaines de la deuxième moitié des années 1960 ont amèrement démontré que voter ne suffisait pas, loin s’en faut.

Bien sûr, la population noire a voté dans les villes en dehors du Sud, des décennies avant le mouvement pour les droits civiques. Mais elle s’est quand même retrouvée enfermée dans des habitations de deuxième ordre, ségréguées, avec des écoles sous financées et des emplois mal payés. Tout cela en étant cernée par une police raciste et abusive. Ce n’est pas une coïncidence si les émeutes de Watts au sud de Los Angeles ont éclaté 5 jours après l’entérinement en 1965 de la loi sur le droit de vote par le Président L.B.Johnson. Pour le reste du pays, il était évident que la participation dans une démocratie profondément discutable et raciste ne donnait aucune garantie de liberté et de justice, ce que la population de couleur cherchait.

Ce fut une période de rébellion mais où on a aussi vu fleurir des organisations radicales avec des attentes toutes aussi radicales pour une nouvelle configuration de la société américaine. (M.L.) King y référait en parlant d’une reconstruction radicale des États-Unis. Des millions de gens se sont radicalisés face aux limites intrinsèques de la démocratie américaine.

Pour le dire brutalement, (il est clair que) le vote ne suffit pas quand on entend Mme Pelosi, dans sa première réaction à la victoire démocrate à la Chambre,dire : « aller vers les adversaires » dans l’espoir d’arriver à « des collaborations entre les élus.es des deux partis ». Cela confirme à quel point la direction actuelle du Parti démocrate est en dehors de la réalité, qu’elle n’a presque rien appris des élections de 2016. La poursuite de la lutte pour qu’elle prenne sérieusement en mains un programme en faveur des pauvres et de la classe ouvrière, est décisif.

Ce parti ne fera pas cela spontanément ni seul. Ce serait une véritable trahison du cynisme des élites démocrates. Elles sont d’accord avec l’autoritarisme et le racisme de D. Trump pour faire sortir le vote et immédiatement après, faire des appels au travail en commun entre Partis alors que ce qu’il faut en ce moment, c’est un plan politique pour détruire le Parti républicain.

Mais, dans le monde de l’instantanéité où nous vivons, il est facile de penser au massacre des Juifs.ves, aux meurtres des citoyens.nes afro-américians.es et à l’utilisation de bombes dirigées vers des individus perçus.es comme de ennemis du Président Trump comme de l’histoire ancienne. C’était il y a deux semaines. Comment est-il possible de promouvoir le travail en commun avec un Parti exceptionnellement prolixe en racisme, en violence politique et qui est hostile à des millions de personnes dans ce pays ? C’est cette position de modération, de pragmatisme, de négociation, de compromis et de banals appels au travail en commun que les dirigeants.es peuvent prendre quand nous ne sommes pas organisés.es pour faire valoir nos propres revendications.

J’implore ceux et celles qui pensent que nous pouvons en tant que société, nous promener dans les méandres de la politique sauvage, gagnant certaines luttes en perdant d’autres, à regarder au-delà de nos frontières. Regardez le Brésil. Jetez un coup d’œil à travers l’Europe. La montée de l’extrême droite est réelle. La menace du fascisme est réelle. L’effondrement du climat est réel. Tout cela exige une transformation qualitative de nos attentes politiques et de nos revendications. Nous devons voir grand. Nous devons nous organiser en conséquence. Il faut plus que « faire sortir le vote ». Le dur travail doit continuer.

Keeanga-Yamahtta Taylor

Auteur pour le site SocialistWorker.org. Professeure assistante du Center for African American Studies de l’Université de Princeton et auteure de From #BlackLivesMatter to Black Liberation.

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