Selon la ministre il était urgent de déposer et de faire adopter ce projet de loi, car les retraités de la compagnie White-Birch venaient de subir de nouvelles coupures de leurs rentes. Pour la Ministre, comme elle le dit, il fallait que : « nous mettions, j’oserais dire, un petit peu de pression sur les ententes qui sont en train de se bâtir autour de l’avenir de leurs régimes de retraite ».
Au mois de juillet dernier, afin que la compagnie White-Birch au bord de la faillite puisse se sortir de la loi sur les arrangements avec les créanciers, des ententes auraient été convenues entre les syndicats, l’employeur et le gouvernement. Ces ententes devaient prévoir, entre autres, la fin des régimes de retraite à prestations déterminées remplacés par des régimes à prestations cible. Comme les régimes de retraite étaient alors en déficit de solvabilité, on annonçait aussi que les pensions des retraités seraient coupées de 30% pour les retraités de l’usine de Stadacona à Québec, et 10% pour ceux des usines de Rivière-du loup et de Gatineau. L’entente devait prévoir aussi que White-Birch devait garantir dans le nouveau fonds de pension une somme de 35 millions$ pour assurer que les coupures de rentes ne soient pas supérieures aux pourcentages établis. De plus, le gouvernement Charest aurait consenti un prêt de 35 millions$ pour relancer l’usine de Québec si White-Birch investissait 46 millions$ pour moderniser son usine et développer de nouveaux produits.
Or comme les 35 millions$ de la compagnie manquaient toujours à l’appel et les nouveaux régimes de retraite n’étaient pas encore créés, les retraités de Québec ont reçu un avis les informant que leur pension sera amputés de 47% dès décembre et de 50% pour ceux de Rivière-du-Loup et de Gatineau. Les retraités en ont gros sur le cœur. Le 29 novembre dernier ils convoquaient une conférence de presse pour exprimer leur désarroi. Selon le Soleil du 30 novembre le président du Regroupement des retraités de l’usine de Stadacona M. Gilles Bédard s’exprimait ainsi : « On se fie à Renaud Gagné qui est le négociateur [vice-président national du Syndicat des communications, de l’énergie et du papier N.D.L.R.], on se fie à Sam Hamad qui est le ministre responsable des régimes de retraite, on se fie au grand boss de la Régie des rentes, si je ne peux plus me fier à eux autres, j’ai un problème. Et je réalise aujourd’hui que le monde avait raison de dire : « Bédard, tu te trompes, tu vas te faire fourrer. » Mais c’est exactement ce que je constate qu’il nous arrive aujourd’hui. Et je m’en excuse auprès de nos membres, d’avoir fait confiance à tous ces gens-là », a-t-il laissé tomber ».
Ce projet de loi # 15 visant à établir des régimes de retraite à prestations cible que la ministre vient de déposer pour mettre : « un petit peu de pression sur les ententes » chez White-Birch est-il la solution ? Certainement pas. Il ne fera aucune pression sur l’employeur et encore moins rétablir les rentes des retraités à leur pleine valeur et pour laquelle ils ont payé. Plus encore, on risque de voir se développer à brève échéance ce type de régimes de retraite en dehors du secteur des pâtes et papiers. D’ailleurs la ministre l’a invoqué dans sa présentation du projet de loi, en particulier pour ce qui concerne les régimes de retraite des municipalités.
Rappelons aussi qu’un comité présidé par Alban D’Amour ex-président du mouvement Desjardins doit déposer prochainement un rapport à cet effet à la ministre Nous ne connaissons pas les détails de ce type de régime de retraite à prestations cibles, mais nous savons que les prestations de retraite varieront en fonction de la performance des marchés financiers. Les employeurs ne seront plus responsables des déficits comme dans les régimes à prestations déterminées. Quand les marchés financiers seront à la hausse, les pensions pourront être augmentées, quand les marchés seront à la baisse les pensions seront coupées.
Ce type de régime concocté par la Régie des rentes et réclamé aujourd’hui par les employeurs n’est pas nouveau. L’Express des Retraités de mars 2011 mentionnait qu’en Suède en 2010 les rentes ont été coupées de 2% et de 5% en 2011 à cause de la mauvaise performance des marchés. Ce type de régime de retraite constitue un autre énorme recul dans le système de retraite actuel.
Source : L’express des retraités, 6 décembre 2012