Dans un premier temps, les groupes dénoncent l’impact négligeable du projet sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) au Québec et déplorent qu’Énergir ait produit une estimation totalement déficiente des émissions en lien avec son projet. Plus précisément, ils soulignent que le rapport du BAPE révèle une surestimation significative par Énergir des réductions d’émissions de GES, estimant que les émissions réelles évitées pourraient n’être que de 32% des chiffres avancés par l’entreprise, soit environ 1 034 000 tonnes d’équivalent de CO2. Cette différence provient entre autres de la non-prise en charge, dans les calculs d’Énergir, du retrait de l’approvisionnement du biogaz consommé actuellement par Papiers Rolland, qui devrait dorénavant consommer… du gaz fossile.
Les groupes insistent aussi sur le fait que la commission d’enquête du BAPE indique qu’elle :
est d’avis que, face à l’urgence climatique, il est essentiel [les groupes soulignent] que le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs exige des initiateurs qui justifient leur projet par une réduction des émissions de gaz à effet de serre, qu’ils en fassent la démonstration de manière rigoureuse. Dans le contexte où chaque réduction revêt une grande importance, il est impératif que les autorités connaissent la réelle contribution des projets aux objectifs québécois pour prendre les décisions les concernant de manière éclairée. (p.42)
De plus, les groupes dénoncent fermement l’écoblanchiment d’Énergir, remarqué aussi par la commission d’enquête, selon laquelle Énergir « […] n’a pas fourni une estimation détaillée et complète des réductions des émissions de GES liées à son projet et qu’elle ne dispose pas d’un portrait complet de l’impact réel du projet sur ces émissions – et ce, même s’il s’agit de l’une des principales justifications de son projet » (idem). C’est pourquoi le BAPE « considère qu’il est essentiel qu’Énergir calcule les émissions de GES évitées par son projet à partir d’une méthode reconnue » (idem).
Dans un second temps, les groupes relèvent que le rapport du BAPE suggère également une réévaluation critique de l’utilisation finale du gaz naturel renouvelable (GNR) dans le mix énergétique québécois. Ils considèrent ainsi que toute nouvelle production et utilisation de GNR doit être rigoureusement évaluée pour garantir qu’elle contribue à une réduction nette des GES, et non à une augmentation du recours aux énergies fossiles aux dépens de l’électrification. En effet, le caractère renouvelable du GNR dilué dans le gaz fossile ne résout pas le problème de la dépendance aux énergies fossiles. Les groupes réclament de longue date un débat public et politique sur l’avenir énergétique du Québec.
Les groupes somment également le gouvernement de respecter l’avis du BAPE qui prône la tenue d’un véritable débat public sur l’énergie au Québec, comme en témoigne cet extrait de son rapport :
En accord avec le principe de développement durable qui prône la participation et l’engagement, encourageant l’implication de la société civile dans la définition d’une vision concertée du développement, la commission d’enquête tient à souligner l’importance d’une délibération publique. Tout en reconnaissant les démarches de consultation publique du gouvernement du Québec sur les actions à considérer dans le cadre de la transition énergétique, la commission demeure convaincue que les choix en cette matière devraient résulter d’un débat ouvert visant à garantir une compréhension collective des enjeux et à assurer une prise de décision éclairée et équitable. (p.43)
Enfin, les groupes rappellent que des études récentes ont mis en question l’illusion du GNR au Québec, en mettant en lumière sa non-carboneutralité, son coût élevé, sa rareté ainsi que les défis écologiques et environnementaux liés à sa production. L’encadrement strict de son utilisation est donc crucial et devrait privilégier des cas spécifiques surtout dans les secteurs difficiles à électrifier.
Les groupes réclament donc instamment une stratégie énergétique qui intègre une approche globale, en tenant compte des impacts environnementaux, sociaux et économiques, et ils insistent sur l’importance de la participation de la population québécoise à ces débats cruciaux.
En conclusion, les groupes déplorent l’avis favorable du BAPE, même s’il comporte d’importants bémols, et martèlent que le gouvernement ne peut pas accepter un tel projet. Il est nécessaire que l’utilisation du GNR soit rigoureusement évaluée et qu’Énergir calcule adéquatement les émissions de GES évitées par son projet à partir d’une méthode reconnue. Il en va de la valeur environnementale de ce projet, et, en fin de compte, de son acceptabilité sociale.
Citations
Jacques Rousseau, Regroupement vigilance hydrocarbures Québec :
« Injecter une petite portion de gaz renouvelable dans les conduites de gaz fossile d’Énergir ne peut qu’entretenir l’illusion que le gaz fait partie de la solution pour lutter contre les changements climatiques. Dans le cas du LET de Sainte-Sophie, Papiers Rolland devrait pouvoir continuer d’être approvisionné avec le biogaz issu des matières organiques qui y sont enfouies. À l’avenir, il faut cesser d’enfouir les matières organiques et en faire du compost afin de préserver la vitalité de nos sols. »
Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie à Greenpeace Canada :
« Le BAPE soulève plusieurs enjeux majeurs et démontre qu’Énergir a encore une fois tenté de faire de l’écoblanchiment, cette fois, en présentant une estimation totalement bâclée des émissions de GES de son projet. Le gouvernement Legault ne doit pas approuver ce projet, tant qu’il n’aura pas démontré qu’il cadre avec les objectifs de réduction des GES du Québec et tant qu’il n’aura pas tenu un véritable débat public et adopté une politique énergétique cohérente et à la hauteur de la crise climatique. »
Jean-Pierre Finet, analyste et porte-parole du Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEÉ) :
« Approuver ce projet tel que soumis, considérant le peu de bénéfices environnementaux et le risque très probable de pertes d’emplois, serait très mal avisé. En espérant que le ministre Charrette renvoie Énergir et Waste Management à la table à dessin et adopte une stratégie claire sur l’utilisation prioritaire du GNR aux usages industriels difficiles à électrifier. »
*Groupes signataires de ce communiqué : Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME), Greenpeace Canada, Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEÉ), Regroupement vigilance hydrocarbures Québec (RVHQ), Nature Québec, Travailleurs et travailleuses pour la justice climatique (TJC).
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