Édition du 19 novembre 2024

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Laïcité

Dépôt du projet de loi sur les signes religieux : Ceci n’est pas une réelle neutralité religieuse de l’État

Après un premier examen du projet de loi 21, la Ligue des droits et libertés (LDL) demande au gouvernement Legault de faire marche arrière.

La LDL est d’avis que ce projet de loi créé du profilage religieux - particulièrement envers les femmes musulmanes - et va à l’encontre de la Charte des droits et libertés. La LDL a émis les mêmes réserves ces dernières années lors d’initiatives similaires, comme avec la Charte des valeurs du Parti québécois et le projet de loi 62 du Parti libéral. La LDL déplore aussi grandement le fait que le gouvernement ait choisi de recourir à la clause dérogatoire afin d’écarter les libertés fondamentales au nom des valeurs de la « nation québécoise ».

« Une réelle neutralité religieuse implique que l’État doit demeurer neutre vis-à-vis des différentes religions afin de préserver à chacun-e la possibilité d’exercer sa liberté de conscience et de religion. C’est l’État qui doit être laïc, pas les individus. Or, ce projet de loi fait le contraire. On fait porter le poids de la neutralité religieuse de l’État aux personnes dites en situation d’autorité coercitive, et en grande partie aux femmes musulmanes. Cela occasionnera encore plus d’exclusion et de discrimination envers elles, notamment au niveau de leurs droits économiques et sociaux tel le droit au travail », avance Eve-Marie Lacasse, coordonnatrice de la LDL.

Clause dérogatoire

« Si le gouvernement s’est empressé d’inclure une disposition de dérogation aux chartes des droits et libertés, c’est parce qu’il sait que son projet de loi est injustifiable. En effet, cette interdiction du port de signes religieux destinée à un nombre très restreint de personnes dites en situation d’autorité coercitive constitue une atteinte aux libertés fondamentales et ne répond à aucun objectif réel et urgent pour la société québécoise, si ce n’est qu’à servir des intérêts politiques. Nous pouvons émettre l’hypothèse que cette stratégie gouvernementale ne survivrait pas à un examen par le Comité des droits de l’homme des Nations unies », remarque Lucie Lamarche, vice-présidente de la LDL.

On ne peut faire l’économie de la Charte

« Ce n’est pas parce qu’on fait de la politique avec des préambules de chartes et des clauses interprétatives qu’on peut faire l’économie du respect de la Charte des droits et libertés et des garanties relatives à la liberté de religion. Cibler les fonctions dites d’autorité coercitive – et élargir la liste de ces fonctions – c’est faire indirectement ce que la Charte interdit de faire directement : soit retreindre la liberté de religion », continue Mme Lamarche. Pour la Ligue des droits et libertés, si le gouvernement Legault souhaitait sincèrement parler de neutralité religieuse de l’État, il aborderait d’autres enjeux centraux, dont le financement des écoles privées confessionnelles.

Avaliser un préjugé

La LDL rappelle aussi que la neutralité se vérifie avant tout aux comportements et non à l’apparence, à moins d’avoir une bonne raison de la mettre en doute ou d’entretenir le préjugé selon lequel les personnes portant des signes religieux n’exerceraient pas leur fonction en toute impartialité et sans discrimination. Selon la LDL, ce projet d’interdiction avalise et renforce ce préjugé.

« Pourtant, des exemples d’exercice discriminatoire d’une fonction par des personnes ne portant pas de signes religieux sont bien documentés. La LDL s’intéresse depuis des années à plusieurs exemples de profilages racial, social et politique, que l’on pense simplement aux forces policières qui font justement partie des catégories d’emploi visées par le projet de loi. Nous sommes d’avis que les questions de profilage représentent plutôt le problème réel et urgent auquel devrait s’attaquer le gouvernement », observe Mme Lacasse.

Les organismes et la population non entendus

La LDL dénonce vivement l’intention du gouvernement Legault d’adopter ce projet de loi en limitant le débat à des consultations particulières et en écartant les organismes de la société civile et la population.

« C’est une dérive autoritaire très préoccupante et indigne d’un gouvernement d’un État démocratique. En sacrifiant ainsi la diversité et la pluralité des points de vue sur un enjeu extrêmement sensible, le premier ministre Legault et le ministre Jolin-Barrette gouvernent au gré des « consensus » et non du respect de la règle de droit. Les minorités en paient le prix. Si le gouvernement s’entête à ne pas reculer sur ce projet de loi, il ne doit pas traiter cette question comme une formalité en commission parlementaire, mais bien comme un choix exigeant une délibération large avec la population québécoise », termine Mme Lacasse.

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