Édition du 17 décembre 2024

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Élections québécoises 2008

DÉBAT SUR LE VOTE "STRATÉGIQUE"

Dimanche 7 décembre 2008

Marois tend la main à la gauche pour mieux délégitimer les partis alternatifs

Pauline Marois demande aux militantes et militants de Québec solidaire et du Parti vert de voter pour le Parti Québécois afin d’éviter le fractionnement du vote de gauche. Elle prétend même que les membres de ces partis ont plus de chances de voir leurs idéaux se réaliser en appuyant son parti.

Cet appel est non seulement trompeur, mais antidémocratique

La restauration de la légitimité démocratique des partis politiques face à la population passe par un préalable : la relance de la confrontation entre projets politiques réellement alternatifs. La démocratie citoyenne est indissociable de la clarification des enjeux et de l’identification des intérêts qui s’opposent. En voulant faire fi de cette clarification, en voulant gommer les différences, Pauline Marois tente de délégitimer l’existence même de ces partis politiques. Pourtant, seule cette identification des débats conflictuels qui traversent la société permettra de mobiliser les électeurs et les électrices et de développer une véritable démocratie citoyenne.

Vouloir dénaturer ou dévaloriser le clivage gauche/droite , c’est vouloir faire disparaître le caractère alternatif des propositions présentées par les différents partis politiques. C’est empêcher que les débats véritables se révèlent au grand jour devant l’ensemble des citoyennes et des citoyens du Québec.

Pourquoi les citoyenness et les citoyens qui croient à un système public d’éducation devraient-ils se fier à un parti qui refuse de s’attaquer au financement public des écoles privées ? Pourquoi les citoyennes et citoyens qui veulent un système de santé publique devraient-ils voter pour le Parti Québécois qui considère comme normal que 30 % des dépenses de santé au Québec se fassent au profit du secteur privé ? Pourquoi devraient-ils voter pour un parti qui a permis que s’installe une exploitation forestière qui s’est attaquée à l’intégrité de la forêt boréale ? Pourquoi devraient-ils voter pour un parti qui a soutenu l’agriculture agro-exportatrice au mépris de la qualité de l’environnement et de la souveraineté alimentaire ? Pourquoi devraient-ils voter pour un parti qui n’a pas été capable de rejeter clairement de projet Rabaska et qui n’a cessé de tergiverser à cet égard ? Pourquoi devraient-ils voter pour un parti qui rêve de développer la filière pétrolière et gazière au Québec ? Pourquoi devraient-ils voter pour un parti dont la cheffe défend encore la mise à la retraite des infirmières et des médecins au nom du culte du déficit zéro ?

Quand on s’oppose à la logique du profit maximum, quand on se place du point de vue de la justice sociale, quand on pense que la construction de logements sociaux en nombre suffisant pour répondre à la demande sont des nécessités, pour Pauline Marois on rêve. Nous disons que ce projet de société n’est pas un rêve, c’est un projet social que le Parti Québécois a bafoué assez souvent pour qu’on ne se fasse plus d’illusions sur ce dernier.

Tous les projets alternatifs doivent être soumis au verdict des urnes et leurs résultats doivent être reconnus par le processus électoral.

Pire, Pauline Marois tend la main à des partis dont elle a refusé que le mode de scrutin reconnaisse l’existence. Le PQ s’est toujours opposé dans les faits au suffrage proportionnel. Par là, il a toujours refusé la reconnaissance institutionnelle du soutien que ces partis reçoivent de secteurs significatifs de la population du Québec. Le PQ a ainsi refusé que tous les votes au Québec comptent réellement. Est-ce une logique démocratique ? En aucune façon. La seule logique de cette position est d’empêcher les personnes qui pensent autrement d’avoir une représentation politique reconnue à l’Assemblée nationale. La pire des formes de la lutte politique est celle qui compte sur la restriction des droits démocratiques des citoyennes et des citoyens pour imposer les vues de leur parti. Et c’est bien une telle politique que le Parti Québécois a défendue dans les faits. Rappelons-nous que le PQ s’est prononcé contre la participation de Françoise David au débat des chefs. Une logique similaire.

Alors, voter pour le PQ, ce serait un vote utile. Ce serait avancer dans les voies de la réalisation de nos convictions. Au contraire, ce serait être inconséquent et se nourrir d’illusions. Ce serait manifester un manque de mémoire désespérant. En votant pour Québec solidaire, loin de participer à la fragmentation de la gauche, on participe à son affirmation, on rompt avec un parti qui ose se prétendre de gauche mais qui agit à droite quand i l est au pouvoir. On refuse la démagogie de Pauline Marois qui tout en se prétendant de gauche affirme être prête à s’ouvrir au parti de Mario Dumont, un parti de la droite néolibérale et populiste.

L’affirmation de l’autonomie politique de gauche, c’est un pas essentiel à son développement. Sur cette voie, le Parti Québécois est un obstacle qu’il faudra surmonter ! Voter selon ses convictions, c’est la seule façon de bâtir la gauche sur des bases solides et préparer des changements véritables et souhaitables pour la société québécoise.

Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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