Édition du 17 décembre 2024

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Économie

Croissance : la solution ou le problème ?

La campagne électorale débute : préparons-nous à entendre les politicien-ne-s reprendre l’éternel mantra « de la croissance à tout prix afin de résorber la dette ». Combien d’entre eux-elles réalisent que c’est une contradiction dans les termes ? En effet, d’où provient l’argent de nos jours ?

Un monde réglementé

S’il fut une époque où l’argent était un bien matériel qui s’échangeait en espèces sonnantes, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les Américains avec le Glass Steagall Act de 1932 et les accords de Bretton Woods, conclus en 1944 avec des dizaines d’autres pays, ont réinventé le système monétaire. Le dollar américain devenait alors l’unité de référence et s’échangeait à raison de 35$ l’once d’or.

Jusqu’aux années 1970, les banques étaient strictement règlementées. Cela n’a pourtant pas empêché le développement des mille et une technologies à la base de notre mode de vie actuel. Les États-Unis étaient le pays le plus riche. La dette fédérale accumulée depuis leur fondation, 200 ans plus tôt, était de seulement 1 800 $ par habitant. Et leurs grands patrons gagnaient 25 fois le salaire moyen de leurs employés.

Le monde dérèglementé

En 1971, le président Nixon a mis fin à ce système réglementé. Désormais, plus aucun lien entre la quantité de monnaie émise et une quantité d’or disponible. La création d’argent virtuel a pris son envol. L’argent, pour l’essentiel, n’est plus que des chiffres dans les ordinateurs des banques. Des banquiers non élus détiennent le pouvoir suprême : décider quoi financer et à quelles conditions. Ce pouvoir, ce sont les États qui le leur ont concédé.

Depuis, les banques créent l’argent en faisant des prêts. Plus elles en font, plus elles créent d’argent, plus elles perçoivent d’intérêts et plus elles engrangent de profits. En contrepartie, l’État, les compagnies et/ou les individus s’endettent toujours plus. Ce nouvel argent fait constamment augmenter les prix de nos biens réels (maisons, autos...) et surtout financiers (Bourses, produits dérivés...).

Cinquante ans plus tard, quels sont les résultats de cette dérèglementation ? Les États-Unis sont toujours le pays le plus riche, mais leur dette fédérale est de 64 000$ par habitant (35 fois plus qu’en 1970). Et les grands patrons américains gagnent 300 fois le salaire moyen de leurs employé-e-s. Qu’est-ce qui a tant changé dans nos vies pour justifier une telle augmentation de la dette et de la compensation des PDG ?

Les supposées « lois économiques » ont-elles changé ? Non, parce qu’il n’y en a pas. « L’économie est un argument politique » conclut l’économiste Ha-Joon Chang. Ce qui a changé ce sont les lois politiques. Après l’abandon du Glass Steagall Act sous Bill Clinton en 1999, les banques de dépôt ont acheté des banques d’investissement, des compagnies d’assurances et ont multiplié l’utilisation des paradis fiscaux. Elles ont créé des produits financiers dérivés de plus en plus complexes et souvent frauduleux qui, au Québec, ont fait perdre 40 milliards de dollars à la Caisse de dépôt en 2008. Pour renflouer ces prêts toxiques et empêcher un krach généralisé, la Réserve fédérale américaine, un consortium de banques privées, a littéralement créé des milliers de milliards de nouveaux dollars.

Malgré cela, les banquiers et bien des économistes ont le culot de prétendre qu’ils sont de meilleurs gestionnaires de l’argent que l’État ne le serait. Bernie Sanders écrivait récemment : « La réalité est que la fraude est le modèle d’affaires de Wall Street. Ce n’est pas l’exception à la règle---c’est la règle ». En effet, chaque année les grandes banques payent des dizaines de milliards de dollars en amendes et pénalités tant elles fraudent le système et leurs clients. Quand confronterons-nous enfin les apôtres de cette supercherie « du secteur privé qui se prétend omniscient et omni-compétent » ?

Conclusion

Rien n’empêcherait un État de créer son argent, avec ou sans intérêts, pour les besoins réels et non spéculatifs de son économie. Pourquoi la collectivité ne se payerait-elle pas des intérêts à elle-même plutôt qu’à des banques privées qui abusent de leur pouvoir ?

Face aux nombreux enjeux qui confrontent nos États et la planète (climat, pollution, immigration, vieillissement de la population), il est grand temps de repenser notre système économique. L’idée d’une croissance illimitée est incompatible avec les ressources d’une planète limitée, ce qui nous oblige à faire des choix éthiques et éclairés quant à nos objectifs de développement. Lequel des partis en présence aura l’audace et le courage de relever un tel défi ?

Daniel Boisvert,

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