Tiré du blogue de l’auteur.
Tout le monde en convient : les dérèglements climatiques et l’effondrement écologique que les scientifiques ne cessent de documenter s’accélèrent et, les années passant, la fenêtre de tir pour mener des politiques appropriées et ambitieuses se réduit. Autrement dit, nous perdons du temps alors que nous en manquons cruellement pour transformer de fond en comble cette formidable machine à réchauffer la planète qu’est notre insoutenable système économique.
Perdre du temps est d’ailleurs ce qui semble guider Emmanuel Macron et son gouvernement : toujours repousser à plus tard ce qui devrait être fait aujourd’hui. A l’automne 2019, alors qu’un rapport conjoint des ministères de l’économie et de la transition écologique montrait que 25 milliards de dépenses publiques annuelles étaient défavorables à l’environnement, le gouvernement et la majorité n’en ont pas tenu compte pour élaborer et voter le Budget 2020. Il fallait laisser la Convention climat travailler, ont-ils prétexté.
Par contre, l’exécutif n’a pas hésité, sans même consulter ou tenir informée les membres de la Convention citoyenne sur le climat, à augmenter le niveau d’émissions de CO2 autorisées jusqu’en 2023. Dans le détail, le gouvernement propose d’augmenter de 6% le budget carbone 2019-2023 de la France, passant de 398 millions de tonnes de CO2 équivalent moyen par an à 422 millions de tonnes. Sous prétexte de donner la parole aux citoyens, Emmanuel Macron ont donc surtout cherché à gagner du temps et à (mal) masquer leur absence d’ambition en matière climatique.
Cerise sur le gâteau, Emmanuel Macron, lors de son audition le 10 janvier dernier, a balayé d’un revers de la main l’engagement qu’il avait pris consistant à soumettre les propositions de la Convention « sans filtre soit au vote du parlement soit à référendum soit à application réglementaire directe ». Les 150 membres de la convention savent désormais à quoi s’en tenir : Emmanuel Macron a clairement indiqué qu’il comptait bien jouer le rôle de « filtre » en dernier ressort, consistant à opérer le tri entre les mesures acceptables par le pouvoir et celles qui ne le seraient pas.
Face à l’immensité de la tâche, aux pressions contraires qui s’exercent pour qu’ils réduisent leur ambition et à l’inertie institutionnelle à laquelle ils commencent à être confrontés, les 150 membres de la Convention citoyenne vont-ils du coup se limiter à des mesures inoffensives et autres petits pas inefficaces ? Espérons que non. Espérons qu’ils ne laisseront pas le comité de gouvernance, les experts ou les juristes avec lesquels ils doivent composer, édulcorer leurs propositions tout en se limitant à des mesures portant sur les seuls comportements individuels.
Pour Attac France, dans une contribution publiée ce vendredi 6 mars, la Convention citoyenne sur le climat sera justement jugée sur sa capacité à rejeter une croyance dangereuse : l’addition d’actions individuelles et de mesures symboliques qui laissent inchangées le cœur des pratiques et politiques productivistes et néolibérales actuelles ne saurait permettre de contenir le réchauffement climatique en deçà de 1,5°C ou 2°C, ni même de réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici à 2030, par rapport à 1990, objectif assigné à la Convention.
Attac France appelle justement les 150 membres de la Convention citoyenne « à ne pas obéir au carcan institutionnel et politique de l’exécutif » et à « s’affranchir des politiques productivistes et néolibérales actuelles » : reprendre notre avenir énergétique des mains de la finance, choisir entre la libéralisation du commerce et le climat, éviter le piège de la pensée unique en matière climatique (la taxe carbone, la finance verte et l’innovation technologique ne sont pas la panacée) sont trois de ces passages obligés (ci-dessous, les propositions sur chacun de ces sujets).
Pour la convention citoyenne pour le climat, c’est l’heure de vérité : celle qui consiste à choisir entre le ripolinage en vert d’un capitalisme néolibéral insoutenable ou bien une bifurcation claire, franche et assumée pour une transformation sociale et écologique de notre économie.
Maxime Combes, économiste et porte-parole d’Attac France. Auteur de « Sortons de l’âge des fossiles ! Manifeste pour la transition » (Seuil, 2015).
Sources : Contribution d’Attac France pour la Convention citoyenne pour le climat
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