Pour nous, le contexte politique actuel doit inciter les parlementaires canadiens (et québécois) à intervenir afin de mettre un terme au projet de la compagnie Bruce Power de procéder à l’exportation et l’importation de ses déchets radioactifs pour fin de recyclage des métaux. Nous exposerons ici les motifs qui justifient cette demande.
Présentation RMQ-FÉSR.
Le RMQ-FÉSR est un regroupement de quelque 300 municipalités ayant, par résolution, manifesté leur intention de promouvoir les investissements dans la conservation de l’énergie, l’efficacité énergétique, la modernisation de la gestion de la demande ainsi que, si nécessaire, la production de nouvelle énergie par les renouvelables et ce dans une perspective décentralisée.
Vous comprendrez que tous les dossiers relatifs à la production de l’énergie nous interpellent et la production électronucléaire n’y fait pas exception.
En lien avec le nucléaire et le dossier ici à l’étude du comité, l’absence d’une politique de gestion intégrée des déchets nucléaires au Québec et au Canada inquiète les membres de notre regroupement. Dans un tel contexte, tout projet mettant en cause la production, le transport, la catégorisation et la gestion permanente ou temporaire des déchets radioactifs produits au Canada motive notre implication.
Le projet d’exportation et d’importation des déchets radioactifs de la part de la compagnie Bruce Power nous a donc incités à aviser quelques 185 municipalités qui au Québec étaient les plus susceptibles de se retrouver sur le parcours terrestre des déchets radioactifs. À ce jour, 125 d’entre elles ont endossé une résolution (1) soumise par le RMQ-FÉSR afin de contrer le projet de Bruce Power et contester la pertinence pour la Commission Canadienne de Sûreté Nucléaire (CCSN) d’en faciliter la réalisation.
En territoire québécois le RMQ-FÉSR est en principe opposé au transport non-essentiel de déchets radioactifs ou de matériel contaminé par la radioactivité provenant du démantèlement, de la réfection ou de l’exploitation courante de réacteurs nucléaires. Dans le cas qui nous concerne ici, les métaux contaminés par la radioactivité de Bruce Power transiteraient à destination de la Suède en utilisant la voie maritime du St-Laurent pour ensuite revenir vers l’Ontario en utilisant le réseau terrestre québécois. Ceci explique notre implication dans le projet de Bruce Power et notre décision de participer à l’audience publique tenue par la CCSN à cet effet.
La consultation publique tenue par la CCSN
Le RMQ-FÉSR se doit de manifester sa déception quant à la qualité du processus de consultation tenue par la CCSN dans le dossier qui nous interpelle ici.
Les membres de cette commission doivent prendre note du fait qu’à notre grande surprise nous avons appris, lors de cette audience, que ni le promoteur du projet ni la CCSN n’ont eu l’élégance d’aviser les autorités politiques du Québec sur la teneur de leur projet. Les municipalités du Québec éventuellement affectées par le transport des déchets radioactifs du promoteur ont également été tenues dans l’ignorance du projet. Comment peut-on expliquer qu’un projet de transport de déchets radioactifs produits au Canada impliquant l’utilisation du territoire québécois puisse s’élaborer sans que les autorités politiques plus spécifiquement concernées n’en soient avisées ? Nous avons également été déçus par le peu de considération manifesté de la part de certains commissaires suite à la présentation de notre mémoire. Certains commentaires suggéraient que les conseillers municipaux du Québec qui avaient endossé la résolution soumise à leur attention avaient agi sans connaissance appropriée. On comparait même notre résolution à une lettre circulaire. Au moment du dépôt de notre mémoire à la CCSN environ 30 municipalités avaient endossé cette résolution.
Permettez-moi de rassurer les membres du comité des ressources naturelles.
Au Québec, lorsque des résolutions sont adoptées par les éluEs elles le sont après mûres réflexions. D’ailleurs, nous joignons le libellé de cette résolution à ce témoignage et vous serez à même de juger de sa pertinence.
Pour faire suite à l’audience tenue par la CCSN nous avons soumis une correspondance à monsieur André Régimbald, ing. et directeur de la réglementation des substances nucléaires à la CCSN lui mentionnant qu’il serait utile pour tous que le personnel de la CCSN procède à la lecture de notre résolution et que nous apprécierions qu’il puisse nous informer de manière détaillée de toute erreur factuelle qu’elle pourrait, selon eux, contenir . Cette demande lui fût adressée le 26-01-2011. À ce moment 113 municipalités québécoises l’avaient adoptée. Nous sommes toujours dans l’attente d’une réponse à cet égard.
La vigilance des éluEs municipaux de notre regroupement mérite d’être soulignée. Sans l’alerte exprimée par mes collègues, le projet élaboré en catimini par la compagnie ontarienne Bruce Power d’utiliser les Grands Lacs, la Voie maritime du St-Laurent ainsi que le réseau routier québécois pour transporter ses déchets radioactifs vers la Suède pour fin de « recyclage » n’aurait pas reçu toute l’attention qu’il méritait de la part de la population québécoise et de ses éluEs provinciaux et municipaux Le comportement de la compagnie Bruce Power et l’attitude de la CCSN offrent aux canadiens et aux québécois le triste exemple d’une entreprise privée et d’une agence gouvernementale totalement dépourvue du moindre respect des règles démocratiques qui devraient les animer dans un dossier aux implications géopolitiques si évidentes.
Les aspects politiques de ce dossier : Les raisons factuelles pour ne pas autoriser le projet d’exportation et d’importation des déchets radioactifs de Bruce Power à des fin de soit disant ‘’reclyclage’’ des métaux sont nombreuses. Malgré qu’elles furent exprimées par de nombreux intervenants, la CCSN a décidé malgré tout de supporter Bruce Power dans son projet.
Dans ce contexte les membres de la commission permanente des ressources naturelles auront un rôle historique à jouer. Ils devront laisser de côté toute partisannerie politique pour renverser la décision prise par la CCSN.
L’analyse de la situation nous permet de constater que la décision prise par la CSSN a des conséquences politiques qui, si elles étaient bien évaluées par les parlementaires, justifieraient leur intervention directe dans le dossier et le retrait immédiat du permis accordé à Bruce Power.
Nous sommes d’avis que la CCSN a dépassé les limites de son mandat en octroyant le permis à Bruce Power. Est-ce que monsieur Binder l’a fait en toute connaissance de cause ? La CCSN aurait-elle profité du manque de politiques bien définies pour favoriser l’industrie nucléaire au détriment des intérêts de la population canadienne ? Une affirmation de monsieur Binder lors de l’audience publique de sa commission nous permet de croire qu’il était conscient que la décision qu’il aurait à prendre dépassait en fait le cadre de son mandat. Le témoignage de monsieur Miles Goldstick du Swedish Environmental Movement’s Nuclear Waste Secretariat lors de l’audience de la CCSN permet d’illustrer ce fait.
Lors de son intervention monsieur Goldstick a mentionné que le projet de recyclage proposé par Bruce Power soulevait d’importantes questions en matière de gestion future des déchets nucléaires à l’échelle mondiale. À cette occasion le président Binder l’a ramené à l’ordre en précisant clairement que cet aspect de la question outrepassait le mandat de ces audiences publiques.
En fait monsieur Binder aurait dû adopter l’argument de monsieur Goldstick et l’additionner à d’autres aspects politiques du dossier pour justifier la décision de surseoir à la demande de Bruce Power. Les enjeux géopolitiques interprovinciaux et internationaux sont trop lourds de conséquences pour que les membres de cette commission demeurent silencieux sur cette question.
Les aspects politiques permettant de justifier le retrait de la décision de la CCSN.
La décision de la CCSN d’octroyer à Bruce Power un permis d’exportation et importation de ses déchets radioactifs pour fin de ‘’recyclage’’ est du point de vue politique totalement inacceptable. Une analyse rigoureuse de la situation aurait dû inciter le président Binder à aviser le ministre responsable de ses activités du fait que les implications politiques d’une décision favorable à Bruce le mettaient dans une situation où il outrepassait son mandat. Pour nous ce dossier met en évidence le fait qu’au Canada et au Québec les instances politiques appropriées doivent de toute urgence et en concertation avec la population élaborer une politique qui précisera :
1) La politique canadienne en matière d’importation et d’exportation des déchets radioactifs produits par les réacteurs nucléaires déclassés ou ayant fait l’objet d’une réfection ;
2) La politique canadienne concernant l’acceptabilité ou non d’utiliser les Grands-Lacs et la Voie maritime du St-Laurent pour transporter les déchets radioactifs des réacteurs nucléaires déclassés ou ayant fait l’objet d’une réfection ;
3) La politique canadienne concernant les modalités d’acceptabilité régissant le transport des déchets radioactifs de réacteurs nucléaires par voie terrestre ;
4) La politique canadienne officielle relative à la contamination radioactive des stocks mondiaux de ferraille en raison de leur mélange délibéré ou accidentel avec des déchets radioactifs ;
5) La politique canadienne sur la classification des déchets radioactifs dits « de faible intensité ». Pour distinguer les différentes sortes de déchets radioactifs,une meilleure classification fondée sur la toxicité et la longévité est nécessaire.
Et, plus important, nous avons besoin de règles claires sur la façon d’isoler à perpétuité les déchets nucléaires de l’ensemble des êtres vivants.
Il n’appartient pas à la CCSN de déterminer la politique canadienne sur les 5 enjeux cités précédemment. Accepter la décision de la CCSN ferait en sorte que :
1. Pour la première fois le Canada procéderait à l’exportation de déchets radioactifs vers un autre pays.
2. Pour la première fois le Canada consentirait à l’importation de déchets radioactifs en provenance d’un autre pays.
3. Pour la première fois des déchets radioactifs provenant de vieux réacteurs nucléaires transiteraient par les Grands Lacs et le Saint-Laurent.
4. Pour la première fois le Canada procèderait à la dissémination de ses déchets radioactifs sur le marché commercial international des métaux recyclés Dans de telles conditions le gouvernement fédéral doit mettre en attente l’application de la décision de la CCSN. Aucune autorisation concernant le transport de la cargaison projetée des générateurs de vapeur ne devrait être accordée jusqu’à ce qu’une politique officielle ait été formulée et qu’elle ait fait l’objet d’un débat public impliquant les organismes gouvernementaux pertinents et la population canadienne, débat abordant les questions d’exportation et d’importation, de transport et de « recyclage » des déchets radioactifs provenant de réacteurs nucléaires déclassés ou ayant fait l’objet d’une réfection.
Oui au maintien des ententes convenues lors de l’audience environnementale entre Bruce-CCSN-OPG
Pour le RMQ-FÉSR tant et aussi longtemps qu’une politique canadienne appropriée n’aura pas été élaborée il conviendra d’exiger que le sort des déchets radioactifs de Bruce Power demeure conforme au scénario prévu à cet effet lors de l’audience publique environnementale de 2005-2007.
Rappelons que ce scénario préconise, dans un premier temps, l’entreposage en surface des dits déchets radioactifs jusqu’en 2043 et ce sur un site spécifiquement aménagé à cet effet par OPG. Ce scénario a d’ailleurs reçu l’approbation de la CCSN.
Aucune urgence ne peut être invoquée pour justifier la réalisation du projet de Bruce Power.
Merci
Pour nos enfants et les enfants de nos enfants
Gaëtan Ruest maire de la ville d’Amqui
Porte parole du RMQ-FÉSR
Références
1) Première résolution
2) Deuxième résolution
3) Quinze faits
4) Verbatim présentation RMQ-FÉSR
5) Verbatim MVM