Édition du 3 septembre 2024

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Israël - Palestine

Comprendre l’objectif final de Netanyahou dans la guerre contre Gaza

La véritable raison pour laquelle Netanyahu refuse de mettre fin à la guerre génocidaire contre Gaza est que ses intérêts politiques à court terme se sont parfaitement alignés sur l’objectif à long terme du sionisme – le nettoyage ethnique de la Palestine.

Tiré de France Palestine Solidarité. Article publié à l"origine dans Mondoweiss. Photo : Le parlement israélien adopte une résolution contre un Etat palestinien, 18 juillet 2024 © Quds News Network.

On a beaucoup parlé des intérêts politiques « étroits » qui poussent Benjamin Netanyahu à vouloir à tout prix une « victoire totale » à Gaza, ce qui signifie en pratique qu’il faut poursuivre le génocide et le nettoyage ethnique tout en essayant d’éradiquer la résistance.

Ce sont les opposants politiques de Benjamin Netanyahu qui ont le plus mis en avant cette version des faits. Un choix aléatoire de pratiquement n’importe quel article de Haaretz aujourd’hui en donnera un certain nombre d’exemples. Ce qui est faux, c’est que l’intérêt d’Israël à poursuivre la guerre est loin d’être étroit.

En fait, s’il est clair que Netanyahu a un intérêt politique à court terme à poursuivre le génocide de Gaza, c’est la combinaison de ces intérêts immédiats avec les objectifs à long terme du mouvement sioniste – le nettoyage ethnique de la Palestine – qui a conduit à une confluence historique unique : les intérêts politiques de Netanyahu sont désormais alignés sur l’impératif colonial du sionisme.

Les opposants politiques de Netanyahou, dont beaucoup appellent à un cessez-le-feu à Gaza, soulignent que son destin politique est actuellement entre les mains de ses alliés messianiques fascistes, Bezalel Smotrich et Itamar Ben-Gvir, qui ont menacé à plusieurs reprises de se retirer du gouvernement de coalition de Netanyahu dans l’éventualité d’un cessez-le-feu.

Cela provoquerait l’effondrement de son gouvernement, ouvrirait la voie à de nouvelles élections et rendrait Netanyahu responsable d’avoir permis au Hamas de renforcer son pouvoir pendant toutes ces années dans le cadre de sa soit-disant stratégie d’enracinement des divisions politiques palestiniennes, sans parler de l’échec enduré le 7 octobre.

Les adversaires de Netanyahu voudraient nous faire croire que ses machinations sont uniquement motivées par les illusions autoritaires d’un despote intransigeant – et qu’il est prêt à pousser Israël dans ses derniers retranchements pour y parvenir. Par exemple, le général de division Yitzhak Brik a affirmé de manière hystérique que « si la guerre d’usure contre le Hamas et le Hezbollah se poursuit, Israël s’effondrera en l’espace d’un an au maximum ».

Cette critique comporte des éléments de vérité, mais elle est également malhonnête. Si les adversaires de M. Netanyahou étaient à sa place, ils auraient également voulu « résoudre » la « question de Gaza », une réalisation du délire sioniste de conquérir toute la Palestine et d’éliminer les autochtones.

La différence réside dans les contraintes auxquelles sont confrontés les opposants de Netanyahu pour réaliser cet objectif ; ils réclament maintenant avec véhémence un accord de cessez-le-feu parce qu’ils pensent que la signature d’un accord, même s’il permet au Hamas de maintenir une présence à Gaza, permettra de ramener les captifs, qui font partie de la base sociale que représentent les opposants de Netanyahu.

Plus important encore, s’ils appellent à la conclusion d’un accord à ce stade de la guerre, c’est parce qu’ils savent que cela provoquera l’éclatement de la coalition de leur adversaire. L’opportunisme politique est à l’origine de leurs prescriptions politiques tout autant que les considérations stratégiques concernant la capacité d’Israël à faire face à une guerre sur plusieurs fronts.

Netanyahu, quant à lui, se trouve dans une position historiquement unique. La structure actuelle des facteurs le pousse à poursuivre la guerre à tout prix, même si cela signifie abandonner les captifs à leur sort. La raison en est que, pour la première fois dans l’histoire récente du sionisme, les motivations politiques de l’actuel dirigeant de l’État juif font d’une stratégie de guerre continue la seule ligne de conduite logique.

Même l’établissement d’une présence administrative palestinienne de type Vichy à Gaza n’est pas acceptable pour Smotrich et Ben-Gvir, et ils continueront à brandir la menace de la dissolution du gouvernement contre toute mesure de conciliation.

En traçant cette voie maximaliste, Netanyahu joue avec le feu, car une guerre plus large avec le Hezbollah pourrait entraîner Israël dans un bourbier qui n’offrirait guère plus que la possibilité d’une victoire à la Pyrrhus. Mais, selon lui, cette guerre représente également une opportunité.

Depuis des décennies, Netanyahu pense qu’une guerre majeure pourrait fournir à Israël la couverture nécessaire pour procéder à l’expulsion massive des Palestiniens, non seulement à Gaza, mais aussi en Cisjordanie et à l’intérieur des frontières d’Israël de 1948. L’historien britannique Max Hastings lui aurait expliqué cette idée précise en 1977.

Au début de la guerre actuelle, Netanyahu a activement tenté de pousser les Palestiniens hors de Gaza avant de se heurter au refus de l’Égypte de jouer le jeu. Pendant ce temps, Ben-Gvir et Smotrich, ainsi que le mouvement de colonisation, ont accéléré l’expansion des colonies et soutenu la violence des colons en Cisjordanie, nettoyant ethniquement au moins 20 communautés bédouines sous le couvert de la guerre.

Les détracteurs de Netanyahu ne le considèrent pas comme un idéologue comme Smotrich et Ben-Gvir – et ils ont peut-être raison – mais cela est sans incidence. Même s’il a certainement exprimé son attachement à l’idéal sioniste de conquête territoriale totale, le fait est qu’aujourd’hui, même si le fait de pousser à la « victoire totale » risque d’entraîner une guerre qui nuira à son État, il n’a pas d’autre choix compte tenu de l’équilibre actuel des pouvoirs au sein de la politique israélienne.

C’est ainsi que la guerre génocidaire d’Israël est devenue la guerre de nécessité de Netanyahu.

Netanyahu espère y parvenir en entraînant les États-Unis dans une guerre avec l’Iran, assurant ainsi la position d’Israël en tant qu’unique puissance régionale au Moyen-Orient. C’est un scénario qu’il préconise depuis des décennies, y compris devant une commission du Congrès en 2002, où il avait également exhorté les États-Unis à envahir l’Irak.

Dangers et opportunités

Mais les choses ont changé depuis. L’Iran n’est pas une puissance militaire mineure, pas plus que le Liban. L’Iran et le Hezbollah ont accumulé suffisamment de forces au cours des dernières années pour renforcer la dissuasion à l’égard d’Israël, garantissant ainsi que toute guerre régionale serait destructrice non seulement pour eux, mais aussi pour Israël.

C’est pourquoi Netanyahu espère que les États-Unis seront contraints d’intervenir et de se ranger du côté d’Israël.

L’armée et l’économie israéliennes ne sont pas non plus prêtes pour une guerre majeure après dix mois de pertes.

Au début du mois de juillet, l’armée israélienne a déclaré qu’elle souffrait d’une pénurie de chars en raison du grand nombre de ceux qui ont été endommagés et mis hors service pendant la guerre, tandis que le ministère israélien de la guerre a déclaré que quelque 10 000 soldats et officiers avaient été blessés et que 1000 soldats continuaient à participer à des programmes de rééducation chaque mois.

Cette pénurie de personnel militaire a conduit Israël à adopter une loi obligeant les Haredim orthodoxes à s’enrôler pour le service, annulant ainsi une exemption qui durait depuis 76 ans.

Sur le plan économique, la note de crédit d’Israël a été abaissée par l’agence Fitch à « Perspectives négatives » au début du mois d’août en raison de la guerre. Dans l’ensemble, il semble que l’économie israélienne soit confrontée à une situation catastrophique.

Netanyahu a décidé qu’il était prêt à supporter ce coût, contre la volonté de ses opposants politiques nationaux et les désirs du gouvernement américain, simplement parce qu’il n’y a pas d’alternative pour lui. Le soutien illimité des États-Unis en dépit d’un comportement aussi jusqu’au-boutiste n’a fait qu’enhardir Netanyahou.

Netanyahu a ordonné l’assassinat de Fouad Shukur à Beyrouth et d’Ismail Haniyeh à Téhéran après son discours au Congrès, où il n’a reçu que des ovations.

À la suite de ces assassinats et des menaces de ripostes, les États-Unis ont renforcé leurs forces au Moyen-Orient afin de se préparer à défendre Israël contre d’éventuelles représailles.

Dans le même temps, les États-Unis se sont empressés d’essayer de contenir la situation en proposant un nouvel accord. Celui-ci comprenait de nouvelles conditions avancées par Netanyahu, qui ont servi à relever la barre de ce qui était considéré comme un accord acceptable [par la résistance], contre l’avis des négociateurs israéliens eux-mêmes.

Pourtant, les États-Unis n’ont fait que pointer du doigt le Hamas, affirmant que la balle était dans son camp.

Netanyahu a obtenu tout ce dont il avait besoin de la part des États-Unis à chaque étape du processus, ce qui lui a permis de poursuivre sa dangereuse stratégie sans qu’aucun reproche ne lui soit adressé.

Il espère que son pari sera payant en apportant une « solution finale » à la « question de Gaza » et en devenant ainsi un héros national sioniste.

Mais même si cela représente l’opportunité d’arracher un succès historique pour le projet sioniste, cela ouvre également la possibilité qu’Israël subisse un revers historique qui pourrait ouvrir une nouvelle ère de résistance pour les peuples autochtones de la région.

Traduction : Chronique de Palestine

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