Avec la sortie du projet de loi 61 du gouvernement Legault, on peut se demander ce que nos élus n’ont pas encore compris ? Que faut-il de plus pour qu’ils commencent, au fédéral comme au provincial, à réaliser qu’on n’a plus rien à perdre mais tout à gagner à s’attaquer sérieusement aux crises climatique et environnementale ?
Justin Trudeau vient d’autoriser que des forages pétroliers en mer près de Terre-Neuve-et-Labrador soient exemptés de la Loi sur l’évaluation d’impact. Une immense zone marine, comprenant des aires protégées et des aires de pêche parmi les plus productives, est offerte aux pétrolières. Les biologistes marins ont sonné l’alarme : ces zones sont appelées à jouer un rôle essentiel dans la conservation d’espèces menacées par le réchauffement océanique. Le risque bien réel d’accident catastrophique pouvant porter une grave atteinte à l’industrie de la pêche a aussi été soulevé par les scientifiques. Mais rien n’y fait. Aucune logique de survie à long terme, aucun principe de précaution ne vient troubler la fixité des intentions gouvernementales en matière d’exploitation d’hydrocarbures. Nos dirigeants agissent comme des créatures décérébrées, comme des machines déréglées ; leur intelligence est devenue abstraite, artificielle, coupée du contact avec la réalité naturelle.
Où en sera la crise climatique dans 10 ans, alors que les canicules sont déjà insupportables ? Allons-nous pouvoir climatiser tous les élevages, toutes les habitations, toutes les écoles et les cours d’école, toutes les industries et les commerces ? Comment pourrons-nous empêcher les animaux à fourrure de suffoquer et les champs de blé et les potagers de sécher sur place ? Est-ce qu’on va construire des serres à la grandeur des provinces pour compenser la fertilité perdue des sols ? Réponse de l’automate : « Dans 10 ans on aura encore besoin de pétrole ».
Est-ce une bonne idée de transformer un des joyaux récréotouristiques du Québec, le fjord du Saguenay, en zone industrielle hyperpolluée, avec des industries produisant des centaines de milliers de tonnes de déchets et de gaz à effet de serre chaque année et amenant un trafic maritime de bateaux géants dans le sanctuaire des bélugas et des baleines ? Est-ce une bonne idée de couper nos forêts anciennes, précieux puits de carbone, jusque dans l’habitat du caribou, pour faire construire des cadres de portes et fenêtres en Chine, et de les remplacer par des monocultures destinées à être récoltées plus rapidement ? Est-ce une bonne idée de produire encore plus de béton (fortement émetteur de GES) pour construire des édifices et des nouveaux ponts et autoroutes et favoriser l’étalement urbain et l’augmentation du trafic automobile ? Est-ce que nos élus sont à ce point dénués d’imagination qu’ils ne trouvent rien de mieux à faire avec notre hydroélectricité (une énergie propre) que de liquéfier du gaz de schiste (une énergie sale) ? Ces aberrations écologiques, économiques et sociales, présentées par le gouvernement Legault comme des solutions de développement économique, en fermant les yeux sur leurs impacts environnementaux, marquent un sommet de bêtise institutionnelle.
Le Québec est une société riche, qui possède des institutions d’enseignement, des artistes, des intellectuels, des savants et une population de bonne foi, capable de comprendre que lorsqu’il est temps de sortir d’une crise, on ne peut pas faire n’importe quoi. Le Québec a tout ce qu’il faut pour transformer son économie et opérer une véritable transition écologique juste et porteuse d’un avenir viable. Nous savons ce qu’il faut faire. Des scientifiques, des groupes d’experts et des citoyen.nes engagé.es ont élaboré les scénarios de relance pour une sortie de crise, proposé une feuille de route pour atteindre rapidement la carboneutralité.
Le nihilisme des décideurs actuels, qui continuent d’ignorer les signaux d’alarme que nous lancent les scientifiques et la nature elle-même, prend toute la population en otage. Comme les passagers du Titanic, nous sommes engagés collectivement, et toujours plus rapidement, vers un point de rupture. Dans 10 ans, il sera trop tard pour dire : « Pourquoi n’avons-nous pas agi alors qu’il était encore temps ? »
Louise Morand
Comité vigilance hydrocarbures de L’Assomption
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