Le problème n’est pas la multiplication « de tous les groupes victimisés, marginaux et marginalisés ». La « multitude de [ces] luttes » de groupes d’oppriméEs, qui ensemble constituent plus de la moitié de la population, est plutôt la bonne nouvelle. Les minoritaires vieux mâles « straight » doivent porter attention à ne pas se plaindre le ventre plein parce qu’ils se font un peu bousculer. Le problème c’est plutôt que « [l]a lutte pour / contre les inégalités sociales et l’environnement cède le pas... ». Son absence engendre un déséquilibre qui, non seulement crée une fausse impression de débordement, mais aussi nuit à ces luttes elles-mêmes. La lutte pour le « bien commun » sert de creuset à toutes ces luttes en leur révélant l’ennemi commun : le capitalisme néolibéral et patriarcal, se présentant au Québec sous la forme politique du fédéralisme. La forte absence du combat « toutes et tous ensemble », comme c’est le cas depuis le début 2016, favorise la transformation des luttes et protestations contre les oppressions en guerres identitaires dont l’(extrême)-droite nationaliste, sexiste et homophobe fait son pain et son beurre.
Il est très malheureux que Québec solidaire se laisse emporter par le courant au lieu d’être le fer de lance de la contre-attaque unitaire. Depuis le début 2016, le parti a jeté aux orties la lutte écologique au point de s’être laissé damer le pion, même par les Libéraux, sur la question des cibles anti GES pour respecter les Accords de Paris tout en s’en remettant aux « marchés », c’est-à-dire aux transnationales et à la Finance, pour prendre l’initiative au lieu de recourir à une planification démocratique [2]. Même la lutte contre les inégalités en prend un coup : pour les bénéficiaires de l’aide sociale dits « inaptes au travail », le revenu minimum du parti leur garantit un peu plus de 13 000 $ l’an alors que les Libéraux leurs promettent un peu plus de 18 000 $ il est vrai dans six ans. Sans compter l’acquiescement du parti à la clause orphelin des Libéraux au détriment des nouveaux bénéficiaires dits « aptes au travail ».
On ne suscite pas une unificatrice lutte pour le bien commun avec une pareille politique, ce à quoi pourrait contribuer la gratuité du transport en commun sur dix ans, comme l’a fait la gratuité scolaire pour le Printemps érable en 2012. Il n’y a qu’une telle mobilisation qui puisse réconcilier le peuple québécois, en particulier sa jeunesse, avec l’indépendance en tant que consécration de cette libération nationale comme envers ou avers de l’émancipation sociale. Car il faut la première pour prendre le contrôle de l’épargne nationale et se débarrasser des hydrocarbures que la deuxième nécessite. Rien à voir avec l’indépendance d’Option nationale, nouveau collectif du parti chargé de sa promotion de par « l’entente de principe », qui propose de faire du peuple québécois les porteurs d’eau et les scieurs de bois du marché global créé par le néolibéralisme3. Rien d’étonnant alors, n’ayant rien à offrir aux non francophones sauf des embêtements, que le parti s’abaisse à la séduction du bilinguisme reniant l’acquis du français langue commune gagné par notre génération lors des luttes de sa jeunesse.
Marc Bonhomme, 18 janvier 2018
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