Les violences exercées contre les femmes autochtones font partie des sujets qui seront débattus lors de la deuxième édition du colloque Résistances des femmes autochtones dans les Amériques : dialogues, réflexions et actions. L’événement se déroulera à l’Agora Hydro-Québec (CO-R500) du Cœur des sciences de l’UQAM les 4, 5 et 6 septembre prochains, en présence, notamment, de Sylvie D’Amours, ministre responsable des Affaires autochtones et députée de Mirabel à l’Assemblée nationale du Québec, et de Viviane Michel, présidente de Femmes autochtones du Québec.
Co-organisé par Véronica Gomes et Ludivine Tomasso, doctorantes en sociologie et en science politique, et par Tania Larivière, auteure et militante Anishinabe, le colloque réunira une trentaine de conférencières, majoritairement autochtones, provenant du Québec, du Canada anglais, d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud. « Le fait d’inviter des femmes autochtones à l’UQAM s’inscrit dans une démarche universitaire qui se veut inclusive, souligne Ludivine Tomasso. Nous n’organisons pas un colloque pour les femmes autochtones, mais avec elles. »
Gratuit et ouvert au grand public, le colloque vise à établir un dialogue entre chercheuses et militantes, autochtones et allochtones, autour des luttes des femmes autochtones dans les Amériques. Il fera aussi état des connaissances actuelles sur des questions telles que la coconstruction des connaissances avec les communautés autochtones, l’accès au savoir universitaire, les savoirs décoloniaux et les enjeux queer et two-spirits (expression qui renvoie aux personnes disant posséder des caractéristiques psychologiques et identitaires des deux genres).
Les co-organisatrices ont reçu l’appui de divers organismes, dont le Réseau québécois en études féministes (RéQEF), l’Institut de recherches et d’études féministes (IREF) et Femmes autochtones du Québec. « Après une première édition tenue à Paris en août 2018 dans le cadre du Congrès international de recherches féministes dans la Francophonie, nous avons voulu répéter l’événement en lui donnant encore plus d’ampleur, explique Ludivine Tomasso. Le fait que le colloque se tienne au Québec favorise la participation de femmes d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud. Nous aurons ainsi des participantes en provenance du Guatemala, du Mexique, du Pérou et de la Guyane française. »
Un rôle de leadership
Les femmes sont souvent à la tête des mobilisations des populations autochtones. Ce sont elles qui ont créé les premières organisations de recherche des personnes disparues lors des conflits armés au Guatemala, dans les années 1980 et 1990, qui ont été à l’avant-plan de la lutte contre la stérilisation forcée de milliers de femmes autochtones au Pérou, entre 1995 et 2000, et du mouvement de défense de la souveraineté et des territoires autochtones Idle No More, apparu au Canada en 2012.
« L’un des objectifs du colloque est de réfléchir à la nécessité de renouveler les manières d’appréhender les luttes menées par les femmes autochtones, note la doctorante Véronica Gomes. On parle beaucoup des violences qu’elles subissent, mais pas suffisamment de leurs actions de résistance. Elles ne sont pas que des victimes. Ce sont des actrices qui assument un rôle de leadership. » Ainsi, en Argentine, un pays où le machisme tue tous les jours, on a assisté en 2015 à la naissance du mouvement Ni Una Menos (Pas une de moins) pour l’élimination définitive de la violence envers les femmes, lequel s’est répandu dans d’autres pays d’Amérique latine.
Les femmes sont aussi mobilisées pour dénoncer les répercussions environnementales des activités d’exploration et d’exploitation de sociétés minières sur les territoires autochtones en Amérique latine. « Amandine Galima, porte-parole de Jeunesse autochtone Guyane, sera présente au colloque pour parler du mouvement d’opposition dans son pays au projet minier La Montagne d’or, mené par le consortium russo-canadien Nordgold/Columbus Gold, indique Ludivine Tomasso. Le consortium prévoit ouvrir un immense chantier en plein cœur de la forêt amazonienne, menaçant la vie animale et végétale. »
Coconstruire les savoirs
Le colloque permettra aussi d’alimenter la réflexion sur les démarches associées aux recherches partenariales avec les communautés autochtones, lesquelles suscitent de plus en plus d’intérêt. « L’enjeu est de développer une coconstruction des connaissances qui soit complète, c’est-à-dire depuis la conception du projet de recherche jusqu’à sa réalisation et à la diffusion de ses résultats », observe Véronica Gomes.
« Cela dit, une coconstruction des connaissances est impossible sans la reconnaissance des savoirs des femmes autochtones« , poursuit Ludivine Toamsso. « Qu’elles soient chercheuses ou militantes, les femmes autochtones sont les véritables expertes de leur histoire, de leurs conditions de vie et de leurs expériences de lutte », renchérit Véronica Gomes.
Repenser les approches méthodologiques s’impose en particulier dans les enquêtes de terrain. « On peut, par exemple, privilégier les conversations ouvertes ou les cercles de discussion, plutôt que les entrevues traditionnelles avec des questions très précises, dit Ludivine Tomasso. C’est une façon de respecter l’importance de l’oralité chez les Autochtones. »
Volet culturel
Le colloque prévoit la présentation d’une dizaine de courts métrages réalisés par le Wapikoni mobile, un studio de production ambulant destiné aux jeunes Autochtones, créé par la cinéaste Manon Barbeau (B.Sp. animation culturelle, 1974). Les projections auront lieu le jeudi 5 septembre, de 18 h à 19 h 30.
Lors de la soirée de clôture, le vendredi 6 septembre, de 17 h à 20 h, Catherine Boivin, étudiante au baccalauréat en arts visuels et médiatiques et artiste multidisciplinaire Atikamekw, et Anachnid, artiste multidisciplinaire Oji-Crie et Mi’gmaq, présenteront une performance visuelle et musicale.
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